II. (Fin.)
Pour goûter les écrits de Richelieu, pour en tirer tout le fruit et tout le suc qu’ils renferment, il faut se faire à son style et se tenir bien averti d’avance sur quelques défauts qui, autrement, pourraient rebuter. Montesquieu, parlant de la Relation du voyage entrepris et raconté par l’amiral carthaginois Hannon, a dit :
C’est un beau morceau de l’Antiquité que la Relation d’Hannon : le même homme qui a exécuté a écrit ; il ne met aucune ostentation dans ses récits. Les grands capitaines écrivent leurs actions avec simplicité, parce qu’ils sont plus glorieux de ce qu’ils ont fait que de ce qu’ils ont dit.
Et il applique le même éloge aux Mémoires de son ami le maréchal de Berwick. César, Frédéric, Napoléon, ont mérité d’être pareillement loués et admirés pour la simplicité de leurs récits quand ils expliquent leurs opérations de guerre. On n’en dira pas autant de Richelieu : il n’est pas un capitaine, il n’a pas débuté par l’action ; il est homme d’Église avant d’être homme d’État ; il a commencé par prêcher, par être orateur dans ses sermons, dans ses harangues ; il a soutenu des thèses en Sorbonne ; la gloire de Du Perron, le grand controversiste et l’habile négociateur, l’a tenté. L’écrivain politique en Richelieu est souvent ralenti par l’évêque ou même par le théologien. Ajoutez à cela le mauvais goût du temps : Richelieu n’est pas seulement venu avant Pascal, il s’est formé à la phrase avant Balzac. Il a des longueurs fatigantes ; il a des pointes et des jeux de mots. Dans un portrait de Du Plessis-Mornay, voulant déplorer l’usage que ce célèbre protestant fit de ses talents contre l’Église, il dira qu’il eût été à souhaiter pour lui qu’il fût mort-né (Mornay) d’effet comme de nom, et que du ventre de sa mère il eût été porté à la sépulture. Dans un admirable portrait de Wallenstein, ce glorieux généralissime de l’Empire assassiné par ordre de son maître, Richelieu, qui se reporte à sa propre situation de ministre calomnié et sans cesse menacé de ruine, trouve de magnifiques paroles pour caractériser l’infidélité et l’ingratitude des hommes ; et, après avoir raconté la vie de ce grand guerrier, après nous l’avoir montré avec vérité dans sa personne et dans son habitude ordinaire, il ajoute en une langue que Bossuet ne surpassera point :
Tel le blâma après sa mort, qui l’eût loué s’il eût vécu : on accuse facilement ceux qui ne sont pas en état de se défendre. Quand l’arbre est tombé, tous accourent aux branches pour achever de le défaire ; la bonne ou mauvaise réputation dépend de la dernière période de la vie ; le bien et le mal passent à la postérité, et la malice des hommes fait plutôt croire l’un que l’autre.
Mais, après avoir ainsi conclu en un trait qui rappelle
Shakespeare et qu’aurait envié Schiller, il prolonge sa pensée, et il
l’aurait gâtée si elle pouvait l’être : « On
connut bientôt après, ajoute-t-il, qu’un
mort ne mord point, et que l’affection des hommes ne regarde
point ce qui n’est plus. »
Ainsi donc, il faut en prendre son parti avec Richelieu et s’attendre à du mauvais goût, à des longueurs, à des métaphores souvent heureuses et grandes, souvent aussi hasardées et désagréables. M. Avenel croit avoir remarqué (ce qui serait bien naturel) que la simplicité gagne chez lui avec les années. La partie des Mémoires de Richelieu qui promet le plus, lorsqu’il est arrivé à son second et immortel ministère, n’est pas cependant la moins fatigante. En effet, en chaque affaire, il nous expose au long ce qu’il a dit dans le Conseil. Richelieu, dans sa première forme, était plus particulièrement un négociateur ; en arrivant au pouvoir et en se saisissant de l’autorité, il ne l’exerce qu’à condition de la justifier, de la motiver, et il est proprement l’idéal du conseiller d’État. Il a un maître faible, mais assez judicieux, à persuader, à convaincre ; avant d’agir, il démontre. Ce procédé lui sied avant tout, et il remploierait encore, lors même qu’il pourrait s’en passer. À chaque difficulté qui survient, il voit à l’instant tous les côtés de la question avec justesse, il les divise, les traite point par point, et les parcourt en les éclairant : puis dans son récit, l’artiste négociateur, l’artiste conseiller d’État se complaît à tout reproduire de ses raisons, et à les étaler en ordre et presque en bataille. Il se délecte évidemment dans ces longs exposés de doctrine. Je me figure que les mémoires du judicieux conseiller Cambacérès doivent être quelquefois ainsi. Mais, chez Richelieu, quand on a bien assisté aux développements substantiels qu’il aime, on sort tout d’un coup de ces lenteurs par quelque trait hardi, qui accuse l’homme d’action et de grand caractère.
On a pu se demander déjà, et j’ai entendu faire l’objection : « Comment Richelieu trouva-t-il le temps d’écrire ses mémoires, et sont-ils bien, en effet, tout entiers de lui ? » Il me semblerait étonnant qu’un homme si jaloux de son autorité, doué de tant d’esprit et s’en piquant, eût remis à un autre le soin de transmettre à la postérité des choses dont il possédait seul le secret, et dont il avait fait le plus grand nombre sans partage. Richelieu, en rentrant au ministère, avait fait ses conditions qui étaient bien d’accord avec sa frêle santé et avec son humeur : il n’allait point au lever du roi ; il ne recevait point de visites ni de ces sollicitations qui usent le temps et les forces. Il vivait dans une sorte de solitude, avec ses confidents ; il dormait peu ; et, dans ses nuits sans sommeil, avec cette organisation que nous lui savons, toute desséchée par l’ardeur intérieure et comme amincie par la souffrance, il n’avait pour contentement austère, ainsi qu’il l’a dit quelque part d’une manière sublime, que de voir tant d’honnêtes gens dormir sans crainte à l’ombre de ses veilles. Dans cette solitude vigilante et noblement orgueilleuse, ayant sous la main tous les secours et les aides matériels, que lui manquait-il donc pour recueillir sa pensée ? Ce n’était pas même la déplacer que de se souvenir des événements où il avait pris tant de part, et qui ne faisaient qu’une même trame avec le présent. Et il y a mieux : quand on lit les Mémoires de Richelieu, on s’aperçoit à tout moment qu’au milieu des choses les plus éloignées et les plus anciennes qu’il raconte, il parle tout à coup au temps présent ; il est à croire que, de très bonne heure, il avait pris des notes sur les choses et sur les événements, et ces notes, tantôt vives, tantôt un peu longues, passèrent ensuite à peu près intégralement dans le corps de son ouvrage. C’en est même le défaut. Il n’a pas eu le courage ou l’art d’abréger.
Cela dit, et les objections écartées, je reprends Richelieu au point où je l’ai laissé la dernière fois, et je veux le suivre encore en m’aidant de la publication de M. Avenel, jusqu’au moment ou s’arrête le premier volume de cette publication, c’est-à-dire à l’époque où il rentre au Conseil pour y être désormais le seul maître (1624).
Dans son premier ministère, on l’a vu en peu de mois tout faire pour abattre
la révolte des princes et des grands, et pour rétablir l’autorité royale au
point d’où elle n’aurait jamais dû déchoir. On entrevoit même, dans ce temps
si court, son intention précise de relever la France au-dehors et de ne pas
la laisser déchoir non plus de ce rôle et de ce titre d’arbitre
de la chrétienté que Henri IV avait acquis à la couronne. Dans les
instructions à M. de Schomberg, ambassadeur en Allemagne, dans les lettres
écrites au nom du roi à M. de Béthune, ambassadeur en Italie, il ne cesse de
revendiquer cette gloire et presque cette fonction qui appartient de droit à
la France comme étant le cœur de tous les États chrétiens.
La république de Venise était aux prises avec l’archiduc de Gratz ;
Louis XIII, par le conseil de Richelieu, veut évoquer à lui l’affaire ; et,
comme la guerre de Piémont se prolonge malgré les efforts qu’on a faits sur
les lieux pour l’apaiser, Louis XIII désire également que le duc de Savoie
dépêche un négociateur à Paris pour traiter avec l’ambassadeur d’Espagne qui
y réside, jugeant que l’affaire se réglera mieux auprès de sa personne ; il
envoie en Espagne un ambassadeur pour obtenir, à cet effet, l’agrément du
Roi Catholique. Quand Venise, qui a joué un jeu double, s’accommode par le
canal de l’Espagne avec l’archiduc de Gratz, Louis XIII s’en montre
offensé ; il s’en plaint comme étant fraudé d’un de ses plus beaux droits,
qui est de tenir la balance : « Il semble, écrit-il, que pour tomber
en une ingratitude
volontaire, elle (la
république de Venise) ait voulu, s’exemptant de reconnaissance envers
moi, me priver de la gloire qui m’était due pour la conclusion d’un si
bon œuvre, en la transférant à un autre. »
Voilà le doigt de
Richelieu et son cachet dans les affaires étrangères en cinq mois de passage
au ministère, et au milieu des troubles civils qui semblaient compromettre
l’existence même de l’État. Il tenait à montrer à l’Europe, dès le premier
jour, ce qu’il exprime si noblement dans les instructions données à
Schomberg : « Jamais vaisseau ne résistera à si grande tempête avec
moins de débris qu’on en remarque au nôtre. »
Richelieu, tombé
de ce premier ministère, accompagne la reine Marie de Médicis dans son exil
à Blois (mai 1617) ; bientôt, sa présence en cette petite cour porte ombrage
à ses ennemis : la calomnie l’implique dans des intrigues, d’où son bon sens
suffisait à le tenir écarté. Il demande lui-même au roi de se retirer en son
diocèse : on le prend au mot, et, pendant quelque temps, on le voit, dans
son prieuré de Coussay près de Mirebeau, faisant l’évêque ou même le
solitaire, « réduit en un petit ermitage »
, et résolu en
apparence « à couler doucement le temps parmi ses livres et ses
voisins »
. C’est dans cet intervalle qu’il compose lui-même un
livre de controverse contre les protestants, et il semble uniquement occupé
des devoirs de sa charge. En accordant une certaine confiance aux lettres
que nous avons de Richelieu, n’oublions pas que nous ne les possédons pas
toutes, que les plus importantes étaient chiffrées et ne nous sont point
parvenues. On n’a pas les lettres secrètes, celles où il s’entretenait avec
ses intimes à cœur saoul, comme il disait. Il y a, dans
tout ce qu’il nous expose de sa vie aux diverses époques, un dessous de
négociations qui échappe : qu’il nous suffise de saisir sa ligne générale de
conduite.
On ne laisse pas longtemps Richelieu
tranquille dans sa retraite ; il est encore trop voisin de la reine ; il
sent que la calomnie le travaille en cour, et lui-même il est le premier à
provoquer une espèce d’exil : il demande qu’on lui prescrive pour demeure
tel autre lieu où il pourra vivre sans calomnie de même qu’il est sans faute
et sans reproche. Là-dessus il reçoit l’ordre d’aller en Avignon
(avril 1618) ; il y reste près d’un an à l’écart. Sur ces entrefaites, la
reine s’est évadée la nuit du château de Blois (février 1619) ; elle s’est
réfugiée auprès du duc d’Épernon, et Luynes, qui gouverne, craint qu’en
obéissant à l’influence de ce vieux seigneur et aux brouillons dont elle va
être entourée, elle ne devienne un grave danger. C’est alors que les amis
actifs de Richelieu, le père Joseph, Bouthillier, se remuent, et font songer
à lui comme au négociateur le plus propre pour ramener et adoucir l’esprit
de la reine, à laquelle il n’avait cessé d’être agréable. Richelieu reparaît
dans ce rôle délicat, et comme agent à demi avoué. Il part d’Avignon ; il
est arrêté en chemin par de trop zélés serviteurs du roi qui le croient
encore en disgrâce, et qui ont hâte ensuite de s’excuser. Il arrive à
Angoulême le mercredi de la Semaine sainte (27 mars 1619), et là où il
pensait toucher au port, « c’est où il trouve plus de
tempête »
. Il est reçu de mauvais œil par tous les autres
conseillers, qui redoutent son influence de modération et de bon conseil. La
reine dissimule ; elle et lui s’entendent. Il nous fait assister aux
tracasseries de cette petite cour ; il y devient vite l’homme nécessaire, et
conclut le traité qui réconcilie la mère avec le fils (30 avril). Le traité
conclu, il prépare l’entrevue qui doit sceller la réconciliation et qui eut
lieu à Cousières, près de Tours. Les favoris, les Luynes sont là qui ont
l’œil à tout et qui surveillent entre le roi et sa mère l’élan de la nature.
Richelieu
pourtant est parvenu à ses fins, il a
rempli sa mission, et, à partir de ce jour-là, le roi, pour le payer de ses
bons services, demande pour lui à Rome le chapeau de cardinal, qui ne
viendra que trois ans plus tard. C’est ainsi qu’au moment où elle semblait
tout à fait ruinée, la fortune de Richelieu se répare et qu’elle va
insensiblement monter et grandir sans plus s’arrêter.
Cependant les années qui suivent le laissent encore dans une situation
secondaire, et où il a besoin de toute son insinuation, de sa souplesse et
de sa patience. Luynes à la Cour triomphe, et il règne sur tout le royaume.
Richelieu reste attaché à la reine mère dans son gouvernement d’Anjou ; il
est le surintendant de sa maison, et proprement le ministre de ce demi-exil
et de cette disgrâce ; car, malgré l’entrevue et l’embrassement de
Cousières, les mauvaises passions s’interposent et travaillent à semer des
divisions nouvelles entre le fils et sa mère. On fait sortir de prison le
prince de Condé, qu’elle n’avait fait arrêter que dans l’intérêt du roi, et
ce prince du sang devient pour elle un ennemi actif qui va servir les
mauvaises intentions de Luynes. Richelieu serait fort d’avis que la reine,
pour déjouer ces intrigues, allât droit à la Cour, qu’elle fît parler la
nature dans le cœur du roi, et mît hardiment au néant la malveillance. Mais
d’autres conseillers de la reine sont d’un avis contraire, qu’ils appuient
de raisons assez plausibles ; de peur de perdre la confiance de sa
maîtresse, Richelieu, par prudence, se voit obligé de se ranger à leur avis,
« et, à l’imitation des sages pilotes, de céder à la tempête. N’y
ayant point de conseil si judicieux, pense-t-il, qui ne puisse avoir une
mauvaise issue, on est souvent obligé de suivre les opinions qu’on
approuve le moins »
. Même quand il nous expose ces longs
contretemps qui barrent sa fortune,
le style de
Richelieu n’est point irrité et ne marque ni colère ni dépit.
Le pouvoir et les prétentions de Luynes et de ses frères vont s’accroissant
et soulèvent des réprobations unanimes. Affamés d’honneurs et de biens, et
sans aucune ambition patriotique, ils accaparent les gouvernements, les
charges, les places de guerre et châteaux ; ils achètent et marchandent pour
eux les compagnies des corps royaux et d’élite ; les deniers levés sur les
peuples sont détournés à ces traités particuliers : « En un mot, dit
Richelieu, si la France était tout entière à vendre, ils achèteraient la
France de la France même. »
Richelieu est dans l’opposition,
comme nous dirions : il est trop patriote, à cette heure, pour n’en pas
être, mais il en est encore d’une manière qui lui est propre. Les grands et
les seigneurs, qu’il avait autrefois combattus, se soulèvent cette fois de
son côté, ce semble, et au nom de la reine mère ; ils entourent celle-ci de
leurs intrigues, et, sous prétexte de délivrer le royaume d’un nouveau
favori, ils ne songent qu’à leurs affaires particulières. Les voyant arriver
à Angers, Richelieu s’efface devant eux et ne prend guère part à leurs
délibérations ; entre deux écrits dressés au nom de la reine, l’un plus
modéré, plus prudent, et qui ne va pas à la guerre civile, et l’autre plus
aigre, plus violent, et qui est un manifeste d’hostilité, il est d’avis
qu’on se borne au premier, d’autant plus qu’on n’est pas de force à soutenir
le second. Il craint de donner prétexte à ces alliés puissants et turbulents
qui, « après avoir ruiné les valets »
, iraient par ambition
jusqu’à s’attaquer aux maîtres. Il pense « qu’il ne peut y avoir de
si mauvaise paix qui ne vaille mieux qu’une guerre civile »
.
Luynes s’avance dans le Maine avec les troupes du roi : tous les seigneurs
et capitaines, groupés autour de la reine mère à Angers, font mille plans
qui se traversent l’un
l’autre. Tout le monde
favorise la reine de ses vœux ; elle a tous les cœurs, elle a même bien des
bras, et cependant elle va être vaincue en un clin d’œil : « Dieu le
permit ainsi à mon avis, dit Richelieu, pour faire voir que le repos des
États lui est en si grande recommandation qu’il prive souvent de succès
les entreprises qui le pourraient troubler, quoique justes et
légitimes. »
Parlant du rôle de Richelieu en cet instant critique, quelques hommes du temps l’ont accusé d’avoir trahi les intérêts de la reine mère et des confédérés ; le duc de Rohan, ce grand fauteur de guerres civiles, l’accuse d’avoir exprès conseillé à la reine, dans une ville tout ouverte, cette défense tremblante. Non ; Richelieu donna alors, même aux gens de guerre, de meilleurs conseils, et qui ne furent point suivis ; mais ce qui est la vraie explication, selon moi, c’est qu’il n’était point de cœur avec les confédérés. Richelieu reste l’ancien et le futur ministre de la monarchie, même dans la disgrâce et dans l’exil ; il sent à l’avance sa destinée ; il ne dément pas son avenir.
Rien n’est piquant comme le portrait qu’il trace des principaux chefs dans la bagarre et la déroute dite du Pont-de-Cé (7 août 1620) : ce fut une panique. Les fanfarons, les peureux, les braves en petit nombre, chacun y a son mot. On a un tableau ironique comme en aurait pu tracer un Philippe de Commynes, et il le termine par ces considérations si dignes de lui, de l’homme resté, en tout temps, royal :
Je reconnus en cette occasion que tout parti composé de plusieurs corps qui n’ont aucune liaison que celle que leur donne la légèreté de leurs esprits…, n’a pas grande subsistance ; que ce qui ne se maintient que par une autorité précaire n’est pas de grande durée ; que ceux qui combattent contre une puissance légitime sont à demi défaits par leur imagination ; que les pensées qui leur viennent, qu’ils ne sont pas seulement exposés au hasard de perdre la vie par les armes, mais, qui plus est, par les voies de la justice s’ils sont pris, leur représentant des bourreaux au même temps qu’ils affrontent les ennemis, rendent la partie fort inégale, y ayant peu de courages assez serrés pour passer par-dessus ces considérations avec autant de résolution que s’ils ne les connaissaient pas.
Tel demeurait Richelieu, quand il se trouvait, à son corps défendant, enveloppé dans la révolte à main armée et dans la sédition. Au lendemain de la défaite du Pont-de-Cé, c’est lui encore qui contribuait le plus à raccommoder les affaires, et à ménager une paix dans laquelle Luynes vainqueur n’abusa pas, cette fois, de son avantage.
Tant que Luynes gouvernait le roi, il n’y avait point pour Richelieu de
grande place possible. Le favori eut, vers ce temps, quelque velléité de
faire liaison avec la reine ; il sembla même rechercher une alliance avec
Richelieu, et la nièce de l’un épousa le neveu de l’autre. Pourtant Luynes
et Richelieu étaient incompatibles, et ce dernier n’avait alors de garantie
réelle que la bonne volonté et la confiance de la reine mère. À tous les
conseils hasardeux qu’on donnait à celle-ci, il était d’avis d’opposer une
prudence suivie et la patience. En voyant l’extravagante fortune et le peu
de conduite de l’adversaire, il sentait dans son bon sens qu’il ne
s’agissait que d’attendre et de durer : « Il n’est pas de la France
comme des autres pays, pensait-il. En France, le meilleur remède qu’on
puisse avoir est la patience… »
Et il exprime à ce propos sur
notre légèreté, si fertile en revers, des idées fâcheuses qui seraient trop
décourageantes si lui-même, homme d’autorité et d’établissement, ne venait
bientôt, par son propre exemple, les combattre et les corriger. Mais pour
ceux qui voudraient tirer parti contre notre nation de ses paroles, ajoutons
que, selon lui, cette légèreté française porte souvent
son remède en elle-même ; car, si elle nous jette souvent
dans des précipices effroyables, elle ne nous y laisse pas, « et nous
en tire si promptement, que nos ennemis, ne pouvant prendre de justes
mesures sur des variétés si fréquentes, n’ont pas le loisir de profiter
de nos fautes »
.
Pendant que Richelieu patiente et attend, la guerre commence dans le Midi
contre les protestants qui se sont organisés en églises et ont élu pour leur
chef et généralissime le duc de Rohan (1624). La rébellion est manifeste :
le roi en personne s’y porte, plein de courage ; mais Luynes sait mal lui
préparer le terrain et lui ménager les occasions. Devant Montauban, par
exemple, Luynes a trop compté sur une intelligence qu’il a pratiquée avec un
traître du parti. Il fait avancer d’abord le roi, qui est repoussé :
« Il est bon, dit Richelieu, de ne pas négliger ces petits
avantages ; mais il est dangereux de s’y assurer, principalement à un
grand prince, qui doit plutôt emporter que dérober les
victoires. »
Que cela est noble et bien dit ! Richelieu
a sa méthode sur la manière dont un Premier ministre dévoué doit produire et
mettre en relief un roi courageux ; il souffre de voir Luynes ne rien
entendre à cet art et à cette jalousie d’honneur qu’on doit avoir pour les
armes de son maître.
Si Luynes avait vécu, la fortune de Richelieu s’ajournait pourtant et pouvait
manquer : aussi, quand Luynes disparaît, quand il est emporté d’une maladie
soudaine (14 décembre 1621) au milieu de cette campagne qu’il avait
entreprise sans pouvoir la mener à fin, Richelieu a pour peindre sa mort,
son caractère et sa personne, des traits de couleur et de passion que
Saint-Simon, un siècle après, aurait trouvés. Luynes, au milieu de ses
défauts, en avait un qui, en France, gâterait même les meilleures qualités :
il n’était point brave de sa personne.
Au siège
devant Montauban, tout connétable qu’il était, il n’approcha jamais de la
ville de la portée du canon. Il s’amusait à sceller, à faire l’office de
garde des Sceaux, pendant que les autres étaient aux mains ; bon garde des
Sceaux en temps de guerre, disait-on, et bon connétable en temps de paix :
« Au fort de ses lâchetés, s’écrie Richelieu, il ne laissait pas
de parler comme s’il était percé de plaies, tout couvert du sang des
ennemis… »
Au fort de ses lâchetés est une de ces expressions
involontaires qui qualifient un grand et généreux écrivain.
Tout le portrait de Luynes est d’une extrême beauté ; il le faudrait lire en
entier, et je ne puis qu’en noter quelques traits saillants qui
réfléchissent sur le caractère de Richelieu lui-même. Il s’attache à montrer
Luynes comme peu fait pour cette élévation à laquelle la faveur l’avait
porté, et qui ne lui donnait qu’éblouissement et insolence : Ces sortes
d’esprits, dit-il, « sont capables de toutes fautes, surtout quand
ils sont venus, comme celui-ci, à la faveur sans avoir
passé par tes charges, qu’ils se sont plus tôt vus au-dessus que
dans les affaires, et ont été maîtres des Conseils avant que d’y
être entrés »
.
Il était, dit-il encore, d’un esprit médiocre et timide ; peu de foi, point de générosité ; trop faible pour demeurer ferme à l’assaut d’une si grande fortune… Il voulut être prince d’Orange, comte d’Avignon, duc d’Albert, roi d’Austrasie, et n’eût pas refusé davantage s’il y eût vu jour. Les flatteries l’emportèrent jusque-là qu’il crut que toutes les louanges qu’on lui donnait étaient véritables, et que la grandeur qu’il possédait était moindre que son mérite… Il était plein de belles paroles et de promesses qu’il ne tenait pas fidèlement ; mais, lorsqu’il donnait des paroles plus absolues, c’est alors qu’on était plus assuré de n’avoir pas ce qu’il promettait ; et, lorsqu’il promettait le plus son affection, c’était lorsqu’on avait plus de sujet d’en être en doute : tant il manquait de foi sans en avoir honte, mesurant tout l’honneur à son utilité !
Richelieu reproche à Luynes d’avoir voulu appliquer
à la France la politique étroite et tyrannique qui n’est
praticable que dans les petites provinces d’Italie, où tous les sujets sont
sous la main de celui qu’ils doivent craindre : « Mais il n’en est
pas de même de la France, grand et vague pays, séparé de diverses
rivières, où il y a des provinces si éloignées du siège du
prince. »
Dans toute cette peinture, Richelieu nous livre
indirectement ses propres pensées, et, en nous représentant ainsi le favori
odieux, il est évident qu’il sent combien lui-même il s’en sépare et il en
diffère. Richelieu, par exemple, ne se croit nullement tyrannique dans le
sens où l’était le devancier qu’il flétrit :
Lui, au contraire, dit-il, ayant la force en main, méprisait de contenter aucun, estimant qu’il lui suffisait de tenir leurs personnes par force, et qu’il n’importait de les tenir attachées par le cœur : mais en cela il se trompait bien ; car il est impossible qu’un gouvernement subsiste où nul n’a satisfaction et chacun est traité avec violence. La rigueur est très dangereuse où personne n’est content ; la mollesse, où il n’y a point de satisfaction, l’est aussi ; mais le seul moyen de subsister est de marier la rigueur avec une juste satisfaction de ceux qu’on gouverne, qui aboutit à punition des mauvais et récompense des bons.
La théorie de Richelieu est dans ces paroles ; il est vrai, comme il nous l’a dit ailleurs, que, s’il fallait absolument choisir, il jugeait▶ la punition plus nécessaire encore que la récompense, et il la faisait marcher devant.
Machiavel a dit : « Ce n’est pas la violence qui répare, mais la
violence qui détruit, qu’il faut condamner »
; il est bon
pourtant que, dans tout ce qui se continue et qui est fondé pour durer,
l’idée de violence s’évanouisse, et Richelieu, dans son gouvernement, ne put
jamais parvenir à cette action d’énergie régulière et comme insensible. Il
était, certes, de la race des âmes royales, mais il n’était pas né roi. Ce
fut la résistance
et l’effort qu’il eut à faire
pour maintenir ce qu’il ne tenait que d’emprunt, qui le rendit parfois
tyrannique de procédé et d’allure. S’il fût né sur le trône et roi
héréditaire, il aurait eu naturellement la grandeur sans avoir à forcer la
fermeté.
Montesquieu a dit de Louis XIV : « Il avait l’âme plus grande que
l’esprit. »
Chez Richelieu, l’esprit fut aussi grand que l’âme,
et parut la remplir sans la dépasser jamais.
À la fin de ce portrait de Luynes, l’écrivain a, je ne sais comment, une fraîcheur et une légèreté d’expression qui ne lui est point ordinaire, et qui montre que cette âme n’était point destinée si absolument à la sécheresse et à l’austérité :
Sa mort fut heureuse, dit-il, en ce qu’elle le prit au milieu de sa prospérité, contre laquelle se formaient de grands orages qui n’eussent pas été sans péril pour lui à l’avenir ; mais elle lui sembla d’autant plus rude, qu’outre qu’elle est amère, comme dit le Sage, à ceux qui sont dans la bonne fortune, il prenait plaisir à savourer les douceurs de la vie, et jouissait avec volupté de ses contentements. Il en était encore en la fleur, et au temps que la jouissance en est plus agréable ; et, quant à sa fortune, elle ne faisait encore que de le saluer, et n’avait pas eu loisir de se reposer auprès de lui.
Ceci est léger et naïf d’expression, comme du Philippe de Commynes ou de l’Amyot.
Après la mort de Luynes, Richelieu n’entre pas encore au ministère ; les
ministres qui sont en cour le redoutent, lui sachant tant de lumières et de
force de jugement ; ils retardent le plus qu’ils peuvent le moment où le roi
prendra de lui quelque connaissance particulière, de peur de le voir
aussitôt à la tête des affaires : « J’ai eu ce malheur, dit-il, que
ceux qui ont pu beaucoup dans l’État m’en ont toujours voulu, non pour
aucun mal que je leur eusse fait, mais pour le bien qu’on croyait être
en moi. »
Ils ont beau faire, ils ont beau s’opposer à la
destinée et s’enfoncer chaque
jour dans leurs
dilapidations et dans leurs fautes, le moment approche, il est venu,
Richelieu désormais est inévitable.
Nous le laisserons régner ; mais il nous serait essentiel, pour ne pas rester trop au-dessous de notre idée, de pouvoir dire quelque chose encore de ce Testament politique où il a déposé, sous une forme un peu sentencieuse, le résumé de son expérience et l’idéal de sa doctrine. Parmi les objections que Voltaire a élevées contre l’authenticité de cet ouvrage, il en est une, entre autres, qui m’a frappé par sa faiblesse et par son contresens même :
Avouez, dit-il en s’adressant à M. de Foncemagne, avouez qu’au fond vous ne croyez pas qu’il y ait un mot du cardinal dans ce Testament ; pensez-vous, de bonne foi, que le chevalier Walpole se fut avisé d’écrire un catéchisme de politique pour le roi George Ier ?
Mais précisément, c’est que Richelieu n’est rien moins qu’un Robert Walpole : c’est un homme qui croit à Dieu, au caractère des rois, à une certaine grandeur morale dans les choses publiques, à une vertu propre en chaque ordre de l’État, à une rectitude élevée dans le clergé, à la générosité et à la pureté du cœur dans la noblesse, à la probité et à la gravité dans les parlements ; voilà ce qu’il veut à tout prix maintenir ou restaurer, tandis que l’autre ministre n’a que beaucoup d’habileté, un art de manipulation humaine et de corruption consommée, et de la bonne humeur. — Richelieu aime et préfère les honnêtes gens : en quels termes mémorables n’a-t-il point parlé dans ses Mémoires de la gravité héroïque d’Achille de Harlay, de la prud’homie du président Jeannin !
Il y a dans le Testament politique un curieux chapitre
intitulé « Des lettres », c’est-à-dire de la littérature classique ou de
l’éducation, et qui vient immédiatement après les chapitres sur l’Église.
Richelieu y expose ses
idées sur une sage
administration et dispensation de la littérature ; et, à la date où il
écrit, il y fait preuve d’une haute prévoyance. On dirait véritablement
qu’il a déjà le xviiie
siècle et quelque
chose du xixe
devant les yeux. Il ne saurait
admettre que, dans un État, tout le monde indifféremment soit élevé pour
être savant : « Ainsi qu’un corps qui aurait des yeux en toutes ses
parties serait monstrueux, dit-il, de même un État le serait-il, si tous
ses sujets étaient savants ; on y verrait aussi peu d’obéissance que
l’orgueil et la présomption y seraient ordinaires. »
Et encore :
« Si les lettres étaient profanées à toutes sortes d’esprits, on
verrait plus de gens capables de former des doutes que de
les résoudre, et beaucoup seraient plus propres à
s’opposer aux vérités qu’à les défendre. »
Il cite à
l’appui de son opinion le cardinal Du Perron, si ami de la belle
littérature, lequel aurait voulu voir établir en France un moindre nombre de
collèges, à condition qu’ils fussent meilleurs, munis de professeurs
excellents, et qu’ils ne se remplissent que de dignes sujets, propres à
conserver dans sa pureté le feu du temple. Le reste des jeunes gens serait
naturellement allé aux arts mécaniques, à l’agriculture, au commerce, à
l’armée, tandis qu’en les appliquant tous indifféremment aux études
« sans que la portée de leurs esprits soit examinée, presque tous
demeurent avec une médiocre teinture des lettres »
, et
remplissent ensuite la France de chicaneurs. Cette opinion
de Richelieu, qui vient après le débordement du xvie
siècle et avant le déluge du xviiie
, est du Bonald de première qualité, et, de quelque
côté qu’on l’envisage, exprimée à cette date et avec cette précision, elle
atteste la vue profonde de l’homme d’État.
Ce rôle de l’homme d’État, qui, à chaque moment social, est le principal et le plus actuel, n’est pas le seul, et deux forces en lutte gouvernent le monde. Pendant que Richelieu exprimait ces prévisions et ces craintes, Descartes préparait le libre accès de tous les esprits non seulement aux lettres, mais aux sciences, et enseignait le doute méthodique. Il y a bien à méditer sur ces deux noms.
À une lecture superficielle, le Testament politique peut sembler procéder d’abord par maximes un peu banales et par lieux communs : mais lisez bien, vous retrouverez toujours l’homme d’État et le moraliste expérimenté. Richelieu, dans toutes les réformes qu’il propose, se montre plein de modération ; il tient compte des faits accomplis, et, dans la correction des désordres même, il veut qu’on procède avec douceur et mesure. Il est un de ces architectes qui aiment mieux corriger les défauts d’un ancien bâtiment et le réduire par leur art à quelque symétrie supportable, que de le jeter à bas sous prétexte d’en rebâtir ensuite un autre tout parfait et accompli. Quelque ardent qu’ait été le caractère de Richelieu et son feu d’ambition, il reste évident que son esprit au fond est juste par essence et bien tempéré. Dans ses peintures morales, et dans l’examen des conditions qu’il exige des hommes appelés à être des conseillers politiques, il avait certainement en vue tel ou tel de ceux qu’il avait connus ; mais ses observations sont si justes et si fortes que, rien qu’à les transcrire ici, il semble encore aujourd’hui qu’on puisse mettre des noms propres au bas des qualités et des défauts :
Les plus grands esprits, dit Richelieu, sont plus dangereux qu’utiles au maniement des affaires ; s’ils n’ont beaucoup plus de plomb que de vif-argent, ils ne valent rien pour l’État.
Il y en a qui sont fertiles en inventions et abondants en pensées, mais si variables en leurs desseins, que ceux du soir et du matin sont toujours différents, et qui ont si peu de suite et de choix en leurs résolutions, qu’ils changent les bonnes aussi bien que les mauvaises, et ne demeurent jamais constants en aucune.
Je puis dire avec vérité, le sachant par expérience, que la légèreté de telles gens n’est pas moins dangereuse en l’administration des affaires publiques, que la malice de beaucoup d’autres. Il y a beaucoup à craindre des esprits dont la vivacité est accompagnée de peu de jugement, et, quand ceux qui excellent en la partie judiciaire n’auraient pas une grande étendue, ils ne laisseraient pas de pouvoir être utiles aux États.
La présomption est un des grands vices qu’un homme puisse avoir dans les charges publiques, et, si l’humilité n’est requise dans ceux qui sont destinés à la conduite des États, la modestie leur est tout à fait nécessaire. Sans la modestie, les grands esprits sont si amateurs de leurs opinions, qu’ils condamnent toutes les autres, bien qu’elles soient meilleures ; et l’orgueil de leur constitution naturelle, joint à leur autorité les rend tout à fait insupportables.
Tels sont les conseils ou plutôt les signalements d’expérience
que donnait un homme qui ne passait point précisément pour modeste, mais qui
certainement était encore moins présomptueux. En lisant avec soin ces
maximes d’État de Richelieu, un doute m’a pris quelquefois : je me suis
demandé si, dans le jugement historique qui s’est formé sur lui, il
n’entrait pas un peu trop de l’impopularité qui s’attache aisément aux
pouvoirs forts considérés aux époques de relâchement, et si, de loin, nous
ne le ◀jugeons pas trop, jusque dans sa gloire, à travers les imputations des
ennemis qui lui survécurent. Richelieu fut vindicatif : le fut-il autant
qu’on l’a dit ? il ne le croyait certes pas lorsqu’il a écrit :
« Ceux qui sont vindicatifs de leur nature, qui suivent plutôt
leurs passions que la raison, ne peuvent être estimés avoir la probité
requise au maniement de l’État. Si un homme est sujet à ses vengeances,
le mettre en autorité est mettre l’épée à la main d’un
furieux. »
De telles paroles montrent à quel point l’esprit de
Richelieu était loin de donner dans les extrémités violentes. Je laisse ces
divers problèmes, ces
contradictions apparentes
de quelques-unes de ses pensées et de ses actes à agiter aux historiens
futurs ; la renommée de Richelieu (et la renommée, il l’a dit, est le seul
paiement des grandes âmes) ne peut que s’accroître avec les années et avec
les siècles : il est de ceux qui ont le plus contribué à donner consistance
et unité à une noble nation qui d’elle-même en a trop peu ; il est, à ce
titre, un des plus glorieux artisans politiques qui aient existé ; et plus
les générations auront été battues des révolutions et mûries de
l’expérience, plus elles s’approcheront de sa mémoire avec circonspection et
avec respect.
Je ne veux pas finir sans rendre hommage encore une fois au travail de M. Avenel, et sans citer de son introduction historique cette conclusion qui est tout à fait à la hauteur du sujet :
Richelieu, dit-il, continua Henri IV et commença Louis XIV. Qui sait ce qu’on aurait fait de la politique de Henri s’il ne se fût pas trouvé là un homme capable d’en recueillir et d’en transmettre l’héritage ? qui sait ce qu’auraient pu devenir, perdues dans un misérable règne de trente-trois années, les destinées de la France ? La Providence, qui ne comptait pas Louis XIII, suscita Richelieu afin qu’il n’y eût point d’interruption entre les grands rois.