POULE, [Louis] Abbé de Notre-Dame de Nogent, Prédicateur du Roi né à Avignon en 1711.
Ce nom rappelle un des Orateurs de notre Siecle qui ont couru avec le plus d’éclat la carriere des Bourdaloue & des Massillon. Mais ses Sermons, qu’on vient de publier en deux volumes in-12, sont bien loin de justifier & la brillante réputation qu’ils lui ont faite dans le débit, & les éloges que leur ont prodigués les Journalistes depuis qu’ils sont imprimés. Nous conviendrons cependant qu’ils ne sont pas sans mérite ; ils annoncent une étude réfléchie de l’Ecriture & des Peres, la connoissance des hommes & des mœurs nationales, sur-tout le talent de s’exprimer avec autant de correction que de noblesse & de facilité ; nous ajouterons qu’ils ne sont pas défigurés par ces raisonnemens subtils ou entortillés, ces idées bizarres ou communes, ces tours pénibles, ces expressions▶ recherchées, qui caractérisent la plupart des Prédicateurs modernes : mais il faut avouer aussi que ce n’est point assez pour soutenir la réputation glorieuse qu’ils lui avoient acquise dans la Chaire. Plus ambitieuse de plaire à l’esprit que de toucher le cœur, son éloquence est plutôt celle d’un Ecrivain moraliste & poli, que d’un Orateur Chrétien, pénétré des vérités qu’il prêche, & doué du talent d’en pénétrer les autres. Le but du Prédicateur est de persuader, c’est-à-dire, de faire passer dans l’ame de ceux qui l’écoutent ou qui le lisent, les sentimens qu’il a intérêt de leur communiquer. Pour y parvenir, il doit plaire, il doit prouver, il doit toucher ; car il ne peut rien obtenir de l’Auditeur ou du Lecteur, que par l’art de s’attirer sa bienveillance par la force des raisons, & par le trouble où il le jette : le dernier point, le plus difficile sans doute, mais le plus infaillible, & sans lequel il n’y a point de véritable éloquence évangélique, est précisément celui qui nous paroît manquer à M. l’Abbé Poule. Cet Orateur prouve assez bien les vérités qu’il avance, ses raisonnemens sont assez suivis, ses pensées assez souvent lumineuses & toujours assez bien exprimées ; mais il ne touche, il ne remue, il n’est vraiment éloquent que par intervalles, & les intervalles sont très-longs, si ce n’est dans le Discours sur l’aumône, où il se montre souvent sensible & pathétique, toujours noble & quelquefois sublime. Dans ses autres Discours, il parle rarement au cœur ; jamais ou presque jamais de ces ◀expressions vigoureuses, de ces images frappantes, de ces traits hardis qui supposent une ame fortement pénétrée de son sujet, & capable de maîtriser les autres ames Il a paru trop oublier que les hommes déferent moins à la raison qu’à leurs passions ; que ce n’est qu’en agitant leur cœur, qu’on parvient à les dominer ; que l’homme éloquent n’est pas celui qui raisonne avec justesse, mais celui qui rend avec énergie ce qu’il sent avec vivacité ; celui qui nous échauffe par la chaleur du sentiment & de l’imagination, non celui qui nous instruit & nous éclaire par la lumiere & la vérité de ses raisonnemens. D’ailleurs, le style de M. l’Abbé Poule n’est pas assez oratoire ; il est vif, mais trop haché, trop décousu ; ses périodes sont presque toujours coupées de la même maniere, ce qui rend la lecture de ses Sermons monotone & même fatigante.
Au reste, si nous jugeons cet Orateur avec sévérité, c’est pour préserver de ses défauts M. l’Abbé Boulogne, un des ses Eleves & son Compatriote, qui semble l’avoir pris pour modele dans sa composition, & dont les talens, mieux dirigés, nous paroissent propres à le surpasser. Voyez l’art. Boulogne.