(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 281
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 281

Serment, [Louise-Anastasie] née à Grenoble, morte à Paris en 1692.

Elle cultiva les Muses Latines & Françoises avec assez de succès, pour mériter d'être citée parmi la foule des Esprits qui ont honoré le Siecle dernier par leurs talens. Les Auteurs les plus célebres rechercherent sa société, & célébrerent à l'envi son mérite. Corneille, Quinault, Pavillon, la consultoient sur leurs Ouvrages ; &, s'il faut en croire ce dernier, l'Auteur d'Armide éprouva pour elle une tendresse qu'elle partagea sans scrupule, quoique Quinault fût marié.

Les Ouvrages de cette Demoiselle consistent dans plusieurs Pieces de vers & quelques Lettres en prose, insérées pour la plupart dans le Recueil des Pieces Académiques, publié par le sieur Guyonnet de Vertrou. Les vers qu'elle fit peu d'instans avant sa mort, peuvent donner une idée de sa versification & des sentimens de sa philosophie. Il faut remarquer qu'elle étoit tourmentée par un cancer quil ui rendoit la vie insupportable :

Bientôt la lumiere des Cieux
Ne paroîtra plus à mes yeux.
Bientôt quitte envers la Nature,
J'irai dans une nuit obscure
Me livrer pour jamais aux douceurs du sommeil.
Je ne me verrai plus, par un triste réveil,
Exposée à sentir les tourmens de la vie.
Mortels, qui commencez ici-bas votre cours,
Je ne vous porte point d'envie,
Votre sort ne vaut pas le dernier de mes jours.
Viens, favorable Mort, viens briser des liens,
Qui, malgré moi, m'attachent à la vie ;
Frappe, seconde mon envie ;
Ne point souffrir est le plus grand des biens.
Dans ce long avenir, j'entre l'esprit tranquille ;
Pourquoi ce dernier pas est-il tant redouté ?
Du Maître des Humains l'éternelle bonté,
Des malheureux Mortels est le plus sûr asile.