La Grenée
Il y a d’un La Grenée une Assomption ; Venus aux forges de Lemnos demandant à Vulcain des armes pour son fils ; un Enlèvement de Cephale par l’Aurore, un Jugement de Paris, un Satyre qui s’amuse du sifflet de Pan et quelques petits tableaux, car les précédents sont grands.
Si j’avais eu à peindre la descente de Venus dans les forges de Lemnos, on aurait vu les forges en feu sous des masses de roches ; Vulcain debout, devant son enclume, les mains appuyées sur son marteau ; la déesse toute nue lui passant la main sous le menton ; ici le travail des Ciclopes suspendu ; quelques-uns regardant leur maître que sa femme séduit, et souriant ironiquement ; d’autres cependant auraient fait étinceler le fer embrasé. Les étincelles dispersées sous les coups auraient écarté les Amours ; dans un coin ces enfants turbulents auraient mis en désordre l’atelier du forgeron ; et qui aurait empêché qu’un des Ciclopes n’en eût saisi un par les ailes pour le baiser ? Le sujet était de poésie et d’imagination, et j’aurais tâché d’en montrer. Au lieu de cela, c’est une grande toile nue, où quelques figures▶ oisives et muettes se perdent. On ne regarde ni Vulcain, ni la déesse. Je ne sais s’il y a des Ciclopes. La seule ◀figure qu’on remarque, c’est un homme placé sur le devant qui soulève une poutre ferrée par le bout.
Et ce Jugement de Paris ? Que vous en dirai-je ? Il semble que le lieu de la scène devait être un paysage écarté, silencieux, désert, mais riche ; que la beauté des déesses devait tenir le spectateur et le juge incertains ; qu’on ne pouvait rencontrer le vrai caractère de Paris que par un coup de génie. M. de La Grenée n’y a pas vu tant de difficulté. Il était bien loin de soupçonner l’effet sublime du lieu de la scène. Son Jeune Satyre qui s’amuse du sifflet de Pan a plus de gorge qu’une jeune fille. Le reste, c’est de la couleur, de la toile et du temps perdus.