MARSAIS, [César Chesneau du] Avocat au Parlement de Paris, né à Marseille en 1676, mort à Paris en 1756 ; un des plus habiles & des plus profonds Grammairiens de notre Nation.
Buffier, Restaut, la Touche, Wailli, & quelques autres, ont composé des Grammaires qui se réduisent à l’exposition des regles du discours : celui-ci, moins occupé du mécanisme des Langues, que de leur génie particulier, en a fait, pour ainsi dire, l’anatomie ; & c’est en les décomposant, qu’il en a expliqué les premiers principes. Ses Ecrits sur la Grammaire Françoise & Latine▶ conviennent également aux Maîtres & aux Disciples ; les derniers y apprennent les élémens du langage, & les premiers la maniere de les développer. Son Traité des Tropes, Ouvrage resté trop long-temps inconnu, offre tout à la fois & le Didactique grammatical, & la Métaphysique du discours. On y apprend à connoître ce qui constitue le style figuré ; à saisir, dans toutes les expressions, le sens propre & celui que l’imagination y ajoute pour mieux colorier la pensée. Ce Livre est un chef d’œuvre de Logique, de justesse & de netteté. La Méthode raisonnée pour apprendre la Langue ◀Latine, pour n’être pas aussi estimable que ce Traité, ne fait pas moins d’honneur au génie analytique de M. du Marsais. L’Auteur y suit, pour ainsi dire, les progrès des idées, & en facilite le développement. Toujours Philosophe, après avoir étudié la marche de la Nature, il nous donne ses lumieres pour abréger les difficultés. Il faut être bien éclairé pour sentir tout le prix d’une pareille opération. On jouit souvent des avantages d’un bon Livre, sans songer aux qualités qu’il suppose, & aux travaux qu’il a coutés.
On voit par les Ouvrages de ce Grammairien, que son esprit étoit juste, mais froid ; méthodique, mais lent ; sage, mais peu brillant ; profond, mais peu vif. Son style est net, mais souvent diffus ; défaut moins capital, lorsqu’il s’agit de préceptes & qu’on veut se faire entendre.
Les articles de Grammaire qui se trouvent dans les premiers volumes de l’Encyclopédie, sont de M. du Marsais, & ne sont que mieux apercevoir la foiblesse & la maigreur de ceux des volumes suivans.
Le Public lui a attribué quelques petites Brochures assez mal écrites contre la Religion, mais elles ne sont pas de lui. On n’ignore pas néanmoins qu’il a eu de grandes liaisons avec la Secte philosophique ; que ces liaisons lui ont valu les honneurs d’un Eloge historique, où, selon les loix de la Société, on l’éleve jusque aux nues : mais on sait aussi qu’il pouvoit se les procurer, sans les acheter par tant de complaisance à l’égard de ceux qu’il craignoit ou méprisoit peut-être. Au surplus, M. du Marsais a paru rétracter ses écarts philosophiques : il est mort en remplissant avec édification les devoirs d’un bon Chrétien.