IRAIL, [Augustin-Simon] Prieur de S. Vincent-les-Moissac, né au Puy en Velay en 1719. Il est connu dans la République des Lettres par un Ouvrage qui a excité de justes murmures : cet Ouvrage a pour titre : Querelles littéraires, & pour épigraphe, le Tantæ ne animis cœlestibus ira ! On y trouve l’Histoire▶ des démêlés des Ecrivains les plus célebres, anciens & modernes ; il est assez bien écrit, & contient un grand nombre d’anecdotes singulieres, propres à le rendre amusant ; mais la vérité, la justice & le bon goût y sont presque toujours sacrifiés à M. de Voltaire, dont M. l’Abbé Iraïl a élevé un des petits neveux. Le Lecteur même un peu éclairé n’y peut méconnoître, en plusieurs endroits, la touche & les idées de l’Historien du Siecle de Louis XIV : c’est sa maniere d’écrire, sa tournure d’esprit, sa façon de penser ; ce qui a fait dire à quelques personnes, qu’il avoit eu grande part à cet Ouvrage. Quoi qu’il en soit, le style n’en est pas toujours soutenu ; tous les faits n’en sont pas exacts, ni les jugemens équitables. On diroit que le but de l’Auteur est de justifier M. de Voltaire de tous les torts qu’on lui reproche à l’égard des Gens de Lettres qu’il a si cruellement outragés, & de le placer au dessus de tous les Ecrivains ses prédécesseurs, dans les différens genres de Littérature qui ont exercé sa plume.
Sans cela, M. l’Abbé Iraïl auroit-il dit, en parlant de Racine, qu’il place au dessus du sublime Corneille : Heureux s’il eût été aussi grand Philosophe qu’il étoit grand Poëte ! On ne voit pas ce qu’auroit pu ajouter au mérite de Racine cette bien heureuse Philosophie, que le bon M. Iraïl prend la peine de lui souhaiter, sans s’appercevoir qu’il avoit la véritable, celle du cœur. C’étoit, sans doute, pour réserver à M. de Voltaire un degré de prééminence sur l’Auteur de Phédre, d’Athalie, de Britannicus, &c. Il ignoroit vraisemblablement qu’il faudroit une grande dose de philosophie, pour équivaloir au mérite de ces chef-d’œuvres.
Auroit-il dit encore que les Oraisons funebres de Bossuet, & son Discours sur l’◀Histoire▶ universelle, sont les seuls de ses Ouvrages qui méritent l’immortalité, s’il n’eût eu intention, à l’exemple de son Mécène, de déprimer tout ce qui éleve les Ouvrages de controverse de ce Prélat, au dessus des misérables rapsodies qu’on a débitées contre la Religion ?
Auroit-il accusé M. de Fénélon d’avoir fait des Vers galans dans le goût de ceux de Quinault, si son souffleur ne lui eût suggéré cette ridicule anecdore, démentie si formellement par le neveu de ce Grand Homme, & par l’Abbé de Laville ?
Auroit-il ajouté, en parlant de ce vertueux Archevêque, & de M. Bossuet, qu’ils avoient une façon de penser toute philosophique, & que s’ils étoient nés à Londres, ils auroient donné l’essor à leur génie, & déployé leurs principes, que personne n’a bien connus, s’il n’avoit voulu grossir la Liste philosophique de deux noms, qui en seront toujours le fléau ?
Auroit-il été assez injuste à l’égard de Boileau, pour avancer qu’on ne peut lui refuser toutes les parties d’un grand Poëte, excepté l’invention, si le Lutrin, qui est tout invention, n’étoit un meilleur Poëme* que la Henriade ?
Auroit-il eu enfin la simplicité d’assurer, qu’il n’est rien sorti des mains de M. de Voltaire, qui ne respire l’amour du vrai, si l’Auteur de l’◀Histoire▶ générale, du Siecle de Louis XIV, du Siecle de Louis XV, & de cent autres ◀Histoires, n’eût dirigé sa plume, ou plutôt ne l’eût aveuglé sur la sottise qu’il avançoit ?
Nous ne relevons pas mille autres mensonges répandus dans cet Ouvrage, & surtout dans les articles qui regardent les démêlés de M. de Voltaire avec J. B. Rousseau, l’Abbé Desfontaines, M. de Maupertuis, &c. que nous avons traités d’une maniere plus conforme à la vérité, dans le Tableau philosophique de l’Esprit de M. de Voltaire. Nous nous contentons d’avertir le Lecteur du cas qu’on doit faire de ces Auteurs prétendus impartiaux, qui ne s’occupent jamais que de ceux pour qui ils écrivent, sans réfléchir sur ce qu’ils écrivent.