(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 200-202
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 200-202

MALLEVILLE, [Claude de] né à Paris en 1597, mort en 1647, un des premiers reçus à l’Académie Françoise.

Nous ne dirons pas que ce fut, sans doute, la difficulté de trouver quarante Sujets, qui le fit admettre dans ce Corps ; Malleville pouvoit figurer parmi les Beaux-Esprits de son Siecle. Ses Poésies ont de la chaleur & de la vivacité ; l’expression en est souvent agréable & facile, les images en sont quelquefois brillantes, mais les métaphores presque toujours outrées. Son Sonnet sur la Belle Matineuse, fut préféré à tous ceux qu’on composa sur le même sujet.

Le silence régnoit sur la terre & sur l’onde,
L’air devenoit serein, & l’olympe vermeil ;
Et l’amoureux Zéphyr, affranchi du sommeil,
Ressuscitoit les fleurs d’une haleine féconde.
L’Aurore déployoit l’or de sa tresse blonde,
Et semoit de rubis le chemin du Soleil ;
Enfin ce Dieu venoit au plus grand appareil
Qu’il soit jamais venu pour éclairer le Monde.
Quand la jeune Philis, au visage riant,
Sortant de son Palais plus clair que l’Orient,
Fit voir une lumiere & plus vive & plus belle.
Sacré flambeau du jour, n’en soyez point jaloux,
Vous parûtes alors aussi peu devant elle
Que les feux de la nuit avoient fait devant vous.

On ignore communément ce qui a donné lieu à la manie de comparer à des Astres les Beautés à qui l’on veut prodiguer de l’encens. Quintus-Catulus, jeune Romain des derniers temps de la République, ayant rencontré sa Maîtresse au lever du Soleil, lui fit aussi-tôt un Quatrain, qui l’élevoit au dessus de l’Astre qui commençoit à paroître. On le traduisit en François du temps de Balzac & de Voiture, & l’on en trouva la pensée si jolie, que, depuis ce temps, le Soleil est devenu l’objet éternel des comparaisons galantes.

Malleville réussit encore mieux dans le Rondeau. Celui qu’il fit contre l’Abbé Boisrobert, Favori du Cardinal de Richelieu, prouve qu’il savoit badiner agréablement.

Coiffé d’un froc bien raffiné,
Et revêtu d’un Doyenné
Qui lui rapporte de quoi frire,
Frere René devient Messire ;
Il vit comme un déterminé.
Un Prélat riche & fortuné,
Sous un bonnet enluminé,
En est, s’il le faut ainsi dire,
Coiffé.
Ce n’est pas que frere René
D’aucun mérite soit orné,
Qu’il soit docte, qu’il sache écrire,
Ni qu’il dise le mot pour rire ;
Mais seulement c’est qu’il est né
Coiffé.

Ce mot né coiffé expliqueroit assez bien la petite fortune littéraire & civile de quelques merveilleux Auteurs de nos jours.