(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869)

[Bibliographie]

Tableau de la poésie française au xvie  siècle, et Œuvres choisies de Ronsard avec notices, notes et commentaires (1828). — Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme (1829). — Les Consolations (1830). — Volupté, roman (1834). — Pensées d’août (1837). — Poésies complètes (1840). — Portraits littéraires (1839, 1841, 1844). — Histoire de Port-Royal (1840-1862). — Portraits de femme (1844). — Portraits contemporains (1846). — Causeries du lundi (1851-1857). — Étude sur Virgile (Paris, 1857). — Nouveaux lundis (Paris, 1863).

OPINIONS.

Victor Hugo

Poète, dans ce siècle où la poésie est si haute, si puissante et si féconde, entre la messénienne épique et l’élégie lyrique, entre Casimir Delavigne qui est si noble et Lamartine qui est si grand, vous avez su, dans le demi-jour, découvrir un sentier qui est le vôtre et créer une élégie qui est vous-même. Vous avez donné à certains épanchements de l’âme un accent nouveau.

[Réponse au discours de réception de M. Sainte-Beuve à l’Académie (27 février ).]

Auguste Desplaces

M. Sainte-Beuve est, à vrai dire, un Protée en poésie. La lune a moins de phases que sa pensée. Le signalement que vous aurez donné de lui à propos de Joseph Delorme ne s’appliquera plus à l’auteur des Consolations , et moins encore à celui des Pensées d’août. Nul n’a besoin de commentateurs pour reconnaître que ces trois faces d’un même talent sont des transformations successives, que ces trois fruits d’un même rameau sont d’une saveur et d’une valeur différentes.

[Galerie des poètes vivants ().]

Alphonse de Lamartine

On a raillé ses Consolations, poésies un peu étranges, mais les plus pénétrantes qui aient été écrites en français depuis qu’on pleure en France. Quant à moi, je ne puis les relire sans attendrissement. Attendrir n’est-ce pas plus qu’éblouir ? Si Werther avait écrit un poème la veille de sa mort, ce serait certainement celui-là. C’est la poésie de la maladie ; hélas ! la maladie n’est-elle pas un état de l’âme pour lequel Dieu devait créer sa poésie et sen poète ? Sainte-Beuve fut ce poète de la nostalgie de l’âme sur la terre. Que les bien portants le raillent ; quant à moi, je suis malade et je le relis. Depuis, il a laissé les vers ; il a donné à la prose des inflexions, des contours, des inattendus d’expression, des finesses et des souplesses qui rendent son style semblable à des chuchotements inarticulés entre des êtres dont la langue seule serait le tact. Il a écrit à la loupe, il a rendu visibles des mondes sur un brin d’herbe, il a miniaturé le cœur humain ; il a été le Rembrandt des demi-jours et des demi-nuances, li a efféminé le style à force d’analyser la sensation.

[Cours familier de littérature (-1868).]

Jules Barbey d’Aurevilly

Certes, c’est un homme d’esprit, et même c’est ce que j’en puis dire de mieux. Je m’obstine à soutenir qu’il a eu un jour du génie — du génie, malade, il est vrai — dans Joseph Delorme, mais il n’a recommencé jamais. Depuis ce jour, unique dans sa vie, il a eu beaucoup de talent, noyé dans un bavardage inondant, car il a dans la plume ce prurit albumineux que M. Thiers a sur la langue… M. Sainte-Beuve aime cette Sainte-Périne de professeurs qu’on appelle l’Académie, et il y va tous les jours de séance, pour y pédantiser un peu… et pour y chercher provision de commérages et de petits scandales qu’il saura distiller plus tard.

[Les Œuvres et les Hommes : les Poètes ().]

Armand de Pontmartin

Sa laideur l’a rendu méchant, son insuffisance comme poète l’a jeté dans la critique et ses passions réactionnaires contre 48 l’ont fait sénateur.

[Nouveaux samedis (1865-).]

Philarète Chasles

Pour l’étude complexe des variétés de l’humanité, M. Sainte-Beuve aujourd’hui n’a pas d’égal. Il est de l’école de Montaigne, Shakespeare, Tacite, Saint-Simon ; école longtemps négligée et redoutée en France… De Mme Roland à la princesse des Ursins, de Ronsard au pauvre Conrard, de Catinat à M. de Broglie, de Chapelain à Shakespeare, notre homme, avec une facilité prodigieuse, fait glisser le courant de sa lumière électrique. Il quitte Baïf, revient à Mme Swetchine, se repose avec Théophile Gautier, caresse l’antiquité, coquette avec la nouveauté, effleure tout, illumine tout, ne se contredit jamais, se modifie sans cesse, fait étinceler les points saillants, arrive aux profondeurs, ne s’y attarde pas, et ne s’arrête que si un scrupule de millésime ou une erreur de nom propre le met en désarroi.

[Mémoires, II (.).]

Édouard Fournier

C’est moins par un essor d’inspiration que par un effort de volonté que celui-ci fut poète. L’esprit critique le dominait trop pour qu’il eût sincèrement le génie que la Poésie exige. Chez lui, quoi qu’il ait fait, et quoi qu’il ait dit, — car pour aucun de ses ouvrages il ne montra une susceptibilité plus chatouilleuse que pour ses ouvrages en vers, — ce ne fut que chose d’imitation et « voulue ».

[Souvenirs poétiques de l’école romantique ().]

Théodore de Banville

Ce poète qui, quand il était jeune, n’a pu obtenir rien de ce qu’il désirait, si ce n’est le don d’écrire de beaux vers, a tout obtenu dans son âge mûr ; popularité, gloire, honneurs et même la beauté, car le succès, le contentement intérieur, la joie du devoir accompli ont éclairé sa tête naguère souffrante, poli l’ivoire de ses joues, allumé son regard et rendu ses lèvres aussi spirituelles, ses fiers sourcils — qui, très victorieusement, le dispensent de toute chevelure — aussi beaux que ceux de Boileau. D’ailleurs, dans le paradis des poètes, ce critique-poète qui a si bien connu, pénétré et peint de main de maître le xviie  siècle, n’aura-t-il pas le droit, si cela lui convient, de s’asseoir à côté de ses maîtres, et de porter, comme eux, pour achever d’ennoblir son nez tout moderne, la majestueuse perruque blonde à la Louis XIV ?

[Camées parisiens ().]