(1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237
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(1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

M. Fiévée.
Correspondance et relations avec Bonaparte.
(3 vol. in-8º. — 1837.)

M. Fiévée n’est pas de ces hommes dont il faille, je crois, écrire la vie bien en détail, mais il est de ces écrivains distingués qui méritent qu’on s’occupe de leurs opinions et de leurs livres. On l’a laissé mourir, il y a une douzaine d’années, en mai 1839, sans lui accorder assez d’attention : il avait, deux ans auparavant, en 1837, réglé en quelque sorte ses comptes avec le public en faisant imprimer les lettres et notes adressées par lui, dans le cours de onze années, à Bonaparte premier consul et empereur ; il y a joint une Introduction qui est un des meilleurs et des plus piquants morceaux d’histoire contemporaine. J’ai lu autrefois ces volumes avec beaucoup de profit et d’intérêt : en y revenant aujourd’hui, je n’y chercherai aucun genre d’allusion, mais je suis sûr du moins de ne pas tomber dans un contretemps.

Disons pourtant un peu ce que c’était que M. Fiévée. Né à Paris le 10 avril39 1767, fils d’un riche restaurateur qui tenait de plus un somptueux hôtel garni, et d’une mère fort belle, le septième de seize enfants, il put voir, dès son enfance, l’ancien grand monde de fort près, et il s’accoutuma à l’observer d’autant mieux qu’il était à la fois tout à côté et en dehors : il le voyait passer devant lui. Il fut élevé à la campagne d’abord, puis à Paris au collège Mazarin ; mais, malgré de bonnes études, il se plaît à remarquer qu’il n’eut en définitive « que l’instruction qu’il se donna ». Il n’eut en rien la religion des anciens ni celle des classiques ; il se piquerait plutôt de les ignorer ou de les avoir oubliés que de les posséder ; une citation latine lui fait l’effet d’une incongruité. Vrai moderne, il se forma directement par la pratique de la société. Il lisait, réfléchissait, comparait, et il eut de bonne heure ses petites idées à lui.

Doué d’une taille avantageuse et de qualités physiques auxquelles il mit toujours du prix, il sut, dès ses premiers pas, se faire compter dans le monde par sa tenue, son calme, par une manière d’être qui annonçait déjà un caractère arrêté, par beaucoup d’aperçus dans l’esprit, « d’autant plus originaux que la plupart étaient sans solution » ; il les faisait valoir encore par une tournure d’expression précise et neuve. Il se donne à nous comme dénué de toute ambition, de tout intérêt personnel : « Mon grand défaut, mon imperturbable défaut est l’antipathie pour le mouvement. » Il avait pour principe qu’il y a de bons défauts, et qu’il ne s’agit que de savoir en prendre son parti et s’en arranger pour y trouver du bonheur. Il paraît s’être très bien accommodé des siens. Il poussait très loin cette doctrine d’accommodement avec les penchants, et on l’a entendu dire : « Quand on a un vice, il faut savoir le porter. »

Avant d’être ce que nous l’avons connu, c’est-à-dire une espèce d’amateur en politique, assis à l’orchestre, jugeant la pièce, et consulté même souvent par les auteurs ou acteurs, avant de s’être établi dans son habitude d’observer le monde « comme s’il ne remuait que pour son instruction », M. Fiévée eut ses vivacités et ses entraînements : il fut debout et assez actif au parterre. Au commencement de la Révolution, il était devenu imprimeur ; il imprimait la Chronique de Paris, rédigée par Condorcet et autres de ce bord, et il y glissait au besoin quelques petits articles. Il avait fait avec Berton un opéra-comique, Les Rigueurs du cloître (août 1790), dans le goût philosophique du jour. Le sujet est une religieuse qu’on a contrainte dans ses vœux, qui va être punie par l’abbesse pour avoir voulu les violer, et que vient délivrer son amant en uniforme de grenadier de la Garde nationale, avec l’officier en tête et toute la compagnie. Le chœur général chante en finissant :

Ô Liberté ! déesse de la France !
Plutôt mourir que de vivre sans toi !…

Les ennemis de M. Fiévée lui ont souvent reproché cette peccadille de jeunesse. Pour lui, l’expérience de la Révolution le corrigea vite. Il fut arrêté à diverses reprises, la première fois en 1793, et bientôt relâché, faute de charges et même de prétextes. Il raconte ces arrestations avec une sorte de gaieté ironique, qu’il n’y a pas mise après coup et qui était bien dans sa nature. Celui qui s’opposait le plus à sa sortie de prison en 93 était un ancien éditeur très ignorant, dont il avait, huit ou dix ans auparavant, comme correcteur typographe, relevé quelques bévues, dans l’imprimerie où il faisait son apprentissage. Cette rancune de fautes d’orthographe sortait après dix ans de silence. M. Fiévée était libre depuis plusieurs mois, lorsqu’au 9 Thermidor, obéissant à un élan courageux, il fut le premier qui décida sa section (celle de l’Odéon, dite de Marat) à faire acte d’adhésion et à se réunir à la Convention soulevée contre Robespierre. Il fut orateur de club ce jour-là, et il triompha d’un léger défaut de prononciation qui n’était pas désagréable en causant, mais qui ne le désignait pas nécessairement pour la parole publique.

Arrivé à la barre de la Convention, qu’il trouva tout en désordre, puis admis aux honneurs de la séance dont il profita peu, il raconte qu’un gros et joyeux conventionnel lui dit, en le voyant sortir :

« Prenez le plus long pour retourner vers vos commettants, et, toutes les fois que vous passerez devant une section, entrez ; parlez de la mission que vous venez de remplir, et de l’accueil que vous avez reçu… Vantez surtout l’assurance que vous avez vue parmi nous. » — « Sans doute, lui répondis-je ; cela me formera si je veux un jour écrire l’histoire. »

M. Fiévée fut de tout temps l’homme qui se paya le moins des solennités de convention et des déclamations historiques. On lui disait un jour que, dans l’ordre de ses études politiques habituelles, il devait beaucoup lire l’histoire. « J’attends pour la lire de l’avoir écrite », répondit-il. On sait sa jolie définition de la politique : « La politique, même dans les gouvernements représentatifs, est ce qu’on ne dit pas. »

Il a parfaitement jugé Robespierre et ce prétendu talent de parole qu’on lui a accordé de nos jours ; ce sont de ces découvertes qui ne coûtent rien à l’esprit de système. Et quant au moral de l’homme, il a dit : « On l’avait surnommé l’incorruptible ; il l’était en effet comme ceux qui veulent tout prendre à la fois. »

Il a rendu avec une entière vérité, comme témoin et comme acteur, le mouvement impétueux et confus, le sentiment d’explosion de cette jeunesse thermidorienne qui savait ce dont elle ne voulait plus, mais pas encore ce qu’elle voulait, qui avait appuyé la Convention contre Robespierre, et qui prétendait chasser la Convention devant une opinion qui n’était pas mûre encore : « Jamais peut-être, nous dit Fiévée, l’ancienne royauté ne fut plus complètement oubliée qu’à cette époque ; nous n’étions pas encore assez difficiles pour y penser. » Pour lui, paresseux, une fois sorti de ses habitudes, il est précis, prudent, prévoyant, très hardi les jours d’action. Il se montra tel le 13 Vendémiaire, et tel encore dans les mois qui précédèrent le 18 Fructidor, « un factieux de sang-froid et en toute connaissance de cause ». Forcé de sortir de Paris en Vendémiaire, il raconte très spirituellement sa fuite et les divers incidents du voyage, la patache de ce temps-là, la patache primitive en plein vent, et dans toute sa rusticité originelle : « J’en ai vu depuis, dit-il, mais corrompues par le luxe qui nous envahit ; elles sont couvertes. » Les dialogues qui égayent le chemin sont d’excellentes scènes de mœurs. Arrivé en province, à Moulins, il s’aperçoit aisément que la proscription ne l’y atteindra pas : il aurait même pu se montrer sans danger et reparaître, s’il n’y avait pas vu une espèce de bravade, et par conséquent un défaut de convenance : « Mais, ajoute-t-il, il faut être poli, même avec les révolutions. » On doit déjà saisir le ton de cet esprit fin, ironique, épigrammatique, et légèrement impertinent jusque dans les choses sérieuses : son mérite est de renfermer bien du bon sens et des vues justes sous cette forme-là.

Retiré à la campagne, à Buzancy, après le 18 Fructidor, M. Fiévée eut l’heureuse idée de se distraire en écrivant La Dot de Suzette, ou Histoire de Mme de Senneterre racontée par elle-même (an VI), un de ces petits romans qui font, en France, la réputation d’un homme grave plus vite que ne feraient vingt brochures sérieuses. Sans la Révolution, M. Fiévée croit qu’il aurait fait surtout des romans, et qu’il aurait eu assez d’imagination pour cela, mais que la Révolution, en y substituant en lui les passions de l’esprit et le goût des réflexions qu’elles font naître, changea par là même sa destination. Quoi qu’il en soit, La Dot de Suzette fut une heureuse quinzaine dans sa vie.

Pour expliquer le succès et la vogue de ce petit livre, il faut se rappeler qu’on commençait à être las des monstrueux romans anglais dans le genre d’Anne Radcliffe, qui se succédaient depuis trois ou quatre ans, et où les souterrains, les spectres, les chaînes jouaient un grand rôle. Le public, après s’en être vivement épris, n’attendait qu’une occasion pour les rejeter. La Dot de Suzette, qui ne semblait qu’une anecdote vraie, racontée avec intérêt et délicatesse par une femme (car la première édition était anonyme), donna satisfaction à ce désir d’un goût plus simple. Une grande dame, Mme de Senneterre, après avoir, dans le temps de son opulence, doté une jeune paysanne orpheline, et s’être hâtée de la marier à un homme du commun, pour empêcher son fils, qui en était amoureux, de l’épouser, est ruinée par la Révolution et réduite elle-même à servir. Elle doit se présenter avec une lettre de recommandation chez une jeune femme riche qui demande une espèce de dame de compagnie. Le moment où Mme de Senneterre se voit munie de cette lettre de recommandation, son étonnement involontaire en la retournant machinalement entre ses mains, sa préoccupation de l’accueil qui lui sera fait, son inquiétude pour sa toilette qu’il faut proportionner à la modestie de sa condition nouvelle, tout cela est pris dans la nature et devait rappeler à plus d’une lectrice des circonstances trop réelles et trop récentes :

Extrêmement fatiguée de ne pouvoir m’arrêter à rien, racontait Mme de Senneterre, je me couchai. Pas un instant de sommeil. Une femme, la veille d’être présentée à la Cour, n’était pas plus occupée de sa toilette que moi de la mienne. Je craignais d’inspirer la pitié ; je craignais encore plus de ne pouvoir adoucir un air de dignité que la nature et l’habitude de commander avaient répandu sur toute ma personne. Je redoutais surtout de ne pouvoir supporter avec résignation les questions auxquelles il fallait m’attendre. Le jour me surprit, et je n’avais encore rien résolu…

On devine que cette femme riche, chez qui va se présenter Mme de Senneterre, n’est autre que Suzette, qui a changé de nom. J’indique cet endroit comme le plus réellement touchant de l’ouvrage, et même comme le seul naturellement touchant. On y trouve aussi quelques scènes vraies, où sont peintes les mœurs licencieuses et grossières des enrichis, des fournisseurs, des parvenus et des femmes qui les recherchent. Il y a un certain concert de Feydeau qui sert de cadre à une suite de portraits satiriques. Hors de là, dans la partie sentimentale, le roman n’est pas exempt des défauts ni de la manière de l’époque. Les principaux personnages y sont vertueux, sensibles, intéressants, et l’on y a affaire à une nature humaine d’Opéra-Comique ou de Gymnase, non pas à la vraie et sincère nature. En un mot, La Dot de Suzette n’est pas un chef-d’œuvre, mais ç’a été un très agréable livre à son moment.

Combien de fois ce petit roman n’a-t-il pas été rappelé et objecté à M. Fiévée dans le cours de sa carrière ! Dans la première entrevue qu’il eut avec Bonaparte, il y fut fait allusion par une phrase gracieuse du maître. D’un autre côté, ceux qui s’arment de ce qu’un homme d’esprit a fait pour en conclure qu’il ne saurait faire autre chose, ces personnes-là, sous l’Empire ; ne manquaient pas de répéter, quand on leur parlait des écrits sérieux de M. Fiévée et de ses vues en politique : « Ah ! oui, l’auteur de La Dot de Suzette ! » — « C’était à craindre, dit le malin auteur, qu’on ne m’en fît un majorat. »

Un autre roman de M. Fiévée, plus travaillé, mais moins agréable, est Frédéric (an VIII). Frédéric est un jeune homme, fils d’une grande dame déjà vieille et d’un jeune et beau valet de chambre : cela sent son Directoire à chaque page. Il y a pourtant d’assez belles scènes et très vraies d’observation et d’analyse quand ce jeune homme, à qui l’on a caché sa naissance, paraît pour la première fois dans la maison de sa bienfaitrice, et que celle-ci l’observe avec amour, jalousie et honte, tandis que le père, debout et respectueux, placé derrière, le regarde avec fierté. L’analyse de ces sentiments compliqués et divers qui sont aux prises au sujet de cet enfant mystérieux, ces trois situations de la mère, du fils et du père, sont démêlées avec une rare finesse et indiquées avec une sûreté de trait un peu sèche, mais curieuse et bien sentie. Le roman se termine par une triste parole. Philippe (c’est le nom du valet de chambre, qui, indépendamment de toutes ses qualités, est studieux, instruit, amateur de lecture), Philippe, retiré du service et vivant auprès de son fils, a pris l’habitude de jeter ses pensées sur le papier ; et comme on lui proposait un jour de se faire imprimer : « Non, vraiment, répondit-ilh, je craindrais de trahir les secrets de l’humanité ; on sent le besoin de les cacher quand on connaît les hommes. »

Vers le temps où, retiré en Champagne, à l’abri de la proscription, il écrivait sa Dot de Suzette, M. Fiévée recevait en secret une visite de la part du roi Louis XVIII, qui l’avait distingué parmi les journalistes d’avant le 18 Fructidor. M. Becquey vint lui proposer de s’attacher au service du roi exilé par quelque correspondance, et M. Fiévée, comme M. Royer-Collard alors, y consentit. Cette correspondance cessa peu après l’époque du 18 Brumaire. M. Fiévée, qui n’était qu’un royaliste d’opinion, et qui ne tenait pas essentiellement aux personnes, voyant un gouvernement ferme s’inaugurer par l’ascendant d’un seul, se délia du côté de l’exil, et se tint prêt à servir ou à conseiller le pouvoir nouveau.

Bonaparte, qui, à cette heure de formation sociale, cherchait partout des hommes, de bons instruments ou d’utiles informateurs, avait l’œil sur M. Fiévée. Tandis que M. Roederer le désignait au Premier consul, Fouché travaillait à l’écarter. Fouché, qui ne l’aimait pas et qui voulait lui nuire, trouva moyen de l’impliquer dans une affaire, et le fit mettre au Temple. Cette prison amena précisément un résultat heureux, et M. Fiévée n’en sortit que pour entrer en relation personnelle et directe avec le consul. Pour couper court aux insinuations secrètes, il se hâta de lui donner des gages publics d’adhésion. Dans une brochure qu’il publia alors, et qui avait pour titre : Du 18 Brumaire opposé au système de la Terreur (1802), il posait un principe qui ne pouvait déplaire : « Si le terrorisme n’a été, disait-il, qu’une folie destructive, l’esprit militaire fut, au contraire, à toutes les époques de la Révolution, un moyen de conservation. » Il faisait le procès au Directoire, qu’il accusait de s’être chargé de « régulariser les effets de la Terreur ». Entre la Convention et le Directoire, M. Fiévée ne mettait de différence que celle qui se trouve entre tuer et laisser mourir. Il disait du Directoire, mis en présence des triomphes de nos armées : « On ne règne pas dans un pays à la fois couvert de gloire et d’ignominie, quand on n’a pour soi que l’ignominie. Les États en révolution ne se sauvent point par des constitutions, mais par des hommes. » On voit assez le sens de cette brochure. Lorsque plus tard, sous la Restauration (1817), elle fut reprochée à M. Fiévée par ses adversaires politiques et constitutionnels d’alors, il faisait remarquer qu’il n’avait jamais vanté le gouvernement militaire, mais l’esprit militaire, ce qui était bien différent, et il se couvrait du mot de M. de Bonald : « Les nations finissent dans les boudoirs, elles recommencent dans les camps40. »

Bien qu’il ne fût qu’une seule fois nommé dans cette brochure, Bonaparte sentit bien qu’elle lui était tout entière dédiée ; il fit venir aux Tuileries M. Fiévée, se montra avec lui « simple, spirituel, coquet et confiant », comme il savait l’être quand il voulait séduire, et, pour conclusion, il l’envoya en Angleterre, avec ordre d’observer ce pays, avec qui on était nouvellement en trêve, et de lui en écrire. C’était un stage politique qu’il faisait faire à M. Fiévée avant de l’essayer de plus près. Il en résulta les Lettres sur l’Angleterre (1802), dans lesquelles l’auteur, qui combat l’anglomanie et toutes ses conséquences, avait mêlé des réflexions très vives et très acérées sur la philosophie du xviiie  siècle : il la considérait et la dénonçait comme antipathique à tout établissement social et comme hostile à tout principe stable de gouvernement. À la manière dont il y jugeait Rousseau, Voltaire, Mably, Raynal, Helvétius et tutti quanti, on sentait un esprit singulièrement dégagé de toute superstition envers les grandes illustrations littéraires : « Heureux, disait-il en concluant, heureux ceux qui n’ont pas fermé les yeux sur les événements pour ne les ouvrir que sur les livres ! »

À son retour d’Angleterre, M. Fiévée, après avoir vu Bonaparte, reçut par l’intermédiaire de M. de Lavalette l’invitation de lui écrire dans une série de notes ses impressions et ses vues sur les événements et les choses. En publiant, en 1837, ces notes ou rapports, qu’il intitule assez improprement Correspondance, M. Fiévée ne peut se défendre de quelque mouvement qu’il faut bien appeler de fatuité. Il se pose trop à nos yeux sur le pied d’égalité avec celui qu’il informe et devant qui il cause : « On ignorait ce que contenait cette correspondance, dit-il, mais on savait qu’elle existait ; il ne s’en cachait pas, ni moi non plus. Quand nous l’eussions voulu, cela aurait été impossible. » Ce nous revient plus souvent qu’il ne convient. Que M. Fiévée, en causant avec Bonaparte, fasse preuve de tout son esprit, et en use en toute liberté et franchise, rien de plus simple et de mieux entendu. Un homme ne doit jamais s’effacer devant un homme, et surtout quand c’est son esprit que l’on consulte. Mais la dignité ne consiste pas à maintenir et à concerter si soigneusement, dans les préfaces et récits, ce semblant d’égalité plus que jamais impossible quand on écrit trente ans après et devant la majesté de l’histoire. M. Fiévée a manqué, sur ce point, du goût qui tient au sentiment du respect et à celui des proportions.

Les premières parties de ces notes sont pleines, d’ailleurs, d’excellentes observations et d’aperçus dont un chef d’État pouvait faire son profit. À cette époque du lendemain de Brumaire, où tout est en question et où tout recommence, M. Fiévée montre au Premier consul la société telle qu’elle est véritablement au fond, lasse, épuisée, se reprenant à une espérance précaire sitôt que quelques bons symptômes reparaissent : « On peut dire des peuples qui sont entrés dans la carrière des révolutions, qu’après s’être fatigués d’idées et d’espérances, ils retombent lourdement sous le joug de leurs besoins. » Il montre cette situation favorable à tout pouvoir qui s’élève, mais bien difficile à ménager :

La Révolution ayant exagéré toutes les espérances populaires et n’ayant produit qu’un plus grand malaise, le peuple, toujours dupe de ceux qui l’exaltent, attendait tant de ses flatteurs qu’on ne peut rien faire pour lui qui approche de ce qu’on lui avait promis.

Il espère cependant que chaque gouvernement qui survient réalisera le bonheur dont on l’avait flatté. Aussi, huit jours après la paix générale (la paix d’Amiens), se demandait-on déjà à Paris quel bien il en résultait. Tel est le peuple que la Révolution a formé.

Pour lui, il se fait auprès du consul le représentant et l’organe des anciennes forces conservatrices de la société, par antagonisme à ce qu’il y a, dans un autre sens, de forces et d’intérêts purement révolutionnaires. Bonaparte était entouré d’hommes de la Révolution qu’il apaisait ou comprimait tour à tour : M. Fiévée insiste pour que, malgré l’influence de ces hommes et les ménagements qu’on leur doit, le gouvernement en vienne le plus tôt possible à condamner hautement les faux principes. Le scandale qui eut lieu à Saint-Roch lors du refus de sépulture de la danseuse, Mlle Chameroy, lui fournit l’occasion de remarques politiques relativement à la religion : « Elle aura longtemps encore, dit-il, plus besoin d’être soutenue que contenue. » Il établit très bien la différence qu’il y a entre ces deux supports de l’Ancien Régime, la noblesse qui est véritablement finie, et l’établissement religieux qui doit se transformer et subsister. Quant à la noblesse, la grande preuve qu’elle est finie en tant que privilégiée, et que l’égalité triomphe, c’est « cette vérité, dit M. Fiévée, qu’on oserait moins contester de nos jours qu’à une autre époque : Il n’est personne qui ne soit apte à recevoir de l’argent. Or, dans tout pays où il n’y a plus de service qui ne soit soldé, il y a réellement égalité politique en dépit des prétentions et des souvenirs. » Mais cette vérité de fait ne l’empêche pas de remarquer que l’opinion a gardé pourtant des restes bien légitimes de religion historique : « Des hommes qui ont leur nom dans l’histoire, qui se lient à tout le passé d’une nation, ne sont jamais nuls dans leur patrie. »

Dans toutes ces notes de début, M. Fiévée pousse le Premier consul à la politique qui rallie. Il met une grande importance à ce que le pouvoir se tienne en accord avec l’opinion publique ; il insiste « sur la nécessité de la soigner, de faire quelques frais pour se l’attacher ». Il était lui-même, à cette époque, un très bon et très fidèle indicateur à consulter sur cette opinion sage. Dans son but constant de pousser à la restauration des anciens principes, il va au-devant d’une objection qu’il sent qu’on devait lui faire. Les hommes sortis de la Révolution et rangés autour du consul dénonçaient ces tendances monarchiques comme menant droit à une restauration des Bourbons ; M. Fiévée nie que ce soit là une exacte conséquence : « Il serait fort extraordinaire, dit-il, que quatorze siècles de monarchie ne puissent plus servir en France qu’à faire opposition même au gouvernement d’un seul. » Il montre qu’entre ce retour aux vrais principes de gouvernement et un retour à l’Ancien Régime, il y a toujours un énorme obstacle qui s’interpose, à savoir la masse d’intérêts créés par la Révolution. Il montre le royalisme tel qu’il était dès lors dans cette société de plus en plus positive :

De nos jours, le royalisme n’est ni une passion, ni un enthousiasme, moins encore un fanatisme : c’est une opinion ; et les hommes qui n’agissent qu’en conséquence d’une opinion torturée par toutes les crises dont nous avons été acteurs et victimes, ne sacrifient pas la tranquillité de leur vie à des projets dont ils sentent que l’exécution est au-dessus de leur pouvoir.

Tel est le sens général des observations que M. Fiévée présentait et développait en chaque occasion à Bonaparte. Si, en imprimant, il n’a rien ajouté ni arrangé à sa Correspondance, il a vraiment du mérite d’avoir dit au Premier consul, en l’engageant à se conserver pour mener à bonne fin et accomplir toute sa destinée : « Que l’homme de nos jours ne ressemble pas aux hommes fameux de l’Antiquité, qui n’ont fait que donner au monde une grande secousse dont le monde s’est ensuite tiré comme il a pu. » Cette Correspondance, dans ces premières pages, résume ce qu’il y a eu d’honorable et de digne de souvenir dans la vie de M. Fiévée.

Il est loin de déconseiller la méthode de ralliement et d’absorption appliquée aux anciens Conventionnels et aux révolutionnaires, mais c’est à condition de les réduire à l’inaction et à la nullité d’influence :

Qu’on puisse dire du Premier consul que, s’il engraisse les vieux philosophes et les vieux révolutionnaires, c’est pour les mettre hors de cause, à peu près comme les athlètes dans la Grèce étaient forcés de renoncer aux combats quand ils avaient trop d’embonpoint.

S’inquiétant des générations à venir, il est des premiers à conseiller de recueillir les débris de l’ancienne Université, et d’en tirer quelque parti à l’égard de la jeunesse qui est en proie aux charlatans et qui s’élève au hasard. Il signale, à cette date, l’absence de toute règle et de toute direction dans les écoles du gouvernement : « En ne considérant que les résultats, on trouverait que le gouvernement paye aujourd’hui pour que l’on instruise des hommes qui deviendront de plus en plus difficiles à gouverner. » Toutes ces idées de M. Fiévée n’étaient que des indications qu’il appartenait à une tête plus gouvernante de féconder et de coordonner.

Nous qui nous contentons de le lire sans y chercher autre chose que des esquisses pleines de netteté et de finesse, nous y relèverions quantité de pensées dignes de souvenir. Un certain M. Graner ou Grauer, de Berlin, un utopiste, avait conçu le projet d’une association destinée à assurer (ni plus ni moins) la prospérité et la sûreté de tous les États de l’Europe, et il était venu à Paris pour y organiser son idée. M. Fiévée, qui sait le monde, se méfie même des plus grandes folies, comme pouvant avoir action sur les cerveaux :

On a pris l’habitude, dit-il, de monter les esprits si haut par de grands projets et d’incroyables découvertes, que, si demain les journaux annonçaient qu’on a trouvé le secret de refaire le monde sur un plan tout neuf, la moitié de l’Europe ajouterait foi au miracle, et se soulèverait pour en hâter l’accomplissement.

Aussi ce projet du Berlinois l’inquiète en un sens :

Si les têtes légères françaises parviennent à trouver un point de contact avec les têtes creuses allemandes, il est sûr qu’il faudra une société cosmopolite pour gouverner l’Europe ; les chefs de nation n’y pourront plus suffire.

Faisant sentir le danger des sociétés libres et des clubs qui, nés en Angleterre et sans inconvénient dans leur pays natal, en ont beaucoup dans le nôtre :

L’établissement des clubs en France, dit-il, a précédé la Révolution de quelques années. Pour s’exalter, les hommes n’ont besoin que d’un point de réunion : quand ils l’ont, ils bravent, ils dominent l’opinion publique… Les héros de ces rassemblements finissent trop souvent par être plus amis du genre humain que de leur patrie, plus amis de leurs systèmes que du genre humain. L’enthousiasme d’un homme peut aisément être combattu ; l’enthousiasme qui s’empare d’une réunion d’hommes, pour quelque objet que ce soit, brave le ridicule et séduit presque toujours la multitude.

Sur ce chapitre du ridicule il a des observations fines et qui sont d’un vrai moraliste. On disait autrefois qu’en France personne ne résistait au ridicule ; cela a bien changé depuis : « Est-ce qu’il y a du ridicule, en effet, quand il n’y a plus de mœurs fixées ? Le ridicule serait aujourd’hui un moyen de succès s’il aidait un homme à sortir de la foule. »

Qualifiant l’influence alors régnante, la double influence inverse, mais également dangereuse, de Rousseau et de Voltaire, il dit :

Les Français vivant sur deux opinions également dangereuses, l’une formée par un éloquent écrivain qui a grandi toutes les petites choses, l’autre formée par un écrivain railleur qui s’est plu à dégrader tout ce qui était grand, il faut s’écarter avec soin de l’une et de l’autre route, pour refaire l’opinion publique et en revenir, comme au vieux temps, à la simplicité et au sérieux.

Il a donné quelque part le taux, et pour ainsi dire, le cours de la réputation de Voltaire, laquelle est en hausse ou en baisse, selon qu’on est dans un état régulier de société ou dans une veine d’humeur frondeuse :

Voltaire a été véritablement le chef spirituel de l’Europe pendant le xviiie  siècle. Pour séduire une société en dissolution, il fallait plus d’esprit, d’ironie, d’immoralité, que de raisonnements dogmatiques ou profonds. Cet écrivain tombera à mesure que les choses sérieuses reprendront de l’ascendant et autant que la société se trouvera bien gouvernée ; mais toutes les fois qu’elle entrera en opposition contre le gouvernement, quel qu’il soit, Voltaire retrouvera tout son crédit, parce qu’il est fort amusant à lire pour ceux qui sont mécontents.

Cette sorte de loi qui préside à la réputation de Voltaire s’est assez vérifiée jusqu’ici : il était très en hausse sous la Restauration, il est en baisse pour le moment, depuis qu’on sait où mènent les oppositions et les Frondes. Au reste, dans toutes ces citations, je ne prétends pas endosser les passages que j’emprunte : je m’attache, comme toujours, à faire valoir et à faire connaître l’auteur que j’analyse par ses meilleurs côtés, laissant au lecteur la balance du tout et l’arbitrage.

Toutes les parties de cette Correspondance ne sont pas également intéressantes et dignes de mention. M. Fiévée est quelquefois subtil et tortillé d’expression, et par là obscur. Il a des raffinements de pensées et de tour. La Correspondance en avançant se gâte un peu ; l’inconvénient de n’être qu’un homme d’esprit se montre. Cette qualité de correspondant de l’Empereur devient un peu une prétention et une profession. Enfin, au lieu de sa liberté des premières années, l’auteur se classe dans la hiérarchie ; il devient maître des requêtes, préfet. Aussi les notes les plus vraiment remarquables qu’il ait écrites sont celles de 1802 à 1804.

M. Fiévée avait le goût et la spécialité des correspondances. Lors de la première Restauration, en 1814, on le voit en entretenir une du même genre avec le comte de Blacas, ministre et favori de Louis XVIII. On regrette que le Premier consul auquel il avait eu le mérite de s’adresser avec tant de bon sens, et qui lui faisait l’honneur de l’écouter, devienne alors, sous sa plume presque injurieuse, Buonaparte au lieu de Bonaparte. M. Fiévée fut pris en 1814, et surtout en 1815, d’une fièvre de royalisme plus vive que celle même qu’il avait sentie sous le Directoire. Sous prétexte de vouloir toujours les mêmes choses fondamentales, telles que l’institution des libertés communales qu’il oppose à la monarchie administrative, il entra dans toutes les ardeurs et les agressions violentes des partis. Il y porta toujours beaucoup d’esprit, un ton de raison froide et piquante, un grain de gaieté, d’agrément ou même d’impertinence dans le raisonnement, qui contrastait avec les furieuses colères d’alentour. Il fit la guerre en volontaire des plus actifs dans Le Conservateur, sous le drapeau de M. de Chateaubriand. Il eut son procès de presse en 1818, et sa condamnation à quelques mois de prison qu’il fit dans une maison de santé. Il ne lui manqua rien de ce qui constituait alors un royaliste comme il faut, et il s’arrêta à temps pour pouvoir ensuite reparaître un constitutionnel libéral. Sans doute plus d’une des causes secrètes qui le firent agir alors et varier, lui qui se pique toujours si fort d’indépendance et de paresse, nous échappe aujourd’hui : tenons-nous à l’ensemble des idées.

M. Fiévée appartenait à cette bourgeoisie éclairée qu’on pouvait appeler le tiers état royaliste. Il préférait la forme monarchique comme donnant à la société plus de garantie. Jugeant la noblesse avec indifférence, sans l’envier, sans l’aimer ni la haïr, il se mit à la servir très activement durant ces premières années de la Restauration. Aspirait-il, lui homme de plume et de dialectique, à être le publiciste, l’organe, le chef spirituel écouté de cette noblesse de province qui n’avait pas son représentant dans la presse ? Il est permis sans injure de lui supposer une telle ambition ; il avait contre la centralisation administrative et sur le gouvernement des Communes par elles-mêmes une doctrine qui allait naturellement à cette armée de gentilshommes de province. Mais à un moment, et lorsque le parti royaliste ultra, dont il était un des libres meneurs, arriva au pouvoir avec MM. de Villèle et Corbière, M. Fiévée s’aperçut qu’il avait travaillé pour d’autres, et que le ministère tombait sous la domination d’une coterie politique et d’une congrégation religieuse, auprès desquelles il avait peu de chances de se faire écouter et compter pour ce qu’il valait. « Ces gens-là s’imaginent que nous sommes des palissades », disait-il de ceux qui s’étaient rangés derrière lui dans la mêlée, et qui passaient outre après la victoire.

M. Fiévée fit donc comme plusieurs membres influents du parti royaliste, M. de Chateaubriand en tête : il se retourna. Il se souvint de ce mot profond du cardinal de Retz, « qu’il faut souvent changer d’opinion pour rester toujours de son parti ». Lui, au contraire, il changea de parti, apparemment pour rester fidèle au gros de ses opinions. Il passa à une coalition avec les libéraux, avec les Benjamin Constant, les Casimir Périer, et finalement nous l’avons vu collaborateur du journal Le Temps avec M. Coste, et même du National sous Carrel41.

Jugeant la politique, absurde selon lui autant qu’ingrate, qui avait scindé et désaffectionné les royalistes vers 1823, il disait : « Je ne suis jamais trop sévère contre les bassesses du cœur humain, je le connais trop pour cela, mais je ne pardonne jamais la bassesse quand elle est en dehors de l’intelligence, quand elle est stupide. » Il avait fini par se détacher complètement des personnes en fait de gouvernement, et il ne se souciait plus, disait-il, que des peuples : « Les peuples vont, non parce qu’on les gouverne, mais malgré qu’on les gouverne. »

Son bon moment de royalisme avait été lorsqu’il venait le matin dans le cabinet de M. de Chateaubriand aux Affaires étrangères : il y rencontrait M. Bertin l’aîné et quelques autres amis intimes. Étendu sur un canapé (tandis que M. de Chateaubriand était censé travailler), M. Fiévée y donnait cours à toute sa veine. Il essayait, il trouvait sur la situation quantité de mot fins, épigrammatiques, de ces définitions commodes et vives qui circulaient et qu’on répétait ensuite, qu’il répétait lui-même. En l’écoutant, il était aisé de voir qu’il aimait l’esprit avant tout ; c’est encore ce qu’il aimait le mieux dans le monde.

Après 1830, sous sa forme dernière et toute désintéressée, sous sa forme que j’appellerai quasi-républicaine, il était le même. Il avait besoin tous les matins d’avoir son avis, son mot sur les choses, et de le dire : c’est comme le thermomètre qui ne peut s’empêcher de marquer la température. C’était sa manière, à lui, d’être et de produire. Quand sa réflexion n’allait pas jusqu’au volume d’une brochure, il lui fallait un journal pour y verser son courant et son trop plein, « pour y confondre, comme il disait, ses pensées du moment avec les circonstances du moment ». Vers la fin, tout ne portait pas, il y avait du triage à faire. Il ne se fâchait pas qu’un autre fît le choix. Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. »

En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans :

Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise.

C’est ainsi que m’apparaît encore aujourd’hui M. Fiévée, un peu embelli peut-être, mais ressemblant ; tel il se dessine surtout quand on se borne à le connaître par sa Correspondance avec Bonaparte42.