(1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274
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(1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

II. La versification, et la rime.

Peut-il y avoir de la poësie sans vers, & des vers sans rime ? deux questions pour lesquelles il s’est élevé sur le Parnasse une double guerre civile, & que je traiterai dans un seul article à cause de leur rapport.

Le Télémaque a fait renouveller la première question agitée, en 1663, par un écrivain obscur, nommé Pierre de Bresche, dans son ouvrage intitulé, le Mont-Parnasse. Il se décida pour les vers. Les partisans de l’illustre Fénélon ont fait le contraire ; ils ont soutenu que la versification n’est pas de l’essence de la poësie

Croyant assurer à la nation la gloire d’avoir enfin un poëme épique, ils décorèrent de ce nom le Télémaque, quoique l’auteur lui-même ne l’ait jamais fait paroître sous ce titre, mais sous celui d’ Aventures de Télémaque. Ils avancèrent qu’il avoit toutes les parties qui constituent un poëme. Ils le mirent à côté de l’Iliade & de l’Énéide, & voulurent prouver que notre Parnasse n’avoit plus rien qu’il dût envier au Parnasse Italien, Anglois & Portugais. La prose du Télémaque, si fleurie, si tendre, si harmonieuse, si cadencée, leur sembla plus poëtique & plus agréable que les plus beaux vers. On alla jusqu’à prétendre que la mesure eût gâté le chef-d’œuvre de Fénélon ; & que la plus grande louange qu’on pût donner à des vers, étoit de dire qu’ils valent de la prose. On s’appuya de l’exemple de ce beau génie pour la faire employer partout, & la rendre désormais le seul langage d’Apollon.

Qui croiroit que le plus ardent à fronder la versification, fut un versificateur ? La Mothe, après avoir passé toute sa vie à faire des vers, finit par les décrier. Jamais un vrai poëte, jamais le Tasse, Despréaux, Racine & Pope, n’eurent de pareilles idées. Newton déclama-t-il contre les mathématiques, Lulli contre la musique, & Raphaël contre la peinture ? La Mothe traita la versification de folie ingénieuse à la vérité ; mais toujours folie. Il compara les plus grands versificateurs à des faiseurs d’acrostiches, & à un charlatan qui fait passer des grains de millet par le trou d’une aiguille, sans avoir d’autre mérite que celui de la difficulté vaincue . Il les représenta se donnant la torture pour un mot, les yeux étincelans, les ongles rongés, faisant mille gestes convulsifs & ridicules pour amener des idées.

On disoit que La Motte ne s’élevoit contre les vers, que parce qu’il ne les sçavoit pas faire. Les siens sont durs, raboteux & chevillés. Il mettoit partout de l’esprit au lieu d’images, de l’analyse au lieu d’imagination, de la sécheresse & de la froideur au lieu d’embonpoint, de véhémence & d’un feu divin. Néanmoins dans sa bouche ils étoient charmans, parce qu’il étoit l’homme de France qui lisoit le mieux. Toutes les fois qu’on l’entendoit réciter quelques vers à l’académie Françoise, on l’applaudissoit singulièrement. Ses fables même étoient écoutées avec transport. On étoit ensuite étonné à l’impression de l’effet qu’elles avoient pu faire à la lecture. Sa prose, quoique fort supérieure à ses vers & pleine de raison, est précieuse, épigrammatique & forcée. De quelque manière qu’on envisage La Mothe, il ne peut être mis dans la classe des excellens écrivains. Issé & l’Europe galante ne le rendent pas plus égal à Quinault, que Romulus & Inès de Castro à Corneille & à Racine.

Pour faire passer ses idées, & pour engager les jeunes gens dans la route qu’il étoit tout glorieux de leur tracer, il ne parla d’abord de mettre en prose que les pièces de théâtre. Il donna, en confirmation de ses principes, la décomposition de la première scène de Mithridate de Racine, On nous faisoit Arbate, &c. : jamais beauté ne fut plus défigurée. Il fit un Œdipe en prose pour le faire contraster avec son Œdipe en vers : l’une & l’autre pièce est insupportable. La première ne fut pas même lue : la seconde fut jouée trois fois, & c’étoit beaucoup, quoique l’auteur, dans un avertissement à la tête de cette tragédie imprimée avec ses autres œuvres dramatiques, prétendre qu’elle fut interrompue au milieu du plus grand succès. Quand La Mothe crut avoir familiarisé le public avec l’idée d’avoir une tragédie sans vers, il étendit son systême à l’ode. Il en publia deux en prose : il en vint jusqu’à prétendre que la prose étoit du ressort de tous les genres de poësie. Il les parcourut tous, & donna successivement de pareils exemples. Son ode au cardinal de Fleuri, lue en pleine académie, n’est que le développement de ce systême. Dans la seconde strophe l’auteur invective ainsi contre la mesure : « Mesure tyrranique, mes pensées seront-elles toujours vos esclaves ? Jusques à quand usurperez-vous sur elles l’empire de la raison ? Dès que le nombre & la cadence l’ordonnent, il faut vous immoler comme vos victimes, la justesse, la précision, la clarté, ou, si je m’obstine à les conserver malgré vous, par quelles tortures ne vous vengez-vous pas de ce que je vous résiste. Je vois le soleil se lever, se coucher, se relever plus d’une fois avant que j’aie pu vous réconcilier avec une pensée qui valoit à peine quelques momens. »

Le grand argument de La Mothe, en faveur de son opinion, étoit que la prose peut dire tout ce que disent les vers ; au lieu que les vers ne sçauroient dire tout ce que dit la prose ; qu’elle comporte, aussi bien que la poësie, l’enthousiasme, l’invention, les images, les figures hardies, la pompe de l’expression. D’aussi frivoles raisonnemens persuadèrent quelques esprits, toujours entraînés par la singularité. Ils se joignirent à La Mothe, mirent des couronnes de laurier sur le front des poëtes prosateurs, appellèrent favori d’Apollon quiconque, sans employer la mesure, écrivoit avec beaucoup d’imagination ou d’énergie. On leur entendoit dire le poëte Malebranche, le poëte Fénélon, le poëte La Bruyère. Ils contestoient que la mesure fut à la poësie, ce que les couleurs sont à la peinture, & les sons à la musique. Le rithme, le nombre, les inversions, la rime, l’harmonie, tout ce qui constitue les productions heureuses d’un génie poëtique, étoit rejetté.

La conspiration étoit à craindre. Les poëtes de tous les siècles & de tous les pays perdoient de leur mérite, si l’on ne se fût empressé d’assurer les prérogatives du Parnasse. On représenta les vers comme l’ame de la poësie, comme le point de réunion de toutes les beautés enfantées par la véritable verve, comme la source du pouvoir magique d’Amphion & d’Orphée. Et qu’importe, disoit-on, aux ennemis des vers, qu’ils soient une beauté réelle ou de convention, un plaisir né de la chose même ou de l’effet du méchanisme, du moment qu’ils sont tant que de charmer ? Ne détruisons point le prestige ; livrons-nous à l’impression délicieuse qui résulte du mérite de la difficulté vaincue. Oui, c’en est un ; &, sans celui-là, quelque intéressante que soit une tragédie, elle aura cette perfection de moins. Inès de castro, mise en prose, perdroit tout son prix. On cita cet axiome. « Point de poësie sans versification, comme point de chant & point de danse sans cadence & sans mesure. Ecrire en prose, c’est parler, c’est marcher ; écrire en vers, c’est chanter, c’est danser. » On a comparé la poësie sans versification aux desseins de Le Brun, qui ne sont point coloriés. Il faut qu’ils le soient, pour être des tableaux. On vouloit qu’on admit les vers, ne fut-ce que parce qu’ils gravent mieux que la prose les faits dans la mémoire.

Parmi ceux qui s’opposèrent fortement à l’innovation, on distingua l’abbé Fraguier, Raimond de Saint-Mard, Desfontaines, La Chaussée & La Faye. Celui-ci fit voir, dans une ode, que les difficultés de la versification disparoissent devant ceux qui sont nés poëtes ; & que, bien loin d’être nuisibles au talent, elles contribuent à le faire sortir, & deviennent la source de mille beautés :

De la contrainte rigoureuse,
Où l’esprit semble resserré,
Il acquiert cette force heureuse
Qui l’élève au plus haut dégré.
Telle, dans des canaux pressée,
Avec plus de force élancée,
L’onde s’élève dans les airs ;
Et la règle, qui semble austère,
N’est qu’un art, plus certain de plaire,
Inséparable des beaux vers.

Il parla de l’effet que firent, sur l’ame d’Auguste, les vers de Virgile, touchant la mort de Marcellus. Tous ses raisonnemens furent accompagnés de modération & de politesse. Il loua La mothe, en le critiquant &, s’attira, de sa part, une réponse également polie. L’ode, décomposée & mise en prose, fut opposée à l’ode en vers. La Faye revint à la charge. Ils firent, l’un & l’autre, pendant long-temps, assaut d’esprit, de raison, d’honnetetés, & même de fadeurs. La Mothe fut comparé au pactole, comparaison d’autant plus singulière, que La Faye avoit appellé grand fleuve cette petite rivière. Le poëte Laynès, dont on a si peu de choses, releva la bévue dans cette épigramme :

La Faye a comparé son héros au pactole.
        Il les a si bien assortis,
        Qu’on fait grace à son hyperbole.
Il les croit tous deux grands, ils sont tous deux petits.

Enfin M. de Voltaire, jeune alors, mais animé de cette confiance qu’inspire à la jeunesse une grande réputation naissante, s’éleva contre l’abus de substituer la prose aux vers. Il peignit La Mothe comme un mécontent de la cour d’Apollon, qui cherchoit à se venger de n’avoir pas eu ses faveurs, en détournant les autres de les recevoir. Condamner, disoit-ils nos poëtes François, c’est condamner aussi les poëtes Grecs & Latins. Un arrangement heureux de spondées & de dactiles donne autant de peines que nos hémistiches & le nombre déterminé de nos syllabes. La Mothe, quoique vieux athlète, ne dédaigna pas de rentrer en lice avec un ennemi de cet âge : mais il conserva ce ton d’empire, ces airs de présomption que lui passoient ses adorateurs, & qui ne lui réussirent point alors. Il est peint dans le Temple du goût.

Tout doucement venoit La Mothe Houdard,
lequel disoit, d’un ton de papelard :
Ouvrez, Messieurs, c’est mon Œdipe en prose.
Mes vers sont durs, d’accord, mais forts de chose,
De grace, ouvrez, je veux, à Despréaux,
Contre les vers, dire avec goût deux mots.

La dispute, entre ces deux hommes célèbres & leurs partisans, n’alla pas plus loin. La Mothe, au jugement d’un de nos écrivains également versé dans la littérature & dans les sciences abstraites, n’eut d’autre tort que celui d’écrire contre la poësie en écrivant contre les vers dans les pièces de théâtre. Il se comporta comme une personne qui écriroit contre la musique, voulant prouver que le chant n’est pas essentiel à la tragédie. S’il n’eût pas combattu le préjugé par des paradoxes, s’il eût tout simplement écrit en prose la tragédie intéressante d’Inès, nous aurions peut-être un genre de plus.

Mais ce genre, selon un autre observateur judicieux, nous l’avons. Nos vers ne sont point des vers : ils n’ont point de rithme, point de longues & de brèves. Deux syllabes ont toujours la double valeur d’une seule dans l’énumération des pieds & dans la prononciation. Faute de mesure métrique, proprement dite, nos vers ne sont que de la prose. Elle peut réclamer toutes les beautés poëtiques qu’ils renferment, & faire valoir contr’eux le systême de La Mothe. Des syllabes uniformes, comptées par les doigts & rimées à la fin de la ligne, ne sçauroient dénaturer la prose. Les Italiens & les Anglois sont dans le même cas que nous. Aucune des langues modernes n’est favorable à la versification. Les Grecs & les Romains sont les deux peuples de la terre qui ont le mieux entendu cette partie, qui ont le plus montré de délicatesse d’oreilles, en mesurant les syllabes brèves & longues, & les combinant ensemble pour le rithme & le métre. Cependant, conclut notre écrivain, quelque imperfection qui se trouve dans nos vers, il faut les laisser tels qu’ils sont, parce que le mal est sans remède.

La dispute, concernant la rime, se passa presque entre les mêmes personnes. Celles qui rejettoient la versification, ne pouvant faire adopter leur étrange paradoxe, se retranchèrent à fronder la rime, à tâcher au moins de la bannir des vers. Ils l’appellèrent une invention nouvelle & barbare, une production monstrueuse, enfantée dans le temps que les langues étoient informes. Ils la peignirent comme une de ces figures hideuses, dont le contraste avec la belle nature effraye tous ceux qui les examinent de près. La rime, à ce qu’ils prétendoient, gêne plus qu’elle n’orne les vers : elle les charge d’épithètes ; rend la diction forcée, extraordinaire, emphatique ; énerve les pensées & allonge nécessairement le discours. Pour amener un bon vers, elle oblige souvent d’en faire un mauvais. Elle fatigue à la longue, & cause de la satiété. Sa monotonie est tout au plus supportable dans les petits ouvrages ; dans les autres, elle excède, surtout si ce sont des vers alexandrins, qui ne souffrent point de licences & d’enjambemens, & dont l’égalité des hémistiches est une seconde cause d’ennui. L’exemple des Italiens & des Anglois, qui admettent des vers blancs ou non rimés, étoit l’argument qu’on faisoit le plus valoir contre le retour des mêmes sons dans les vers. Un Anglois disoit que chaque dystique portoit sur deux rimes comme sur deux béquilles. Toutes ces raisons, si spécieuses & si foibles d’ailleurs, prenoient du poids & de la force dans la bouche & dans les écrits de Fénélon, de La Mothe & de M. l’abbé Prévôt ; car ils en vouloient tous à la rime. Ils tentèrent d’affranchir les poëtes de son esclavage ; mais ceux-ci furent retenus sous le joug par les abbés Nadal, d’Olivet & Desfontaines, par le président Bouhier & par M. de Voltaire. Ce poëte, l’indépendance même en fait de littérature, a senti que la rime étoit nécessaire à nos vers.

Il nia qu’elle fût nouvelle. En effet, n’a-t-elle pas été pratiquée dans tous les temps & chez toutes les nations ? Les Sauvages même l’ont connue. On lit dans Montaigne une chanson en rimes Américaines traduite en François, &, dans un des discours du Spectateur d’Addisson, une autre traduction d’une ode Laponne rimée & pleine de sentiment. Les Arabes, qui ont apporté la rime en Europe, l’admettoient jusques dans la prose. Elle étoit aussi en usage chez les Hébreux, & dans des pièces qui, vraisemblablement, n’étoient pas de la poësie proprement dite. Ces faits prouveroient que la rime, par elle-même, n’est pas un des caractères distinctifs de la poësie ; mais les anti-rimeurs ne firent pas mention de ces exemples.

Les vers blancs des Italiens & des Anglois, dont la langue comporte les inversions & les enjambemens d’un vers sur un autre, ne sçauroient être une décision pour nous qui voulons que notre langue, toujours claire, toujours élégante, marche, en vers comme en prose, dans l’ordre précis de nos idées. Le François n’a presque aucune prosodie : il faut donc suppléer à cela dans nos vers par le secours de la rime. Le tourment qu’elle donne, le tort qu’elle fait quelquefois au stile, ne sont pas une raison pour la rejetter. Le mauvais poëte, celui qui veut porter un poids au-dessus de ses forces, tombe seul dans cet inconvénient. Le poëte supérieur ne rime jamais, ou très-rarement, aux dépens de la diction & du coloris. Racine & l’auteur de la Henriade ont-ils perdu le leur ?

A l’égard de la monotonie & de l’ennui, causé par la rime dans les longs poëmes, on veut que le reproche soit fondé. Le président Bouhier soutient que cet ennui ne se fait pas plus sentir dans les ouvrages de longue haleine que dans les petites pièces. C’est dit l’abbé Desfontaines, comme si un musicien faisoit ce raisonnement : Douze mesures à quatre temps n’ennuient point ; par conséquent, douze cens mesures à quatre temps ne doivent pas ennuyer.

Mais il y auroit moyen de diminuer un peu de ce dégoût qu’excite la lecture des longs poëmes ; ce seroit de substituer aux vers alexandrins les vers décassyllabes, à cause de la variété de leurs hémistiches, produite par la liberté des enjambemens ; ce seroit d’en user au moins comme les Italiens, qui, dans leurs grands vers, ont trois sortes de repos au choix du poëte. Ils ont encore soin de croiser leurs rimes. Si nous les imitions en cela, l’inconvénient dont on se plaint disparoîtroit. M. de Voltaire vient de l’essayer avec succès dans la tragédie de Tancréde.

Il y eut, de la part des anti-rimeurs, plusieurs exemples de l’application de leurs principes. Pour rendre supportables les morceaux de versification qu’on présenta dépouillés de la rime, il eût fallu suppléer à ce défaut par un redoublement de force & de chaleur : mais ces exemples étoient froids & sans génie, & la rime ne les eût pas élevés au mérite des vers. On sent combien elle est nécessaire, en la retranchant de ces quatre vers de la Phédre de Racine :

Où me cacher ? Fuyons dans la nuit infernale.
Mais, que dis-je ? mon père y tient l’urne fatale ;
Le sort, dit-on, l’a mise en ses sévères mains.
Minos juge aux enfers tous les pâles humains.

M. de Voltaire fit cette épreuve. A fatale il substitua funeste, & mortels à humains. Le morceau fut entièrement défiguré ; plus d’harmonie, plus de grace.

A quoi bon crier contre la rime ? Quand on ne l’aime pas, on peut écrire en prose. On observera que La Mothe, ce grand anti-rimeur, se plaignit, en même temps, du peu d’indulgence qu’on a pour les mauvais poëtes, & condamna l’axiome d’Horace*.

Un poëte, réduit aux talens ordinaires,

Est mal reçu des dieux, du public, des libraires.

La Mothe sçut toujours présenter ses paradoxes d’une manière imposante & captieuse. Il se consoloit de l’idée d’être aveugle & infirme, par celle de faire parler de lui & d’avoir beaucoup de partisans. Il étoit recherché pour son esprit agréable & solide, pour sa conversation brillante, pour ses mœurs douces & ce mérite de caractère qui souvent influe sur la réputation. C’est un des écrivains qui a eu le plus de ce qu’on appelle amis ; mais il est mort, en 1731, abandonné de tout le monde. On lui a fait cette épitaphe :

Ci gît un aveugle, dit-on,
Qui fit de très-beaux vers en prose.
Il reforma tout l’Hélicon,
Y changea mainte & mainte chose,
En dépit même d’Apollon.
C’étoit, au reste, un bon apôtre,
Aimant un peu le cotillon,
Et priant Dieu tout comme un autre,
Il y croyoit sans doute ? Oh non.