(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 328-331
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 328-331

FRANC, [Jean-George le] ci-devant Evêque du Puy, aujourd’hui Archevêque de Vienne, né à Montauban en 1714.

Un esprit éclairé, une raison droite, une littérature étendue, une théologie lumineuse, un style pur, facile, & souvent élégant, sont les principaux traits qui dominent dans ses Ouvrages, dont la plupart ont pour objet la défense de la Religion contre les attaques des Incrédules. Celui qui a pour titre : l’Incrédulité convaincue par les Prophéties, est un des meilleurs Livres qu’on ait faits en ce genre ; on y trouve une logique pressante, & des raisonnemens aussi clairs que profonds, qui ne laissent rien à désirer au Lecteur. Cet Ouvrage est le plus sûr préservatif contre la seduction des Ecrits philosophiques. Il sera toujours aisé à un esprit raisonnable de sentir une extrême différence entre l’Homme qui raisonne sur des principes solides, & le Dissertateur captieux, dont les idées ne marchent qu’au hasard & sans aucune liaison.

L’Instruction pastorale sur la prétendue Philosophie des Incrédules modernes ne fait pas moins d’honneur au zele & aux talens de ce Prélat ; il y est également clair, également profond, également nourri de l’Ecriture sainte & de l’érudition littéraire. C’est principalement à cet Ouvrage qu’il doit les sarcasmes que feu M. de Voltaire n’a pas rougi de lancer contre lui. Cette Instruction demandoit des réponses, & le prétendu Evêque d’Aléthopolis n’y a répondu que par de fades bouffonneries. Telle est la méthode des Dom-Quichotes de l’impiété : ils ne sont braves que lorsqu’il faut combattre des moulins à vent. Dès qu’ils rencontrent un Athlete réel, ils esquivent le combat, & croient suppléer, par des pantalonnades, à ce qui leur manque du côté de la vigueur. Il est vrai qu’ils amusent par-là le peuple & les esprits légers ; mais les esprits éclairés n’en reconnoissent que mieux leur foiblesse, & bientôt les sots mêmes seront forcés d’ouvrir les yeux au milieu de la fumée enivrante dont ils les repaissent.

M. l’Archevêque de Vienne a porté de nouveaux coups aux prétendus Sages de nos jours, dans un Ouvrage qui a pour titre, la Religion vengée de l’Incrédulité par l’Incrédulité elle-même, auquel on ne peut opposer que des réponses futiles ou de mauvaise foi.

On doit encore à ce Prélat, dont les mœurs n’ont jamais démenti les Ecrits, l’Avertissement adressé, par l’Assemblée générale du Clergé de France, tenue en 1775, aux Fideles de ce Royaume, « sur les avantages de la Religion & les effets pernicieux de l’Incrédulité » ; Ouvrage plein d’éloquence, & de cette raison qui éclaire & persuade les esprits les moins disposés à goûter la vérité. Pour mettre nos Lecteurs en état d’en juger, il nous suffira de citer une des réflexions de l’Auteur sur la doctrine désespérante de ceux de nos Philosophes, qui n’offrent, pour toute consolation, à l’humanité souffrante ou malheureuse, que l’attente du néant & la résolution de la hâter par une mort volontaire. « Que signifie cette derniere ressource dans les souffrances ? Elle veut dire que le malheureux doit être consolé par la certitude de n’être jamais heureux ; comme si l’on se flattoit d’encourager un Navigateur, battu de la tempête, en l’assurant qu’il n’y a plus de port ni de rivage pour lui ; mais que, devant être submergé sous les débris de son vaisseau, il ne tient qu’à lui de prévenir ce désastre & de se jeter dans la mer ».