CONDILLAC, [Etienne Bonnot de] Abbé, de l’Académie Françoise & de celle de Berlin, né à Grenoble, mort à Paris en 1780.
S’il est vrai que la Métaphysique soit une espece d’anatomie du cœur & de l’esprit humain, cet Académicien peut être regardé comme le Physiologiste le plus profond & le plus lumineux. Dans son Essai sur l’origine des connoissances humaines, dans son Traité des Sensations, &c. les idées les plus abstraites, les principes les plus subtils, les nuances les plus délicates sont mises à la portée de tous les esprits. A la faveur des lumieres qu’il présente, le Lecteur attentif voit s’étendre devant lui la sphere de ses connoissances, sent éclore ses propres réflexions, & suit sans peine ce raisonneur élégant & facile dans le labyrïnthe où il le conduit sans effort. C’est ainsi qu’il faudroit savoir penser & écrire, quand on entreprend de développer les mysteres de l’esprit humain. Quel cas peut-on faire de ces Discoureurs énigmatiques, qui, semblables à Eole, n’assemblent que des nuages sur des objets qui auroient besoin de tous les rayons du soleil ? Appellera-t-on profondeur un galimatias inintelligible ? Et M. Diderot, qu’on n’a estimé quelque temps que parce qu’on ne le comprenoit pas, peut-il se flatter de figurer un jour à côté de M. l’Abbé de Condillac, si la Postérité est assez sage pour vouloir être éclairée autrement que par des énigmes ?