IVETEAUX, [Nicolas Vauquelin des] Abbé, fils du Poëte la Fresnaye, né dans un Château près de Falaise, mort en 1649 ; est plus connu par son goût pour les plaisirs, que par ses Ouvrages, quoiqu’il écrivît dit-on, purement en Latin, en Italien & en François, soit en Prose, soit en Vers.
Il ne nous reste de lui qu’un Poëme médiocre, intitulé, l’Institution du Prince, composé pour M. de Vendôme, dont il étoit alors Précepteur, & quelques Pieces fugitives insérées dans le Recueil qui a pour titre, Délices de la Poésie Françoise. A juger de son esprit par ces petites Pieces, on peut assurer qu’il l’avoit délicat & orné ; mais c’est le chant de la Fauvette, & non celui du Rossignol.
L’Abbe des Iveteaux fut plus singulier dans ses mœurs, qu’il ne l’est dans ses Ecrits. A cause de sa vie licencieuse, il se fit chasser de la Cour, où il étoit Précepteur du Dauphin, depuis Louis XIII. Cette disgrace ne l’affligea pas beaucoup. L’amour du repos, celui des plaisirs, deux sources de Philosophie pour ceux qui n’en connoissent pas de meilleures, le consolerent de la perte de sa fortune & de son honneur. Tel est l’effet assez ordinaire de cet égoïsme, qui, réduisant chaque Individu à lui-même, ne l’attache qu’à ce qui le flatte, & le porte à ne compter pour rien les égards qui le lient à la Société. Un esprit d’indépendance, le plus funeste de tous les travers, rend son ame insensible, nous ne dirons pas à tout, mais du moins au blâme. L’orgueil, toujours avide de louanges, dédaigne alors celles qu’il ne peut obtenir, & brave la censure qu’il ne peut éviter. C’est ainsi qu’on parvient à cette prétendue élévation d’ame, ou plutôt à cette insouciance destructive de tout sentiment noble, & dans laquelle on ne s’endort avec complaisance, que parce que, n’écoutant que soi-même, on ne trouve pas de Contradicteurs : espece de mort morale, dont on ose faire une vertu sublime, tandis qu’elle anéantit toutes les vertus. C’est ce qui a fait dire avec raison à J. J. Rousseau, que le Fanatisme est moins dangereux que la Philosophie, qui conduit toujours à cet égarement. Et quelle étoit la Philosophie de des Iveteaux ? Un genre de délire moins sombre que la morgue dominante, mais aussi absurde dans sa maniere.
Cet homme ne voyoit rien de si beau que la vie pastorale ; c’est pourquoi, sans sortir de la ville, il chercha à contenter la bizarrerie de son goût pour les champs. Il s’habilloit en Berger, & dans cet équipage, la houlette à la main, la pannetiere au côté, le chapeau de paille sur la tête, accompagné d’une Chanteuse des rues, érigée en Bergere, il se promenoit dans un jardin, & s’imaginoit mener paître ses troupeaux. Pour completter la Bergerie, il chantoit des airs champêtres, pendant que sa Maîtresse jouoit de la harpe, [instrument qui n’est pas fort pastoral] & attiroit par ses airs des oiseaux de voliere, dressés péniblement à ce manége.
Une telle manie n’a pas trouvé beaucoup d’Imitateurs, quoique des Iveteaux ait trouvé des Panégyristes : mais chacun a sa maniere de philosopher ; & qu’importe la maniere, si elles tendent toutes au même but ?