(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 56-59
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 56-59

COSTER, [Joseph-François] Avocat en Parlement, premier Commis des Finances, de l’Académie de Nanci & de celle de Lyon, né à Nanci en 1729.

L’un des hommes les plus éclairés & en même temps les plus modestes, qui eût pu se faire une réputation brillante dans la carriere littéraire, s’il eût appliqué à des genres d’agrément ses talens qu’il n’a consacrés qu’à des objets d’utilité. Presque tous les Ouvrages qu’il a publiés roulent sur des matieres de commerce, de finance ou de politique, & nous n’en connoissons aucun où il ne se montre supérieur au sujet qu’il traite. Dans celui qui a pour titre la Lorraine commerçante, couronné en 1759 par l’Académie de Nanci, il développe, avec autant de précision que de clarté, ce que la Patrie doit au Commerce, & ce que le Commerce peut pour la Patrie. Dans ses Mémoires contre les prétentions du Parlement de Metz, il a défendu avec tant d’énergie & de solidité les droits & les priviléges de son pays, qu’il a porté le Gouvernement à les reconnoître & à les lui conserver. La multitude de connoissances historiques que ces Mémoires supposent, l’art avec lequel l’Auteur les a mises en œuvre, l’ordre & la sagacité qui regnent dans ses discussions, font regretter qu’il n’ait pas entrepris d’écrire l’Histoire de la Lorraine. Outre le mérite de l’exactitude, elle auroit eu l’intérêt du style, qui manque à presque toutes les Histoires particulieres de nos Provinces.

M. Coster s’est acquis un nouveau titre à la reconnoissance de ses Compatriotes & à l’estime du Public, par ses Lettres d’un Citoyen à un Magistrat, & par l’Eloge de Charles III, Duc de Lorraine. Ce dernier Ouvrage est écrit avec cette précieuse simplicité, qui n’exclut ni l’élévation des pensées, ni la noblesse des expressions, & il donne à l’Auteur le droit de figurer dans la classe très-peu nombreuse des Ecrivains qui sont demeurés invinciblement attachés aux vrais principes de la morale & du goût. Le Panégyriste considere son Héros sous tous les rapports qui peuvent développer son caractere, & le faire admirer autant que chérir. Soit qu’il peigne en lui le Guerrier, le Législateur ou l’Homme social, ses couleurs sont toujours naturelles & son style toujours intéressant, par les charmes que son pinceau répand sur tous les objets. Après avoir présenté le tableau touchant des vertus & des bienfaits sans nombre du Duc de Lorraine, qui lui mériterent le surnom de Grand, l’Orateur Historien finit par observer qu’il ne manque à la gloire de ce grand Prince qu’une statue. L’Eloge lui en tiendra lieu, & nous ne craignons pas d’ajouter que ce monument historique, gravé dans la mémoire des Lorrains, est encore plus flatteur, & ne sera pas moins durable que le marbre & l’airain, pour nous servir de l’expression d’Horace.

L’Eloge de Colbert, du même Auteur, sujet proposé par l’Académie Francoise, obtint le premier Accessit, au jugement de cette Société ; ce qui ne seroit pas une preuve de son mérite, s’il n’étoit même supérieur à celui de Charles III. Comme toutes les parties de l’administration qui tiennent aux finances ou au commerce, y sont habilement discutées & approfondies ! quelle sagacité dans les vûes de l’Auteur ! avec quelle facilité il saisit tous les rapports d’un objet politique ! Un Ecrivain qui a si sagement apprécié les opérations de Colbert, étoit vraiment digne de coopérer aux travaux du Colbert de nos jours. En lui donnant sa confiance, M. Necker a prouvé combien il méritoit lui-même celle du Roi. C’est sur-tout par le choix de leurs premiers Commis, qu’on peut juger des lumieres & des intentions des Ministres. Les hommes véritablement supérieurs ne connoissent point la jalousie, & honorent d’autant plus le mérite dans les autres, qu’ils en sentent mieux le prix, & qu’ils en ont davantage eux-mêmes.

Au reste, si les Gens de Lettres sont plus estimables par l’affection qu’on leur porte dans la Société, que par la considération publique dont ils jouissent ; s’ils sont plus grands par leurs vertus que par leurs talens, par leurs actions que par leurs Ouvrages, il en est peu qui aient su se concilier à un plus haut degré que M. Coster ces avantages inappréciables. Recherché, chéri, révéré de tous ceux qui le connoissent ; bienfaisant sans ostentation, religieux sans fanatisme, indulgent pour les opinions d’autrui, zélé pour ses amis, affable pour tout le monde, inviolablement attaché à tous ses devoirs ; on peut dire que ses titres Littéraires ne sont, aux yeux de ceux qui jouissent de sa société, que la plus foible partie de son mérite.