Vertot-d'Aubœuf, [René. Aubert de] Abbé, de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres, né en Normandie en 1655, mort à Paris en 1735.
Peu d'Historiens, dans toutes les Langues, ont possédé plus éminemment l'art d'attacher le Lecteur, de captiver son esprit, & de l'intéresser à son sujet. L'Histoire▶ des Révolutions de Portugal a une marche presque épique, & seroit un vrai chef-d'œuvre, si l'Auteur eût été plus difficile dans le choix des Mémoires sur lesquels il a travaillé. Celle des Révolutions de Suede * n'est pas à l'abri du même reproche. Le meilleur Ouvrage de l'Abbé de Vertot est, sans contredit, l'◀Histoire▶ des Révolutions Romaines ; le style en est noble, élégant ; la narration rapide, & pleine de chaleur ; les portraits en sont intéressans, quoique tracés, la plupart, d'imagination ; les réflexions, naturelles, mais peu profondes.
Il paroît que le génie de cet Ecrivain avoit besoin d'être ému par des événemens extraordinaires ; c'est pourquoi il n'est vraiment supérieur, que lorsqu'il traite les changemens subits arrivés dans les Gouvernemens. Son ◀Histoire▶ de Malthe, quoiqu'abondante en rapports avec ses objets favoris, n'a plus la même vigueur ni le même intérêt, dès qu'il est question d'entrer dans les détails ordinaires. La négligence du style, en plusieurs endroits, fait assez sentir que son Auteur n'étoit pas fait pour les Ouvrages de longue haleine.
On se souvient de cette Anecdote, qui prouve si fort combien l'Abbé de Vertot étoit peu scrupuleux sur la vérité des circonstances, quand la fiction pouvoit contribuer à l'agrément de son style. On lui avoit promis des Mémoires sur un Siége qu'il avoit à décrire ; on tarda à les lui envoyer : Je n'en ai plus besoin , dit-il quand on les lui apporta, mon Siége est fait.