Vaugelas, [Claude Favre, Seigneur de] de l'Académie Françoise, né à Bourg-en-Bresse, en 1545, mort en 1650.
Son nom est consacré parmi les Grammairiens ; il a été, & est encore aujourd'hui, par un reste de vénération, un oracle décisif en matiere de langage▶. Quoique la plupart de ses Remarques soient devenues inutiles, par les progrès de la Langue, dont la perfection a été fixée dans les bons Ouvrages du Siecle de Louis XIV, elles peuvent encore être très-instructives, & ceux qui ont voulu écrire sur la Grammaire, l'ont regardé comme un Auteur fondamental.
On dit qu'il consacra trente ans à sa Traduction de Quinte-Curce ; c'est beaucoup dire : cette Traduction, ainsi que la maniere dont elle est traitée [quoiqu'estimable], ne sembloit pas exiger un travail aussi long. Il en est peut-être des scrupuleux, en matiere de ◀langage, comme de ceux qui le sont en toute autre chose : ils doutent long-temps, ils hésitent sans cesse, & ne se décident que par nécessité. On ne peut, malgré cela, refuser à Vaugelas la gloire d'avoir été un des premiers qui aient donné, dans notre Langue, un Ouvrage écrit avec correction & pureté.
Quelques Critiques se sont plaint de ne pas trouver, dans son style, cette politesse & ces graces, but actuel des efforts de tous nos Ecrivains ; mais quand il ne seroit pas injuste de lui reprocher d'avoir manqué de ces qualités, qui n'etoient encore qu'en germe, nous doutons qu'elles soient préférables à cette noblesse simple & naturelle, à cette aisance moëlleuse & toujours soutenue, qui regnent dans sa Traduction & dans tous les Ecrits qui ont paru quelque temps après lui. A force de vouloir polir notre Langue, il est aisé de s'appercevoir qu'on l'a appauvrie & énervée. Nous avons perdu une infinité de tours & d'expressions, qui n'ont pas été remplacés. Le seul moyen de la fixer, & par-là d'en arrêter la décadence, seroit d'en revenir aux bons Auteurs du Siecle de Louis XIV ; mais nos Ecrivains, au lieu de les prendre pour modeles, ne cherchent qu'à les dégrader avec un honteux acharnement.