(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 218
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 218

Saint-Pavin, [Denis Sanguin de] Abbé de Livri, né à Paris, mort en 1670 ; un de ces Poëtes légers, ingénieux & faciles, tels que le Siecle de Louis XIV en a produit un si grand nombre. Ses Poésies sont en général pleines d'esprit & de délicatesse, & portent l'empreinte de son caractere libre jusqu'à la licence. Sa vie fut à peu près semblable à celle de l'Abbé des Ivetaux ; l'un & l'autre sacrifierent tout au plaisir, sans excepter l'honneur. Saint-Pavin poussa la liberté d'esprit jusque sur les matieres de Religion ; ce qui faisoit regarder à Boileau sa conversion comme impossible. L'Abbé de Livri se vengea par des Epigrammes sanglantes, & par ce Sonnet, entre autres, qui mérite d'être cité, moins pour la justesse de la critique, que pour sa tournure ingénieuse & sa précision.

Despréaux, grimpé sur Parnasse
Avant que personne en sût rien,
Trouva Regnier avec Horace,
Et rechercha leur entretien.
Sans choix & de mauvaise grace
Il pilla presque tout leur bien ;
Il s'en servit avec audace,
Et s'en para comme du sien.
Jaloux des plus fameux Poëtes,
Dans ses Satires indiscrettes,
Il choque leur gloire aujourd'hui.
En vérité je lui pardonne ;
S'il n'eût mal parlé de personne,
On n'eût jamais parlé de lui.

Saint-Pavin eût beaucoup mieux fait de penser & d'agir plus sagement, que de se défendre par des Satires. Le vice n'a point de droit à la vengeance, sur-tout quand les reproches qu'il s'attire sont si légitimes.