(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 76-77
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 76-77

Retz, [Jean-François-Paul de Gondi, Cardinal de] Archevêque de Paris, né en 1613, mort à Paris en 1679.

Le style original de ses Mémoires le place plutôt parmi les Génies singuliers, que parmi les bons Ecrivains. Si ces Mémoires étoient cependant écrits par-tout de la même force, les meilleurs Historiens Grecs & Latins n'auroient rien qui leur fût supérieur ; mais il s'en faut bien que le style soit également soutenu dans le cours de la narration ; l'assoupissement & les inégalités s'y font sentir dans mille endroits. L'imagination de l'Auteur se refroidissoit, selon toute apparence, dès que les objets n'intéressoient pas vivement son ame, plus enthousiaste des choses extraordinaires, que de la véritable grandeur. Le même caractere qui le précipita dans les intrigues de la Fronde, le rendoit passionné pour tout ce qui flattoit ses inclinations. La lecture de l'Histoire de la Conjuration du Comte de Fiesque en fit tout à la fois un Catilina & un Salluste. Il entreprit de traduire cet Ouvrage, dont il ne faut que lire la Traduction, en le comparant à l'Original, pour voir combien il avoit de penchant pour tout ce qui tendoit à révolte & à sédition. En effet, il ne craint pas d'y justifier des traits que l'Auteur même condamnoit dans son Ouvrage. Il avoue lui-même, dans ses Mémoires, que l'ambition d'être Chef de Parti avoit toujours eu beaucoup d'empire sur son cœur. D'après de tels sentimens, il ne faut plus s'étonner de la franchise avec laquelle il raconte des événemens si opposés à l'esprit de son état & à sa propre gloire ; il semble qu'il n'ait écrit que pour médire de lui-même. Néanmoins, malgré la véracité dont il paroît faire profession, il se trouve contredit sur plusieurs faits, par les Mémoires de son temps ; ce qui prouve qu'il a souvent été aussi dupe de son imagination que de ses projets.