(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schuré, Édouard (1841-1929) »
/ 3428
(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schuré, Édouard (1841-1929) »

Schuré, Édouard (1841-1929)

[Bibliographie]

Histoire du lied en Allemagne (1868). — L’Alsace (1871). — Le Drame musical (1875). — Les Chants de la montagne (1877). — Mélidona (1879). — La Légende de l’Alsace, vers (1884). — Les Grands Initiés (1889). — Vercingétorix, 5 actes, en vers (1887). — La Vie mystique, vers (1894). — L’Ange et la Sphynge (1896) : — Sanctuaires d’Orient (1898).

OPINIONS.

Remy de Gourmont

Il a plu à M. Schuré de mettre en vers ses impressions et ses rêveries religieuses, que son plaisir soit respecté. Le sujet qu’il a choisi « prête à la poésie » et, en effet, il y a de la poésie dans ce tome, de la plus haute, de la plus mystérieuse, — mais la forme en est impersonnelle. C’est de la versification souvent heureuse, pleine, harmonieuse, mais qui manque de relief, de vie originale. Une connaissance sûre des mythes anciens, des idées, de l’enthousiasme, de l’éloquence : tels, je pense, les mérites de cette Vie mystique, œuvre d’un philosophe, sinon d’un poète.

[Mercure de France (juillet ).]

Henry Bérenger

Visiblement, le symbolisme légendaire où atteignit Wagner dans ses plus belles œuvres a été l’atmosphère génératrice du symbolisme historique réalisé par Schuré dans son Théâtre de l’âme. Édouard Schuré a fait sur l’histoire un travail de sublimation analogue à celui que Richard Wagner avait fait sur la légende. De même que « Richard Wagner n’est pas entré dans la légende en savant ou en curieux, mais en créateur », de même que Richard Wagner, « rejetant les aventures sans fin et tous les accessoires du roman, se place du premier bond au centre même du mythe et de ce point générateur recrée de fond en comble les caractères et l’organisme de son drame », de même enfin « qu’en restituant au mythe sa grandeur primitive, son coloris original, il sait y approprier les passions et les sentiments qui sont les nôtres, parce qu’ils sont éternels, et subordonner le tout à une idée philosophique », — de même Édouard Schuré dégage d’une époque historique ses éléments essentiels, lui recrée une émouvante jeunesse, et la fixe en cet état dans l’imagination humaine. Et si, dans cette résurrection créatrice par le symbole, Édouard Schuré s’avance plus loin que Richard Wagner, s’il invente des personnages-types alors que Richard Wagner transfigure seulement les types légendaires, c’est que la légende se prête plus directement que l’histoire au symbolisme. « Dans l’histoire, en effet, rien ne s’achève, rien n’est complet. L’homme, bon ou mauvais, y agit rarement selon sa vraie nature ; mille liens l’étouffent, mille hasards l’éparpillent. Dans le mythe, au contraire, de grands types se dessinent en traits plastiques, leurs actions glorifient l’essence de l’humanité, et les vérités profondes reluisent à travers le merveilleux comme sous un voile étincelant de lumière. » Pour extraire de l’histoire le même diamant que de la légende, pour en dégager « l’essence de l’humanité », il faut donc des alambics plus puissants, un foyer plus concentré, une transmutation plus énergique…

Il n’y a donc pas lien de confondre le symbolisme historique du Théâtre de l’âme avec le symbolisme légendaire du drame wagnérien. L’un et l’autre ont leur empire, leur raison, leur beauté. Ce sont des frères qui se complètent sans se confondre. Et si l’un est venu après l’autre, il ne lui ressemble que pour s’en mieux distinguer.

[La Revue d’art dramatique (juin ).]