(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

Mikhaël, Éphraïm (1866-1890)

[Bibliographie]

L’Automne (1886). — La Fiancée de Corinthe, avec B. Lazare (1888). — Le Cor fleuri, féérie en un acte, en vers (1889). — Poésies, poèmes en prose (1890). — Briséis, avec Catulle Mendès (1897).

OPINIONS.

Teodor de Wyzewa

Éphraïm Mikhaël est respectueux des prosodies traditionnelles : il a pour M. Leconte de Lisle et pour tous nos maîtres une déférence louable. Ses vers sont même, si l’on veut, des musiques ; mais ces musiques ne sont pas sagement enchaînées pour former des symphonies totales et pour traduire des émotions définies. Ils me plaisent seulement comme les improvisations d’un pianiste.

[La Revue indépendante ().]

Edmond Pilon

Le Parnasse fut une école de forme, et, dans cette forme, Mikhaël eut la gloire de modeler une pensée nouvelle ; il eut la noble intuition d’en ôter toutes les images extérieures, de s’affranchir de toutes les mythologies et d’y couler, comme un bronze divin, l’émotion de son rêve, la poignante sensation de ses désirs et de ses espoirs.

[L’Ermitage ().]

Pierre Quillard

Écarter le voile d’ombre, rompre par des paroles de gloire le sépulcral silence où dort celui qui jugeait également futiles, en présence de l’éternité, l’ostentation de l’orgueil et la plainte lâche de l’ennui, quelle main l’oserait, et quelle voix profanatrice ?

Qu’il sommeille donc le poète dont la mémoire nous défend des félonies envers l’art et envers les hommes, et que nul ne révèle l’intime trésor de cette âme fière et douce, douloureuse de se sentir recluse en soi-même par un trop noble amour des êtres vivants, des lueurs et des frissons qui troublent d’inquiétudes passagères la terre et le ciel, et des immuables étoiles qu’il avait entrevues !

Du moins, nos voix pieuses ne tairont point leur ferveur pour le chant qui subsiste après les lèvres closes et les cordes de la lyre brisées. Par lui et de lui, hors des maternelles ténèbres qui gardent en leur sein la splendeur latente de tous les astres, intègre et neuve, une vierge immortelle est née.

Les couronnes et les guirlandes que nous avons suspendues aux portes de sa demeure taciturne se faneront avec nous, quand nous nous abîmerons à notre tour dans la grande nuit. Mais elle ne cessera point, dans les âges futurs, de retenir les hommes, charmés au crépuscule par son émouvante beauté, et qui pleureront avec elle que son chant, chaque soir, s’achève en un sanglot de deuil.

[L’Effort (avril ).]

Henri de Régnier

Sur un vers d’Éphraïm Mikhaël

Vers le marbre funèbre où ta cendre repose,
Ton ombre transparente et divine revient
Voir le sombre laurier survivre aux rouges roses
Dont la jeunesse ardente embauma ses deux mains.

La fleur fraîche a péri, mais la feuille éternelle
Verdoie, et tu souris, poète, et lu entends
Chanter, échos amis de ta voix fraternelle,
« Les joueurs de Syrinx épars dans le printemps ».
[L’Effort (avril ).]

Emmanuel Delbousquet

Il fut de ceux-là que la mort arrête en pleine conquête et qui tombent sans avoir connu leur gloire. Son nom demeure en quelques mémoires, gravé religieusement, mais aucun n’a songé, à la fin de cette période littéraire, à lui offrir une part des palmes cueillies le plus noblement. Il laissa pourtant une œuvre glorieuse, encore qu’inachevée, où puisèrent, trop impunément peut-être, puisqu’il n’était plus là pour la garder jalousement, ceux qui suivirent la trace altière de ses pas pour moissonner ses posthumes floraisons.

[L’Effort (avril ).]

Remy de Gourmont

Puisqu’il ne nous laissa que de trop brèves pages, l’œuvre seulement de quelques années ; puisqu’il est mort à l’âge où plus d’un beau génie dormait encore, parfum inconnu, dans le calice fermé de la fleur, Mikhaël ne devrait pas être jugé, mais seulement aimé… Parallèlement à ses poèmes, Mikhaël avait écrit des contes en prose ; ils tiennent dans le petit volume des Œuvres, juste autant, juste aussi peu de place que les vers… Il suffit d’avoir écrit ce peu de vers et ce peu de prose : la postérité n’en demanderait pas davantage, s’il y avait encore place pour les préférés des dieux dans le-musée que nous enrichissons vainement pour elle et que les barbares futurs n’auront peut-être jamais la curiosité d’ouvrir.

[Le Livre des masques, 2e série ().]

A. Van Bever

Il mourut brusquement le 5 mai 1890, laissant, outre des poèmes en prose et des notations publiés dans divers périodiques, un drame inédit. Briséis, écrit en collaboration avec M. Catulle Mendès.

Le premier acte de cette œuvre, mis en musique par Emmanuel Chabrier, fut interprété, pour la première fois, le dimanche 31 janvier 1897, aux Concerts Lamoureux. Par une singulière fatalité, M. Catulle Mendès seul put recueillir l’enthousiasme du public. Un souffle de mort avait fauché à son tour le musicien, et ce souvenir funèbre ajouta, semble-t-il, à l’émotion poignante du drame

Poète né au pays du soleil, Éphraïm Mikhaël a la mélancolie des hommes du Nord ; sa prescience de la mort obsède parfois. Quoique influencé par ceux du Parnasse agonisant, il apporta dans son art une pensée modelée sur une forme nouvelle, et celui qui fut couronné pour le poème Florimond au concours de l’Écho de Paris (décembre 1889) n’eût pas tardé — ses derniers vers en témoignent — à participer à l’œuvre originale de son temps.

[Poètes d’aujourd’hui ().]