1. LACOMBE, [Jacques] Avocat, puis Libraire, né à Paris en 1724.
Après avoir tâché de se rendre utile au Public par des Ouvrages, tels qu’une Traduction de la Siphylis de Fracastor ; l’Histoire▶ des Révolutions de l’Empire de Russie ; l’◀Histoire▶ de Christine, Reine de Suede ; l’Abrégé chronologique de l’◀Histoire▶ Ancienne, celui de l’◀Histoire du Nord ; le Dictionnaire portatif des Beaux-Arts, & la Poétique de M. de Voltaire ; de l’amour des Lettres, il est passé à celui de la Librairie. Peut-être lui a-t-il paru plus doux & plus avantageux d’acquérir, par cette voie, un certain empire dans la Littérature, que ses talens ne lui auroient pas procuré. Il faut cependant convenir que ses compilations annoncent des connoissances, de l’ordre, du discernement, & qu’elles pourroient contribuer à l’instruction, si elles ne favorisoient trop la paresse, par la méthode superficielle des abrégés.
M. Lacombe auroit pu rendre des services plus réels aux Lettres, en usant avec plus de fermeté de la surintendance qu’il s’étoit établie sur un grand nombre de nos Journalistes ; car il a su soumettre au joug de sa presse, non seulement tous les petits Journaux, mais encore le Mercure. Ce dernier Recueil sur-tout n’a été, pendant tout le temps qu’il en a eu la direction, qu’un dépôt de fadeurs & de délires philosophiques, dont il ne paroît pas que le nouveau Directeur ait pris soin de le purger. Comment le vrai goût pourroit-il ne pas être soulevé par la fumée insipide de tant d’encens prodigué à des Ouvrages médiocres ? & le bon sens ne pas être révolté par l’enthousiasme que l’esprit de parti y affiche dans toutes les occasions ?
Ce Journal, destiné dans son origine à recueillir les prémices des Muses naissantes, à offrir aux yeux de la Nation les premiers germes des talens capables de flatter ses espérances, à former un mélange intéressant des traits de délicatesse, d’agrément, de force & de sensibilité qu’a produits l’imagination Françoise ; à rendre compte de ce que les Sciences & les Beaux-Arts enfantent tous les jours ; à encourager les Artistes par de justes éloges, ou à les éclairer par des critiques lumineuses : ce Journal borne à présent tout son mérite à des Logogryphes dignes du seizieme siecle, à des Contes d’une froideur qui glace l’esprit, ou d’une extravagance qui égare le sentiment & corrompt le goût ; à des analyses infidelles ou partiales, qui contredisent ouvertement les regles de la Littérature ou celles de la décence ; & à quelques nouvelles politiques rédigées avec une sécheresse qui ôte tout le piquant de la nouveauté.
Nous ne prétendons pas imputer à M. Panckoucke ces défauts dont il sera la premiere victime, puisque le décri de ce Journal ne peut qu’entraîner la diminution des Souscripteurs. Mais ne devroit-il pas réprimer ses Gagistes, & exclure les plumes foibles ou téméraires ? Ne devroit-il pas leur défendre, en vertu de son autorité pécuniaire, de persister nos bons Ecrivains, pour applaudir aux corrupteurs du goût ; de recourir aux injures, aux mensonges, à la mauvaise foi, pour décrier les Auteurs qui écrivent contre les Philosophes, ou qui ne pensent pas comme eux ? Par exemple, avec quelle infidélité coupable ses stipendiaires n’ont-ils pas rendu compte de la Sentence du Châtelet, qui a terminé mon procès avec M. l’Abbé Baudouin, Principal du Collége du Cardinal le Moine ? On a vu, par la publicité que je lui ai donnée, qu’elle nous enjoint d’être plus circonspects ; de nous reconnoître l’un & l’autre pour gens d’honneur, qu’un zele aveugle d’un côté, & un amour-propre d’Auteur de l’autre, a écartés du vrai ; qu’elle nous fait défense à tous deux de récidiver ; qu’elle supprime les écrits respectifs qui avoient donné lieu à la plainte de mon Adversaire & à la mienne ; & que, sur le surplus, elle nous met hors de Cour & de procès. Le Rédacteur de l’article en question n’a pas craint, malgré cela, d’altérer le dispositif de cette Sentence, & de la tourner tout à l’avantage de ma Partie adverse, par la raison qu’elle n’a pas donné lieu, comme moi, à la haine philosophique.
C’est en réformant ces abus, que M. Panckoucke pourra prévenir les murmures des Gens de Lettres, donner de la vogue au Mercure, & réunir à l’estime qu’on doit à ses lumieres économiques & littéraires, l’avantage de contribuer, sans aucun reproche, à l’amusement & à l’utilité du Public.