IMBERT, [Barthelemi] de l’Académie de Nîmes, sa patrie, né en 1747.
Peu d’Auteurs ont eu dans la carriere poétique un début aussi brillant. Le Poëme du Jugement de Pâris est une espece de phénomene. Ce trait de la Fable, si rebattu dans la Poésie ancienne, si souvent & si foiblement traité dans la Poésie moderne, a paru rajeuni sous la plume de ce Poëte, & enrichi d’une invention plus piquante, & d’un nouveau ressort qui produit le plus grand effet. Sans s’assujettir aux Traditions de la Mythologie, le génie de M. Imbert a créé son Héros, & le caractere qu’il lui a donné est des mieux imaginés & des plus agréablement soutenus. Rien de si ingénieux & de si simple que le plan de ce Poëme. Les trois Déesses y sont présentées sous des couleurs riantes & très-distinctes, selon les attributs que la Fable leur a départis. Pour les détails, on ne sauroit trop y applaudit : l’élégance, le naturel, l’aménité, y répandant un air de vie qui égaye l’imagination, la fixe sur tous les objets, & les lui rend sensibles. Pourquoi sommes-nous dans le cas de reprocher à ce joli Poëme un peu de longueur dans l’action, de trop longs discours qui le refroidissent, & de petites incorrections qui en déparent quelquefois le style, fait pour n’admettre rien de vicieux, ni même de médiocre ?
Le Jugement de Pâris a été suivi d’un volume de Fables & d’un volume d’Historiettes & Nouvelles, en Vers, dont le ton original distingue ce jeune Poëte des Fabulistes & des Conteurs de nos jours. Versification leste, piquante, coupée avec une agréable variété : morale saine, ingénieuse, utile, & très-heureusement exprimée : fécondité d’invention dans les sujets, dans les tournures, dans les détails, dans les applications : imitations heureuses des graces ingénues de l’Auteur de Joconde : telles sont les richesses que la Muse de ce nouveau Fabuliste offre aux Amateurs de l’Apologue & du Conte, c’est-à-dire à toute espece de Lecteurs. Serons-nous encore accusés d’être trop séveres, si nous remarquons que, dans certaines de ses Fables, le naturel n’est pas toujours aussi bien saisi qu’il pourroit l’être ; que ce qu’on appelle les mœurs dans les animaux, n’est pas d’accord avec les idées que nous en avons ; que la moralité vient quelquefois trop brusquement, & n’est ni aussi juste, ni aussi saillante, que le récit le promettoit, & que, parmi ses Historiettes, il y en a plusieurs dont la trivialité du sujet n’est rachetée, ni par la nouveauté des tours, ni par l’agrément du style ? Non, la critique ne peut qu’humilier l’impuissance & révolter l’amour-propre indigent. Avertir des défauts qui lui échappent un Peintre habile, entre les mains de qui on voit un pinceau capable de tout, c’est se montrer jaloux de sa gloire & non de son merite ; c’est lui indiquer les routes de la perfection, & concourir foiblement à la vérité, mais toujours concourir aux chef-d’œuvres que le Public a droit d’attendre de ses talens.