(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 249-251
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 249-251

Beausobre, [Isaac de] né à Niort en 1659, mort à Berlin en 1738, où il s’étoit réfugié.

L’Histoire du Manichéisme fait honneur à sa plume & à son érudition ; la complaisance avec laquelle il expose cette hérésie, les réflexions qu’il joint à ses récits, n’en font pas autant à son jugement & à sa foi. L’Histoire des Vaudois & celle des Albigeois offrent les mêmes défauts & les mêmes agrémens.

Dans les Ouvrages de pure éloquence, M. de Beausobre peut être regardé, après Saurin, comme le meilleur Orateur de la Secte Protestante. Les Philosophes qui lui ont prodigué de si grands éloges, n’ont pas fait attention que, s’il paroît se prêter à quelques-unes de leurs idées dans ses Ouvrages historiques, il annonce des maximes bien opposées dans ses Sermons, où la Religion est présentée dans toute sa pureté, dès qu’il ne s’agit que de morale. L’Oraison funebre de Jean-George II, Prince Danhalt-Dessau, offre le portrait d’un Prince Chrétien, bien supérieur à ce vain étalage de vertus équivoques & fragiles, que la Philosophie moderne préconise si fort dans les Princes qu’elle regarde comme ses disciples…. « Un Souverain, dit-il, n’est pas un homme ordinaire, ni le Trône où il est élevé, la seule distinction qui le sépare de ses Sujets. C’est un homme que la Providence met au dessus des autres, mais qui doit s’y mettre lui-même par son mérite ; qui, chargé du plus grand & du plus difficile de tous les emplois, doit avoir ces qualités éminentes qui sont nécessaires pour régner sur les autres, pour soutenir le poids d’une grande autorité & d’une grande fortune, pour régler l’usage d’un pouvoir indépendant, & pour trouver dans sa propre vertu une loi sévere & impérieuse qui regle ses désirs & ses actions. C’est un homme libéral dans l’abondance, magnanime dans les dangers, modeste dans les honneurs, tempérant au milieu du luxe & des plaisirs, grave sans être trop sévere, prudent sans artifice, humain sans foiblesse, d’une élévation tempérée par la douceur & l’honnêteté, juste, sage, vaillant, laborieux, actif, ennemi de l’impiété, protecteur de la Religion, jaloux du maintien des mœurs ; &, pour tout dire en un mot, un homme qui, étant le premier Ministre de Dieu, doit plus approcher que tous les autres hommes de ses perfections infinies, & exerçant son autorité, l’exercer comme lui ».

Le tableau qu’il trace de la piété de son Héros, nous a paru réunir la plus grande noblesse à la plus grande simplicité. Il le termine par ces paroles si frappantes. « Il considere ce progrès insensible, mais si rapide de la vie vers sa fin, la mort toujours prochaine, ou plutôt toujours présente, le tombeau, la cendre, le tribunal de son Juge, les peines & la gloire de l’Eternité ; il attache sa vue sur ces dernieres fins de l’homme, si propres à régler sa course, &, prosterné chaque jour devant Dieu, il lui demande la grace de bien vivre, pour avoir celle de bien mourir ; sacré soin, précieuse solitude, sceau de Dieu dans les ames prédestinées, vigilance nécessaire, mais rare dans tous les hommes, plus rare dans les Grands, & plus nécessaire encore aux Grands qu’aux autres hommes ».