GODESCAR, [Jean-François] Chanoine de S. Honoré, né dans le Diocese de Rouen en 1728.
Celui-ci a traduit, en société, avec M. l’Abbé Marie, Professeur de Mathématiques au Collége Mazarin, & Sous-Précepteur de M. le Comte d’Angoulême, un Ouvrage Anglois, fait par Bulter, & intitulé, Vie des Peres, des Martyrs & des autres principaux Saints, tirée des Actes originaux & des monumens les plus authentiques. Il ne faut pas confondre cette Traduction avec ces Versions seches & littérales, où l’on croit devoir tout sacrifier à l’exactitude, & révérer le Texte jusque dans ses défauts. Sans s’assujettir aussi scrupuleusement à son Original, l’Auteur dont nous parlons s’est permis de refondre, d’ajouter, de retrancher, toutes les fois qu’il l’a jugé nécessaire à la perfection de son travail, & on peut dire qu’il l’a fait avec autant de discernement que de succès. En suivant cette méthode, qui prouve beaucoup de sagacité, beaucoup de connoissances, il est parvenu à donner non seulement une Collection intéressante des actions principales des Saints que l’Eglise révere dans ses Fastes, mais encore de présenter dans l’ensemble de l’Ouvrage un tableau assez suivi de l’Histoire de l’Eglise. Les Notes qu’il a cru devoir ajouter, pour éclaircir certains points, soit de l’Histoire Littéraire, soit de l’Histoire Sacrée ou Profane, portent l’empreinte d’une érudition étendue & d’une critique éclairée. Son style est, en général, pur, naturel, simple, sans exclure l’élégance, & a le mérite d’être toujours proportionné aux divers objets qui se présentent à traiter.
Cette Traduction nous a paru mériter une attention particuliere, parce qu’elle donne lieu à des réflexions très-propres à confondre les sarcasmes de l’impiété. Jusqu’à présent la plus puissante ressource des Incrédules a été de saisir malignement certains traits qu’un zele indiscret avoit répandus dans la Vie de plusieurs Saints. Ils ont cru qu’en y jetant du ridicule, ils viendroient à bout de détruire la véritable piété. Toujours prêts à triompher de la moindre imprudence, ils n’ont pas rougi d’insister sur des bagatelles, & de faire tourner au mépris de la Religion, des écarts que la Religion est la premiere à condamner. Ce pitoyable manége a bien pu en imposer à des Esprits plus foibles encore ; que ceux dont ils ont voulu ridiculiser les travers. Mais aujourd’hui que des lumieres plus sûres, qu’un zele mieux entendu dirige les Ecrivains qui consacrent leurs travaux au maintien de la Foi & de ses Pratiques, tout ce vain appareil de triomphe tombe & s’évanouit. Ne voit-on pas en effet la Religion s’épurer d’elle-même, sans rien perdre de son véritable esprit ? Ses vrais Zélateurs ont-ils besoin d’être décidés par les clameurs d’une fausse Philosophie, pour en écarter des fables dont l’ignorance a voulu l’étayer, sans penser qu’un tel secours lui étoit injurieux ?
M. l’Abbé Godescar, dans la partie à laquelle il s’est attaché, peur se flatter de partager cette gloire. Les Vies qu’il offre au Lecteur, sont très-éloignées de tout pieux excès. Les faits qu’il raconte sont appuyés sur des preuves incontestables, présentés sans enthousiasme, & dirigés d’une maniere très-utile pour instruire & édifier. Sa maniere d’écrire & les connoissances qu’elles supposent, prouvent combien il seroit capable d’ajouter à sa réputation littéraire, s’il n’en faisoit le sacrifice à des occupations plus importantes & non moins utiles à la Religion.