(1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31
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(1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Chapitre II.

Des livres de géographie.

§. I.

Des Livres élémentaires sur la Géographie, & des Dictionnaires géographiques.

LA Géographie se divise en ancienne & en moderne. La premiere est nécessaire pour la lecture des anciens historiens Grecs & Latins. Nous n’avons rien de mieux en ce genre que la Géographie ancienne abrégée 1768. trois vol. in-12. par M. d’Anville, le plus habile Géographe de la France. On a encore un Dictionnaire classique de la Géographie ancienne, imprimé chez Lacombe, in-8°. 1769. ; les grands articles sont faits avec précision & avec agrément ; mais il y a des fautes & des omissions dans les petits. Cet ouvrage perfectionné seroit très-utile.

La Géographie moderne a été traitée par un plus grand nombre d’écrivains que l’ancienne ; mais la plûpart n’étant que de compilateurs qui se copient les uns les autres, sans avoir vu un seul des pays dont ils parlent, il faut nécessairement se borner à quelques bons livres.

Je mets de ce nombre la Géographie moderne abrégée par l’Abbé Nicolle de la Croix, 1766. deux volumes in-12. L’ordre & l’exactitude sont le mérite de ce livre plusieurs fois réimprimé. La Géographie universelle, à l’usage des Collèges, par M. Robert 1767. in-12. 2. vol., mérite les mêmes éloges.

Il est difficile de se former une idée nette des objets, lorsqu’ils sont trop en petits. On aura un plus grand détail dans la Géographie universelle par Dom Vaissette, 1755. quatre volumes in-4°. L’auteur connu par sa savante Histoire du Languedoc, étoit très-laborieux ; il ne lui est échappé que peu de fautes, & il y a des notices très-bien faites des pays qui nous intéressent le plus. On ne peut pas dire la même chose de la Géographie d’Hubner, qu’on a tant vantée ; ce livre germanique fourmille d’erreurs de toute espêce ; & si l’on excepte ce qui regarde l’Allemagne, c’est un assez mauvais ouvrage.

La Méthode pour étudier la Géographie par l’Abbé Lenglet du Fresnoy, n’étoit d’abord qu’en 4. vol. in-12. Elle est à présent en 10. de l’édition de 1767., revue par un savant connu. On y a fait les changemens nécessaires pour la rapprocher des nouveaux traités de paix, & il y a des additions curieuses.

La Géographie est une science si amusante qu’il n’est pas étonnant que dans ce siécle de la lexicomanie, on ait cherché à la mettre en Dictionnaire. L’ouvrage le plus complet en ce genre est le Dictionnaire géographique de Bruzen de la Martiniere, dont la meilleure édition est celle de Paris 1769. six vol. in-fol. Il y a dans ce livre d’excellens matériaux. L’auteur cite presque toujours ses auteurs ; mais pour l’ordinaire il n’est pas heureux dans le choix & dans l’arrangement des faits. C’est le jugement qu’en portoit le Pere Charlevoix. Mais les derniers éditeurs ont tellement refondu l’ouvrage que cette critique seroit aujourd’hui injuste.

Nous avons deux abrégés de ce Dictionnaire ; le premier est par M. l’Abbé Ladvocat, sous le nom de M. Vosgien, Chanoine de Vaucouleurs. Le second est par un anonyme. Celui-ci porte en titre le nom de la Martiniere. M. Ladvocat qui lui avoit pour le moins autant d’obligations, n’a pas parlé de lui. Il donne son livre comme traduit de l’Anglois. Quoi qu’il en soit, les deux abrégés sont bien faits, & l’on peut prendre indifféremment l’un ou l’autre. Ils sont tous les deux in-8°.

Ce n’étoit pas assez d’avoir des Dictionnaires portatifs sur la Géographie, on nous a donné de petits livres sur cette science qui se perdent presque entre les mains. Tel est le Petit tableau de l’univers, espêce d’Almanach géographique fait avec soin.

On avoit auparavant le Geographe manuel par M. l’Abbé Expilly, in-24. Ce livre a été si souvent imprimé qu’on ne peut douter qu’il ne soit utile. Il auroit été peut-être à souhaiter que l’auteur eût plus soigné son style, & qu’il y eût une plus grande proportion entre ses divers articles. De grands Royaumes n’occupent qu’un petit espace, & de petites isles, telles que la Corse, un fort grand. Au reste ce défaut peut facilement se corriger, & il ne nuit point à la bonté de l’ouvrage de M. Expilly.

§. II.

Voyages dans toutes les parties du monde.

RIen n’est plus agréable que de parcourir l’univers du fond de son cabinet ; c’est à quoi servent les voyageurs. La plus grande collection que nous ayons en ce genre, est celle de M. l’Abbé Prevot qui parut sous ce titre : Histoire générale des voyages, depuis le commencement du XVme. Siécle, contenant ce qu’il y a de plus curieux, de plus utile & de mieux vérifié dans toutes les rélations des différentes Nations du monde : ouvrage d’abord traduit de l’anglois, & continué depuis par ordre de Monseigneur le Chancelier de France, 1745. & années suivantes, seize volumes in-4°. & 60. vol. in-12. sans compter la table des matieres composée par M. Chompré, qui forme un vol. in-4°. ou quatre vol. in-12.

Ce recueil est dans tous les cabinets où l’on s’attache à rassembler les bons livres, ceux qui réunissent la plus utile instruction aux agrémens vrais & solides qu’il faut chercher dans la lecture. On sçait que les sept premiers volumes de l’édition in-4°. sont une traduction de l’anglois. Cette partie est mal digérée, chargée d’inutilités & quelquefois peu agréable à lire. Le reste de l’ouvrage est de l’Abbé Prevot & vaut beaucoup mieux.

M. de Querlon, si connu par sa vaste littérature, s’est chargé de continuer cet ouvrage, & l’on a ouvert une souscription pour cette continuation de l’histoire des voyages, ou collection nouvelle 1°. des rélations des voyages par mer, découvertes, observations, descriptions, &c. omises dans celle de feu M. l’Abbé Prevot, ou publiées depuis cet ouvrage ; 2°. des voyages par terre, faits dans toutes les parties du monde : contenant ce qu’il y a de plus remarquable & de mieux avéré dans tous les pays où les voyageurs ont pénétré, touchant leur situation, leur étendue, leurs limites, leurs divisions, leurs climats, leur terroir, leurs productions, leurs lacs, leurs rivieres, leurs montagnes, leurs mines, leurs habitations, leurs principales villes, leurs ports, leurs rades, &c. ; avec l’histoire, les mœurs, & les usages des habitans, leur religion, leur gouvernement, leurs arts, leurs sciences, leur commerce, leurs manufactures, &c. : ouvrage enrichi de Cartes géographiques nouvellement composées sur les observations les plus authentiques, de plans & de perspectives, de figures d’animaux, de végétaux, habits, antiquités, &c.

Le premier volume de cette continuation a paru & on l’a trouvé digne de l’ingénieux Abbé Prevot. Mr. de Querlon a pour associé dans cette entreprise M. de Surgi, à qui l’on doit les Mélanges intéressans, ou l’Abrégé de l’Histoire naturelle, de l’Asie, de l’Afrique & des terres polaires, en dix vol. in-12. qui ont été accueillies d’une maniere distinguée. Cet ouvrage remplit très-bien son objet ; il est exact, curieux & intéressant. Mais on desire que l’auteur remplisse son titre en traitant la partie de l’Amérique, à laquelle il renvoye plusieurs fois dans le cours de son ouvrage & sur laquelle on ne trouve rien.

On a dit que les voyages étoient les romans des Philosophes. L’histoire des peuples éloignés de nous à des distances considérables, & sous un ciel différent du nôtre, nous transporte dans un monde où tout est nouveau à nos yeux. C’est le plaisir de la surprise qu’on éprouve quelquefois en lisant le Voyageur françois ou la connoissance de l’ancien & du nouveau monde, à Paris chez Vincent 1765. en plusieurs volumes in-12. L’auteur de cet ouvrage (M. l’Abbé de la Porte) a cru qu’une histoire abrégée des Voyages, en forme de Lettres, dont le style familier, commode, est à la portée de tous les lecteurs, amuseroit plus & soutiendroit mieux l’attention, qu’une rélation suivie, continue, didactique & surement il a trouvé des partisans de sa méthode. Il fait donc voyager un Provençal qui part de Marseille pour se rendre dans le Levant, écrit de tous les endroits où il a séjourné, & rend exactement compte à une Dame de tout ce qu’il y a d’intéressant à savoir sur la position des lieux, sur les singularités de la nature, sur les loix, sur les mœurs, les usages, la religion, le gouvernement, le commerce, les sciences, les arts, l’habillement, les édifices, les productions naturelles, &c. &c. Toutes les Lettres qui composent cet ouvrage dont nous avons déjà une douzaine de volumes, sont remplies de détails curieux, instructifs & amusans.

Mais quelque plaisir qu’on prenne à lire de pareils livres, il faut recourir aux originaux, si l’on veut avoir des connoissances sures & étendues. C’est pourquoi nous caractériserons ici les principaux voyageurs.

§. III.

Voyages en asie.

T Avernier connoissoit bien la Perse où il avoit fait six voyages qui ont été publiés in-4°. Paris 1676. en trois volumes & réimprimés ensuite en six volumes in-12. On y trouve des choses curieuses, & il est plus exact qu’on ne pense. Nous n’ignorons point qu’il se trompe quelquefois, mais quel voyageur dit toujours vrai ? Ses voyages sont sur-tout précieux aux Joaillers, pour le détail qu’ils renferment sur le commerce des pierreries.

Le Chevalier Chardin qui faisoit le même négoce, passe encore pour plus sincére que Tavernier. Le recueil de ses ouvrages traduit en Anglois, en Flamand & en Allemand, est en dix vol. in-12. & en trois vol. in-4°. Ils sont à la fois très-curieux & très-vrais ; & on doit bien les distinguer de ceux de tant d’autres voyageurs, qui n’ont couru le monde que pour en rapporter des ridicules & des mensonges. Chardin donne une idée complette de la Perse, de sa religion, de ses usages, de ses mœurs, de ses coutumes, &c. La description qu’il fait des autres pays orientaux qu’il a parcourus, n’est ni moins exacte, ni moins curieuse.

Melchisedech Thévénot, célébre voyageur françois, vit à peu-près les mêmes pays que Chardin. Dès sa jeunesse, il quitta Paris sa patrie, pour parcourir l’univers. Il ne vit néanmoins qu’une partie de l’Europe ; mais l’étude des langues, & le soin qu’il prit de s’informer avec exactitude des mœurs & des coutumes des différens peuples, le rendirent peut-être plus habile dans la connoissance des pays étrangers, que s’il y eût voyagé lui-même. Ses Voyages au Levant, en Perse, & aux Indes, depuis l’an 1662. jusqu’en 1667. in-4°. Paris 1665-1674-1684. trois volumes sont très estimés.

On ne fait pas moins de cas de la rélation d’un voyage du Levant, fait par ordre du Roi, contenant l’histoire ancienne & moderne de plusieurs isles de l’Archipel, de Constantinople, des Côtes de la mer noire, de l’Arménie, de la Georgie, des frontieres de Perse & de l’Asie mineure ; avec les plans des villes & des lieux considérables, le génie, les mœurs, le commerce & la religion des différens peuples qui les habitent & l’explication des médailles & des monumens antiques, enrichie des descriptions & des figures d’un grand nombre de plantes rares, de divers animaux : & plusieurs observations touchant l’histoire naturelle, par le célébre Tournefort, en deux vol. in-4°. & en trois volumes in-8°. Le principal objet des voyages de ce Savant fut la Botanique. Après avoir reconnu dans la Grèce toutes les plantes des anciens, il en rapporta près de quatorze cens qui avoient échappé à leur recherche. Aux observations de l’herboriste, il joint plusieurs remarques qui prouvent une grande connoissance de l’histoire ancienne & moderne & une vaste érudition. Son voyage est orné de figures.

Les Mémoires de l’Empire du grand Mogol, par François Bernier, Paris 1670. 4. vol. in-12. sont d’un voyageur qui réunissoit l’exactitude d’un savant & la curiosité d’un philosophe. Il avoit tout examiné par lui-même.

Le Journal du voyage de Siam, par l’Abbé de Choisi, Paris 1687. in-4°. est plus agréablement écrit ; mais il n’est ni aussi vrai ni aussi exact.

Paul Lucas a ses partisans & ses adversaires. Les uns l’accusent d’outrer le merveilleux & de ne débiter que des fables ; les autres entreprennent de le justifier. Mais si ce voyageur n’étoit point un menteur, c’étoit du moins un homme fort crédule. Nous avons de lui deux voyages du Levant imprimés au commencement de ce siécle en quatre volumes in-12.

Corneille le Bruin est généralement estimé, & il mérite de l’être. Comme il étoit bon dessinateur & bon peintre, il a mieux exécuté les desseins qu’ils nous a donnés, que s’il les avoit fait exécuter par un autre. Un lecteur équitable passera l’éponge sur le goût germanique de cet Ecrivain, qui s’arrête un peu trop à des minuties, & sur une certaine sécheresse inséparable des petits détails dans lesquels son style est noyé. Ses voyages traduits de l’Allemand en François parurent à Amsterdam in-fol. & à Rouen in-4°. 6. vol.

M. Flachat, Directeur de la Manufacture royale de St. Chamond, a donné un véritable voyage du Levant dans ses Observations sur le commerce & sur les arts d’une partie de l’Europe, de l’Asie, de l’Afrique & même des Indes orientales, 1762. deux vol. in-12. avec figures. L’auteur est un Négociant, qui, n’ayant voyagé que pour acquérir toutes les connoissances qu’on peut se procurer par cette voie sur le commerce, rapporte presque tout à ce but. Il passe d’abord en Italie, & il en parcourt rapidement les places les plus commerçantes & les plus belles villes ; mais on le voit appliqué par-tout aux objets du commerce ou des arts, y donner sa principale attention, visiter les Manufactures, examiner les fabriques & les atteliers, & en dessiner les machines. D’Italie il se rend en Allemagne, de-là en Hongrie & ensuite à Constantinople. C’est son séjour dans la capitale des Empereurs Ottomans qui mérite, à notre avis, d’occuper le plus la curiosité des lecteurs. Aucune autre rélation de Constantinople ne fait peut-être connoître aussi bien cette grande ville & l’intérieur du serrail. Le voyageur ne parle guéres que de ce qu’il a vu ou de ce qu’il a su de gens bien instruits & fort surs.

Les objets qui sont traités dans son livre sont à peu près les mêmes qui ont occupé l’auteur du Voyage en France, en Italie & aux isles de l’Archipel, ou Lettres écrites de plusieurs endroits de l’Europe & du Levant en 1750. &c., avec des observations sur diverses productions de la nature & de l’art : ouvrage traduit de l’Anglois, à Paris 1763. quatre vol. in-12. “La multiplicité des livres sur certaines matieres (dit M. de Querlon en annonçant celui-ci) est souvent le plus grand obstacle à l’instruction. Elle rebute, au lieu d’irriter le desir que nous avons de savoir ; & la satiété nous remet presque au même terme que la disette. Il n’en est pas ainsi des voyages. Dix hommes voyent le même pays & ne voyent pas les mêmes choses. Chacun a son point de vue, son optique, son objet d’observation, sa façon de voir ; & cette diversité de vues, de goût, d’objets, &c. dans les voyageurs, varie toujours utilement ou agréablement leurs rélations. Nous avons beaucoup de voyages de France, d’Italie, de Grèce ; mais celui-ci n’a presque rien de commun avec ceux que nous connoissons. Un Anglois instruit & curieux voit bien autrement qu’un François.” On en jugera par ces Lettres, qui sont un peu monotones pour le ton, mais dans lesquelles on trouve des remarques utiles. Le voyageur anglois, très-riche seigneur, qui posséde excellemment l’art de voyager & sur-tout celui d’observer, tous deux plus rares qu’on ne pense, est accompagné d’un habile physicien, dont les découvertes enrichissent extrêmement ses rélations.

Je placerai encore dans cet article les Voyages d’un Philosophe, ou Observations sur les mœurs & les arts des peuples de l’Afrique, de l’Asie & de l’Amérique : brochure in-12. qui parut en 1768. Quoique ce livre soit d’un très-petit format, il y a certainement plus de choses & de sens, de raison, de philosophie, de vues, que dans beaucoup de gros volumes, où la forme est absorbée par la matiere. L’Asie entre pour beaucoup dans les observations de notre voyageur politique, œconomique & physicien, à qui rien d’intéressant de ce qui concerne les vrais biens des hommes, ne paroît avoir échappé.

§. IV.

Voyages en afrique.

CEtte partie du monde n’est pas aussi connue qu’elle devroit l’être ; & ce que les anciens voyageurs ont écrit de mieux se trouve rassemblé dans l’Histoire des voyages de Mr. l’Abbé Prevot. Nous avons eu depuis la mort de cet élégant Ecrivain, quelques écrits qu’il ne faut pas oublier. Telle est la Nouvelle histoire de l’Afrique françoise, par M. l’Abbé Demanet 1767. deux vol. in-12. L’auteur qui a été Curé dans cette partie de l’Afrique, a tout vu de ses yeux, & il paroît par son livre qu’il voyoit en homme intelligent. Il instruit autant qu’il amuse. On y trouvera en particulier des observations sur les Noirs qui détromperont ceux qui imaginent que c’est une espêce différente de la nôtre.

L’Egypte est une des parties de l’Afrique qui mérite le plus d’être connue. Nous n’avons rien de mieux que l’ouvrage de l’Abbé le Mascrier intitulé : Description de l’Egypte sur les Mémoires de M. Maillet, 1735. in-4°. & en deux vol. in-12. Cette description est la plus complette qui ait encore paru. Il y a des choses qui n’ont pu être remarquées que par un esprit très-attentif. Tout ce qui peut intéresser la curiosité s’y trouve rassemblé ; mœurs anciennes & modernes, monumens, coutumes, religions, gouvernemens, commerce, histoire, physique ; tout cela est embéli par des traits historiques assez agréables, par de petites aventures romanesques, par des réfléxions & par des peintures singulieres. Voilà le fond de l’ouvrage. A l’égard de la forme, je vous dirai qu’en approuvant le genre épistolaire dont le reviseur ou le compilateur s’est servi, j’aurois voulu qu’il en eût proscrit l’enflure, l’affectation, la déclamation, le ton de collège, la superfluité des mots & les répétitions importunes ; ce qui n’empêche pas que le style en général ne soit assez bon. La description de l’Egypte n’auroit pas été moins estimable, si l’on avoit supprimé beaucoup de phrases inutiles, & un grand nombre de détails ennuyeux.

Le défaut de la diction n’est pas toujours un inconvénient dans les livres de voyages qui, ainsi que ceux d’histoire, se font lire de quelque façon qu’ils soient écrits. Ainsi je ne crains point de vous citer quelques ouvrages sur l’Egypte & sur quelques autres parties d’Afrique qui vous plairont plus par les faits que par le style.

Description de l’Afrique, traduite du Flamand d’Olfert, Dappers, avec des cartes & des figures, in-fol. Amsterdam 1686. Cette description est très-exacte, fort détaillée, faite sur les dernieres rélations & remplie de cartes & de plans très-instructifs.

La Description de l’Afrique & l’histoire de ce qui s’y est passé de remarquable, depuis l’an 613. jusqu’en 1571., traduite de l’Espagnol de Louis de Marmol, par Nicolas Perrot sieur d’Ablancourt, est enrichie de Cartes géographiques de M. Samson. On y trouve l’histoire des Cherifs & des Royaumes de Maroc, de Fez, &c. depuis l’an 1502. jusqu’en 1578. , traduit de l’Espagnol de Diego Torres par M. le Duc d’Angoulême. Cette description est in-4°. Paris 1667. trois vol. Quoique cet ouvrage soit fort historique, il y a néanmoins bien des choses qui concernent la Géographie & la description de cette partie du monde.

L’Egypte de Murtady, fils du Graphiphe, où il est traité des pyramides, du débordement du Nil, & des autres merveilles de cette province, traduit de l’Arabe, par Pierre Vattier, in-12. Paris 1666. Cet ouvrage est le meilleur & le plus judicieux que nous ayons sur l’Egypte. Il n’est pas commun.

Rélation du voyage fait en Egypte en 1672. & 1673. par le Sr. Michel Vansleb, in-12. Paris 1677. Cette rélation, différente de celle qui précéde, n’est ni moins estimée, ni moins exacte.

L’état présent de l’Empire de Maroc par M. Pidou de St. Aulon, Ambassadeur du Roi à Maroc, avec figures in-12. Paris 1694. Cette rélation est courte, mais sage, judicieuse & exacte.

On recherche aussi le Voyage d’Afrique fait par le commandement du Roi ou les Navigations des françois en 1629. & 1630. , sous la conduite du Commandeur de Razielli, décrits par Jean Armand, dit Mustapha, Turc de nation, in-8°. Paris 1633.

Le Voyage de Lybie au Royaume de Sénégal, le long du Niger, par Claude Jannequin Sieur de Rochefort, in-8°. Paris 1643.

La Rélation & voyage des côtes d’Afrique, appellées Guinée, avec la description du pays & des mœurs des habitans, par Nic. Villault, sieur de Bellefond, in-12. Paris 1669.

Le Voyage du Sieur le Maire, Chirurgien aux Isles Canaries, Cap verd, Sénégal & Gambie en 1682. in-12. Paris 1695.

La Rélation du premier voyage de la Compagnie des Indes orientales en l’Isle de Madagascar ou Dauphines, en 1665. par Urbain Sauchu de Renne-fort, in-12. Paris 1668.

§. V.

Voyages en amérique.

ON peut commencer l’histoire de cette partie du monde par celle que le P. Touron en a donnée sous ce titre : Histoire générale de l’Amérique depuis sa découverte, 1769. 14. vol. in-12. On trouve dans cet ouvrage l’histoire naturelle, ecclésiastique, militaire, morale & civile des contrées du nouveau monde. Cependant l’objet principal de l’Historien a été de faire connoître tout ce qui regarde l’établissement & la propagation du Christianisme en Amérique. A quelques détails près qui sentent la légende, il y a des choses intéressantes, & qui sont rassemblées avec beaucoup d’ordre & de netteté. Le style, quoique fort, auroit pu être plus soigné ; & l’auteur auroit dû oublier quelquefois qu’il étoit Jacobin.

L’Abbé Prévot, Ecrivain plus élégant que le Pere Touron, a très-bien traité la partie qui regarde l’Amérique dans son Histoire générale des Voyages. On peut y joindre l’excellent Voyage autour du monde de l’Amiral Anson, 4. vol. in-12. ; un autre Voyage autour du monde, fait en 1764. & 1765. , traduit par M. Suard 1767. in-12. ; le Voyage de l’Amérique méridionale, traduit de l’Espagnol de M. Ulloa par Mauvillon 1752. deux vol. in-4°. ; le Voyage de l’Amérique Septentrionale, par M. de Chabert 1753. in-4°. ; le Voyage de Pensilvanie, traduit de l’Allemand, par M. de Surgi, in-12. ; les Voyages du P. Labat, Dominicain, en plusieurs volumes in-12. Voyage fait au Pérou en 1751. , par M. l’Abbé de la Blanchardiere, 1751. in-12. ; la Rélation du voyage de la riviere des Amazones, par M. de la Condamine ; le Voyage du même à l’Equateur ; l’Histoire de l’Orenoque du Pere Gumilla, traduite par M. Eidous, &c.

Les Mœurs des Sauvages amériquains comparées aux mœurs des premiers tems, par le P. Lafitau, Jésuite, 1723. Paris 2. vol. in-4°. est un livre intéressant. L’auteur entre dans un grand détail sur les mœurs, les coutumes & la religion des Sauvages de l’Amérique, sur-tout de ceux du Canada. Le parallèle des anciens peuples avec les Amériquains suppose une grande connoissance de l’antiquité ; mais il est plus ingénieux que sensé ; & s’il y a dans ce livre beaucoup de choses intéressantes, il y a aussi un grand nombre d’idées fausses.

Nous avons un grand nombre de voyages faits en Amérique ou dans quelques parties de l’Amérique. On en trouve le détail dans la nouvelle édition de la méthode pour étudier la Géographie de l’Abbé Lenglet du Fresnoi. Ceux qui voudront approfondir cet objet pourront la consulter. Quant à ceux qui ne lisent que pour s’amuser en s’instruisant, les livres que nous avons indiqué suffisent.

§. VI.

Voyages en europe.

Nous plaçons cette partie à la fin de ce Chapitre, quoiqu’elle eût dû naturellement être mise au commencement. Mais comme elle est la plus connue des trois, nous avons cru quelle devoit terminer la liste des voyageurs. On peut voir dans le grand Dictionnaire de la Martiniere une description générale de l’Europe. Nous ne connoissons point de livre où l’on en traite ex professo. Mais il y a quelques ouvrages sur différentes contrées européennes, qui méritent d’être connus.

Les pays qui nous intéressent le plus sont la France, l’Angleterre, l’Espagne & l’Italie.

Piganiol de la Force a donné une description historique de la France qui laisse peu à désirer. Elle est en 14. vol. in-12.

Le grand Dictionnaire géographique de la France de M. l’Abbé Expilly en 6. vol. in-fol. entre encore dans de plus grands détails. Il y a de bons matériaux.

Nous avons les Lettres de M. l’Abbé le Blanc sur les Anglois en trois vol. in-12. : ouvrage plusieurs fois réimprimé, & qui le sera encore malgré les critiques qu’il a essuyées.

Londres, par M. Grosley, en 3. vol. in-12. 1770. , est un tableau fidéle des mœurs, des coutumes & du gouvernement de l’Angleterre. L’auteur entre dans des discussions intéressantes & amène des points d’histoire qu’il approfondit en homme qui joint une vaste érudition à beaucoup d’esprit naturel.

Le même nous a donné son voyage d’Italie sous le titre de Nouvelles observations sur l’Italie & les Italiens, par deux gentilshommes Suedois. On peut appliquer à cet ouvrage les éloges que nous avons faits du précédent. On en prépare une édition en 4. vol. in-12.

Madame du Bocage a mis son voyage d’Italie en forme de Lettres. On le trouve dans le recueil de ses œuvres. Il y a de l’esprit, de la légéreté & de l’agrément dans cette rélation épistolaire, & elle vient d’une main chere au public.

La Description historique & critique de l’Italie ou Nouveaux mémoires sur l’état actuel de son gouvernement, des sciences, des arts, du commerce, de la population & de l’histoire naturelle, par M. l’Abbé Richard, en six volumes in-12. 1766. , est un livre infiniment curieux, rempli de goût, d’érudition, de sagacité, de critique. Il a été réimprimé en 1769. avec de nouveaux soins.

M. de la Lande a publié la même année son Voyage d’Italie en 8. vol. in-12. , avec des cartes & des plans. Ce livre retrace à peu-près les mêmes objets que celui de M. l’Abbé Richard ; mais il est infiniment plus utile aux amateurs des arts & aux artistes, par l’examen critique que l’auteur fait des chefs-d’œuvre de peinture, de sculpture & d’architecture, répandus en Italie.

Nous ne sommes pas aussi riches sur l’Espagne que sur l’Italie ; mais au défaut d’un bon ouvrage particulier sur ce pays, on peut lire le Voyage de France, d’Espagne, de Portugal & d’Italie, par Mr. S***. 4. volumes in-12. 1770. Il est bon d’ajouter que quiconque veut connoître un pays, doit y voyager lui-même. Tous les voyageurs ressemblent plus ou moins à cet Allemand, qui ayant été mal reçu dans une auberge de Blois par l’hôtesse qui étoit un peu trop blonde, mit sur son Album : N. B. qu’on a des auberges detestables à Blois, & que toutes les Dames y sont rousses & acariatres. Si l’on en croit, l’Abbé de Choisi, rien de plus riche & de plus magnifique que la Cour de Siam ; lisez les Mémoires de Forbin, vous ne trouverez rien de plus mesquin. La destinée de l’homme est d’être trompé sur ce qu’il ne voit pas de ses propres yeux. Il faut donc, quand on le peut, parcourir les pays qu’on veut connoître. Les jeunes gens doivent sur-tout se former par les voyages. Mais gardez-vous bien de faire comme les Anglois, qui les doublent d’un pédant Irlandois, qui ne leur fait voir dans chaque ville que ce qui n’intéresse personne. Un homme du monde, un homme qui veut approfondir les hommes de tous les pays, doit vivre avec eux ; & pour cela, il ne suffit pas de visiter des cabinets de curiosité ou de lorguet des antiquailles.