Beausobre, [Isaac de] né à Niort en 1659, mort à Berlin en 1738, où il s’étoit réfugié.
L’Histoire▶ du Manichéisme fait honneur à sa plume & à son érudition ; la complaisance avec laquelle il expose cette hérésie, les réflexions qu’il joint à ses récits, n’en font pas autant à son jugement & à sa foi. L’◀Histoire des Vaudois & celle des Albigeois offrent les mêmes défauts & les mêmes agrémens.
Dans les Ouvrages de pure éloquence, M. de Beausobre
peut être regardé, après Saurin, comme le meilleur
Orateur de la Secte Protestante. Les Philosophes qui
lui ont prodigué de si grands éloges, n’ont pas fait
attention que, s’il paroît se prêter à quelques-unes de leurs idées dans
ses Ouvrages historiques, il annonce des maximes bien opposées dans ses
Sermons, où la Religion est présentée dans toute sa pureté, dès qu’il ne
s’agit que de morale. L’Oraison funebre de
Jean-George II, Prince Danhalt-Dessau, offre le portrait
d’un Prince Chrétien, bien supérieur à ce vain étalage de vertus
équivoques & fragiles, que la Philosophie moderne préconise si fort
dans les Princes qu’elle regarde comme ses disciples…. « Un
Souverain, dit-il, n’est pas un homme ordinaire, ni le Trône où il
est élevé, la seule distinction qui le sépare de ses Sujets. C’est
un homme que la Providence met au dessus des autres, mais qui doit
s’y mettre lui-même par son mérite ; qui, chargé du plus grand
& du plus difficile de tous les emplois, doit avoir ces qualités
éminentes qui sont nécessaires pour régner sur les autres, pour
soutenir le poids d’une grande
autorité
& d’une grande fortune, pour régler l’usage d’un pouvoir
indépendant, & pour trouver dans sa propre vertu une loi sévere
& impérieuse qui regle ses désirs & ses actions. C’est un
homme libéral dans l’abondance, magnanime dans les dangers, modeste
dans les honneurs, tempérant au milieu du luxe & des plaisirs,
grave sans être trop sévere, prudent sans artifice, humain sans
foiblesse, d’une élévation tempérée par la douceur &
l’honnêteté, juste, sage, vaillant, laborieux, actif, ennemi de
l’impiété, protecteur de la Religion, jaloux du maintien des
mœurs ; &, pour tout dire en un mot, un homme qui, étant le
premier Ministre de Dieu, doit plus approcher que tous les autres
hommes de ses perfections infinies, & exerçant son autorité,
l’exercer comme lui »
.
Le tableau qu’il trace de la piété de son Héros, nous a paru réunir la
plus grande noblesse à la plus grande simplicité. Il le termine par ces
paroles si frappantes.
« Il considere
ce progrès insensible, mais si rapide de la vie vers sa fin, la mort
toujours prochaine, ou plutôt toujours présente, le tombeau, la
cendre, le tribunal de son Juge, les peines & la gloire de
l’Eternité ; il attache sa vue sur ces dernieres fins de
l’homme, si propres à régler sa course, &, prosterné chaque jour
devant Dieu, il lui demande la grace de bien vivre, pour avoir celle
de bien mourir ; sacré soin, précieuse solitude, sceau de Dieu
dans les ames prédestinées, vigilance nécessaire, mais rare dans
tous les hommes, plus rare dans les Grands, & plus nécessaire
encore aux Grands qu’aux autres hommes »
.