Sabliere, [Antoine Rambouillet de la] Secrétaire du Roi, né à Paris en 1615, mort dans la même ville en 1680.
Ses Madrigaux sont si délicats, si naïfs, l'expression en est si aisée, si naturelle, qu'ils ont garanti son nom de l'oubli, & nous l'ont transmis avec éloge : tant il est vrai qu'il vaut beaucoup mieux ne s'attacher qu'à un seul genre, fût-il d'une classe inférieure, & y exceller, que de traiter un objet au dessus de ses forces, ou d'en traiter plusieurs avec des talens & des succès médiocres.
L'immortalité est, pour les Auteurs, une loterie où la valeur des billets est marquée par le prix des Ouvrages : tel, avec un seul billet, parvient à gagner un lot distingué, tandis que tel autre, avec plusieurs, n'en obtient aucun. Mais si Sapho, Anacréon, Catulle, Chapelle, Chaulieu, la Sabliere, se sont immortalisés par un petit nombre de Vers heureux, il seroit absurde de confondre leur gloire avec celle qui n'appartient qu'à ces Génies supérieurs qui ont excellé dans des genres plus élevés & plus difficiles.
On doit observer, pour l'intérêt de la vérité, que l'épouse de M. de la Sabliere n'a jamais composé aucun des Vers qu'on lui attribue, quoiqu'elle eût beaucoup d'esprit. Ceux qui ont fait imprimer sous son nom les Madrigaux de son mari, se sont mépris grossiérement*. Ces Madrigaux, adressés à des Cloris, à des Iris ingrates & cruelles, indiquent assez qu'elle n'en est pas l'Auteur. Lafontaine, qui lui a prodigué des éloges dans plusieurs de ses Fables, dans le beau Discours, entre autres, où il réfute le systême de Descartes sur l'ame des bêtes, ne l'a jamais louée sur le talent des Vers ; ce qu'il n'eût pas manqué de faire, si elle en avoit été douée. On sait qu'elle retira chez elle ce Pere de la Fable, & qu'elle eut le bonheur de posséder vingt ans dans sa maison, celui qu'elle appeloit si ingénieusement son Fablier.