1. Sabatier, [N.ABCD] Professeur d'Eloquence au Collége de Tournon, né à Cavaillon en 1734.
Les Journaux ont parlé très-avantageusement de ses Poésies, dont le Recueil parut il y a quelques années : on a laissé dire les Journalistes, & la très-grande dose d'encens que l'Auteur du Mercure*, entre autres, leur avoir prodiguée, n'a pas aveuglé les Connoisseurs sur la médiocrité de ces Poésies. Dans le fond, rien de plus froid, de plus sec, de plus décharné, de plus amphigourique, que la Muse de M. Sabatier de Cavaillon. Ses Odes sur-tout, qui forment la principale partie de son Recueil, ne sont, pour la plupart, qu'un amas de grands mots, vides de pensées & de raison. Ce n'est pas ainsi que s'énonce l'enthousiasme ; son désordre est lumineux, ses écarts sont sublimes, sa chaleur pénétrante. Le Poëte dont nous parlons a cependant entrepris de le célébrer. Qu'on lise l'Ode qu'il a composée sur ce sujet, & qui passe pour son chef-d'œuvre : on verra que ce n'est qu'une déclamation vague, un tissu de phrases détachées, d'expressions boursoufflées, qui ne disent rien, fumum ex fulgore, non ex fumo dare lucem, cogitat.
Les Epîtres du Professeur de Tournon sont moins mauvaises, &, par une méprise singuliere, moins vantées que ses Odes. Si la verification n'en est pas continuement agréable, si le style est quelquefois emphatique, les principes en sont du moins conformes à la raison & au bon goût.
Sa Prose est plus intéressante que ses Vers. Il a principalement un Discours à la tête de son Recueil, dont les Gens éclairés doivent faire cas. Ce Discours est rempli d'excellentes observations ; il annonce la connoissance, l'amour des regles, & une littérature infiniment plus saine que celle de tant de prétendus Législateurs, qui n'ont pas craint de donner leurs conceptions chimériques pour des préceptes sûrs & des moyens de succès.