Chapitre I.
Des Livres qui traitent de la Chronologie & de la maniere d’écrire l’Histoire▶.
LE moyen de ne rien sçavoir en Chronologie, ce seroit de lire tout ce qu’on a écrit sur ce sujet si important & si embrouillé. Cette science est l’œil de l’◀Histoire▶ ; mais cet œil est assez trouble dans les fatras chronologiques qu’on a publiés avant le milieu du dernier siécle. Ce fut alors que le P. Petau fit imprimer son Rationarium temporum, traduit en françois par l’Abbé de Maucroix.
Nous avons eu ensuite les Tablettes de Marcel, qui sont inexactes & mal digérées, & celles de l’Abbé du Fresney, qui, quoiqu’elles laissent désirer quelque chose quant à la méthode sont d’un grand secours pour tous les gens de Lettres. On en a donné une édition 2. vol. in-8°. en 1763., qui contiennent les époques de l’◀Histoire▶ sacrée & profane, ecclésiastique & civile jusqu’à cette année. A la tête du premier volume, est un précis de la Méthode pour étudier l’◀Histoire▶. Cette méthode imprimée en 12. vol. in-12. est un autre ouvrage du même auteur, dans lequel on trouve bien des singularités & des choses piquantes sur divers Historiens. Il est recherché, ainsi que ses Tablettes ; mais on auroit pu leur donner un meilleur ordre & réformer le style trop souvent incorrect & louche.
On sera satisfait à cet égard en lisant l’Art de vérifier les dattes, que de savans Bénédictins ont fait imprimer ou plûtôt réimprimer en 1770. in-fol. Ce livre est d’un format moins commode que celui de l’Abbé Lenglet ; mais il lui est infiniment supérieur par l’exactitude & l’abondance des recherches. Ceux qui veulent diriger leurs lectures avec fruit, ont tout ce qu’il leur faut dans ce savant ouvrage.
L’Art de vérifier les dattes est d’un prix qui effraie les lecteurs peu accommodés des biens de la fortune. Ils pourront se contenter du Chronologiste manuel, petit ouvrage où l’on a en substance ce qu’il y a de plus utile dans les Tables de l’Abbé Lenglet & dans celles des Bénédictions. Mais il faut donner la préférence à l’édition de Paris 1770., chez le Jai, rue St. Jacques.
Quand on aura pris une teinture de Chronologie, il faut avoir une idée de la maniere d’étudier & d’écrire l’◀Histoire▶. Il n’y a rien parmi les anciens que l’on puisse comparer à Lucien qui nous a laissé sur ce sujet intéressant un petit traité, qu’on trouve dans ses œuvres, de la traduction d’Ablancourt.
Deux Auteurs modernes ont eu la gloire de lutter avec Lucien. Le premier est le P. Rapin, Jésuite, dont les Instructions sur l’◀Histoire▶ mériteroient des éloges sans restriction, s’il n’avoit été trop prévenu pour plusieurs Historiens infidéles, sortis de sa société. Le second est l’Abbé de St. Real, dont le traité de l’Usage de l’◀Histoire▶ est rempli des réfléxions les plus utiles & des préceptes les plus sages. Vous trouverez ces deux ouvrages dans le recueil des écrits de leurs ingénieux auteurs.
Un livre qui a rapport au même sujet est le Traité du P. Griffet, Jésuite, sur les différentes sortes de preuves qui servent à établir la vérité de l’◀Histoire▶, à Liége 1770. in-12. Ce que Lucien & Rapin ont dit de plus utile & de plus important sur la meilleure maniere d’écrire l’◀Histoire, est reproduit dans ce livre curieux à bien des égards. Aux préceptes, l’auteur a ajouté des observations sur plusieurs historiens célébres, dont il releve les erreurs & les méprises avec autant d’érudition que de sagacité. On ne sçauroit trop en recommander la lecture, sur-tout aux partisans fanatiques de certains auteurs modernes, qui se sont permis dans le genre historique autant de liberté que s’ils avoient fait un poëme épique.