Belloy, [Pierre-Laurent Buiret, dit de] de l’Académie Françoise, né en Auvergne, mort à Paris en 1775, âgé de 45 ans, Poëte Tragique, qui prouve qu’on peut avoir de grands succès, sans avoir de grands talens.
L’accueil favorable qu’on a fait à quelques-unes de ses Pieces, sur-tout au Siége de Calais, a été plutôt le tribut de la reconnoissance, que le fruit de l’admiration. Il seroit plus difficile de lui assigner un rang parmi ceux qui ont travaillé pour le Théatre, que parmi les Citoyens jaloux de la gloire de leur Patrie. C’est donc du côté du patriotisme & d’un certain enthousiasme militaire qu’on doit apprécier le mérite de M. de Belloy, si on veut en juger favorablement. En qualité de Poëte, sa gloire ne seroit point à l’épreuve de la critique ; une versification dure & négligée, peu de sentiment, point de pathétique, aucun de ces grands mouvemens qui excitent les passions & annoncent le génie, des ressorts plus dignes de Thalie que de Melpomene, seroient des défauts qui le rendroient inférieur à plusieurs de nos Poëtes Tragiques, qui n’ont pas cependant réussi comme lui.
Malgré cela, il aura au dessus d’eux la gloire d’avoir rappelé parmi nous la Tragédie à sa véritable destination, en y retraçant, comme chez les Grecs, des événemens nationaux, & en offrant à ses compatriotes des Héros propres à les attendrir & à exciter leur émulation. Un zele aussi noble, soutenu d’ailleurs par une grande connoissance de la mécanique du Théatre, suffit pour lui faire pardonner les défauts de l’exécution ; & M. de Belloy a pu dire avec l’Auteur de l’Anti-Lucrece :
Elcquio victi, re vincimus ipsâ.
Il n’est pas inutile de remarquer que cet Auteur, dont le caractere fut toujours éloigné de la bassesse & des manéges qui menent à la fortune, auroit été, dans sa derniere maladie, privé des secours qu’exigeoit sa situation, si la bienfaisance éclairée de notre jeune Monarque ne se fût empressée de prévenir ses besoins. Un Prince qui honore ainsi les Lettres, est digne de tous leurs hommages.