(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 479-480
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 479-480

Charleval, [Jean-Louis Faucon de Ris, sieur de] né à Paris en 1613, mort dans la même ville en 1693 ; Bel-Esprit de son temps, qui cultiva les Lettres, & fit des vers pour son plaisir, dont il ne nous est parvenu que quelques Pieces, qui font connoître qu’il avoit du talent pour la Poésie légere.

Il étoit fort lié avec Voiture, Scarron, Sarrasin, avec la fameuse Ninon, & quelques autres, d’une société pleine de gaieté & d’agrémens, ce qui ne contribue pas peu à animer un esprit naturellement agréable & facile. On se souvient du Couplet qu’il adressa à Madame Scarron, depuis Madame de Maintenon.

Bien souvent l’amitié s’enflamme,
Et je sens qu’il est mal-aisé
Que l’ami d’une belle Dame
Ne soit un Amant déguisé.

Il ne faut pas ignorer qu’il est l’Auteur de la fameuse Conversation du P. Canaye avec M. le Maréchal d’Hocquincourt, insérée dans les Ouvrages de St. Evremont, qui n’a fait que la gâter en y ajoutant.

Une anecdote qui fait honneur aux sentimens de Charleval, c’est la générosité avec laquelle il offrit dix mille francs à M. & à Madame Dacier, croyant que le dérangement de leurs affaires étoit la principale raison qui les déterminoit à abandonner Paris pour se retirer en Province.

Scarron, pour peindre la délicatesse de l’esprit & du goût de Charleval, disoit que les Muses ne le nourrissoient que de blanc-manger & d’eau de poulet. Quoique d’une complexion foible, il vécut quatre-vingts ans, & conserva jusqu’à la fin de sa vie tous les charmes de la jeunesse, & cette bonté de cœur si désirable dans l’amitié ; c’est l’éloge qu’en fait Mademoiselle de Lenclos, dans une Lettre qu’elle écrit à S. Evremont, en lui apprenant la mort de cet ami commun. C’est plus que mourir soi-même, lui dit-elle, que faire une pareille perte.