(1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »
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(1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Le mariage du duc Pompée :
par M. le comte d’Alton-Shée

Il y a quelques mois (le 15 décembre dernier) la Revue des Deux Mondes insérait cette comédie ou étude dramatique qui a été lue avec intérêt, dont se sont occupés quelques critiques compétents et qui m’a laissé un agréable souvenir. J’arrive un peu tard pour en parler, et sans autre dessein que de mettre par écrit quelques réflexions que m’avait suggérées une première lecture et qu’une seconde vient de confirmer. J’ignore si la pièce qui m’a fait plaisir est susceptible d’être représentée à la scène ; je suis très-peu juge de la différence qui existe entre un drame fait pour rester écrit et un drame jouable ; un spectacle dans un fauteuil me suffît très-bien, à défaut d’autre : je m’attacherai donc ici simplement à un ouvrage d’esprit qui porte avec lui son caractère de distinction aisée et qui a un cachet moderne.

Le sujet traité par M. d’Alton-Shée n’est autre que celui du séducteur marié, ou plutôt de l’homme à bonnes fortunes et du libertin marié (car le mot de séducteur a une acception un peu plus particulière) ; un tel sujet, sous un de ses aspects ou sous un autre, n’a pu manquer de venir plus d’une fois à la pensée des auteurs dramatiques, et l’on pourait dresser, en effet, une assez longue liste de pièces dont les titres sont plus ou moins dans ce sens. Pour peu qu’on cherche ou qu’on interroge, on trouve une comédie d’Imbert, une autre du marquis de Bièvre, toutes deux restées, comme on dit, au répertoire ; le Mari à bonnes fortunes n’est pas oublié ; quantité surtout de jolis vaudevilles, hier encore en vogue, viennent se présenter à l’esprit : le Réveil du lion, la Deuxième année, un Mari qui se dérange… Mais, à prendre le sujet dans sa largeur et sa simplicité, à se figurer Lovelace, don Juan ou le comte Almaviva mariés, il me semble que deux idées s’offrent d’abord : la première, si l’on veut, et la plus naturelle, c’est celle du fat et du libertin puni. Il s’est allé prendre au piège ; il a aimé un jour, ou bien il n’a pu posséder qu’en faisant semblant d’aimer ; il s’est lié, il s’est rangé à son tour dans la classe des époux, et le voilà lui-même sujet à toutes les vicissitudes qu’il a fait tant de fois subir aux autres. Quelqu’un a dit : « Un jeune homme libertin sera un mari jaloux » ; et c’est le cas pour ce jaloux de se répéter avec Ovide :

Multa miser meluo, quia feci mulla prolerve…
Quoi ! tu veux qu’on t’épargne, et n’as rien épargné ?

Eh bien ! malgré la vraisemblance apparente, il en est rarement ainsi ; la réalité dément la conjecture : ces fats célèbres, ces hommes à bonnes fortunes, une fois mariés, — à commencer par ce libertin d’Ovide, — trouvent le plus souvent des femmes sages, dociles, modestes, des modèles de mérite et de vertu, qui les adorent et dont ils sont sûrs. Je n’essayerai pas d’approfondir le cas pour les grands fats historiques modernes ; mais, à première vue, je ne vois pas que les Lauzun, les Bonneval, les Richelieu soient si mal tombés en se mariant. Le premier Lauzun, si insolent et si dur avec Mademoiselle, avait fini par épouser une femme jeune, parfaite, dont lui-même, à certains moments de sincérité, se reconnaissait indigne : Bonneval de même, le futur pacha, avait une divine jeune femme qui avait fait de lui son idole chevaleresque et qui s’estimait heureuse pour des années quand elle l’avait entrevu au passage. Le dernier Lauzun, cet aimable, ce faible et infortuné Biron, avait pour gardienne de son nom et de son honneur la plus pure et la plus chaste des Boufflers. Si Almaviva fut trompé par la comtesse, c’est qu’aussi il l’avait trop négligée, trop humiliée et poussée à bout, et Beaumarchais avait d’ailleurs besoin de faire son drame à grands sentiments, la Mère coupable.

Ce n’est pas de ce côté que me paraît être le plus grand danger pour le roué et le libertin marié, pour peu qu’il soit sincèrement marié et qu’il tienne à bien vivre ; le pire danger est en lui-même ; son plus grand ennemi est dans son vice ; car comment ne pas rester ou redevenir libertin quand on l’a été ? comment ne pas être tenté à tout instant et en chaque occasion de retomber, même quand on aurait cru dans un temps, et sous une influence bienfaisante, trouver la guérison morale et le bonheur ?

Tel est le sujet abordé et mis en action par M. d’Alton-Shée avec beaucoup de vigueur et de franchise. Son personnage principal, le duc Pompée-Henri de Joyeuse, un lion à la mode, beau, aimable, doué de tous les talents, un ténor et un virtuose comme on en a connu, — comme un Mario ou un Belgiojoso, — arrivé à l’âge de quarante ans, cette extrême limite de la jeunesse, à bout de ressources et de désordres, tout à fait ruiné, est appelé en Allemagne par un ancien ami de sa famille, un ami de sa mère, le comte Herman qui, en mourant, l’adopte et lui laisse par testament son immense fortune, à la condition de prendre son nom et de séjourner en Allemagne au moins une année. Le duc Pompée a donc rompu avec Paris ; il y a fait un vide en disparaissant subitement après une dernière soirée de triomphe et de fête ; l’éclipse a été aussi brusque que complète, nul n’a suivi sa trace : pour lui, il a trouvé bientôt dans sa vie nouvelle un rajeunissement inespéré ; il s’est épris d’une idéale et sensible Allemande, mademoiselle de Blümenthal et l’a épousée ; il est heureux, il se croit converti, il est père d’un charmant petit Georges. Cependant, et si entière qu’ait pu sembler d’abord la métamorphose, le vieil homme commence à remuer en lui : franchement, il ne peut enterrer sa vie à Dusseldorf, il veut revenir en France, à Paris, y passer l’hiver, et il se fait arranger un hôtel dans le faubourg Saint-Honoré. En attendant, il est à Maran, à un château près de Fontainebleau, avec sa famille.

La pièce commence au moment où le nouveau comte Herman est bien près de redevenir le duc Pompée : il est en coquetterie suivie, sans trop s’en rendre compte, avec une cousine de sa femme, Emma de Lansfeld, fiancée du baron Fritz, lui-même le propre frère de sa femme, et de la sorte, c’est avec sa prochaine belle-sœur qu’il est tout près de nouer intrigue. Le diable s’en mêlant, cela ne l’empêche pas d’avoir l’œil aux jolis minois qui passent et d’en conter à Lisette, fille du jardinier. L’Almaviva, disons-nous, se réveille en lui de tous les côtés et a de vifs revenez-y de jeunesse. Il nourrit pourtant un sentiment profond pour sa femme et pour l’enfant qu’elle lui a donné.

Un mystère dérobe son passé aux yeux de la comtesse. En devenant le comte Herman, il a voulu ensevelir le duc Pompée ; il n’en a point parlé et a laissé ignorer à cette idéale jeune femme toute cette vie antérieure qu’il eût souhaité’ abolir ; c’est bon goût à lui de ne s’en être jamais vanté, et un jour qu’elle l’interroge là-dessus avec une curiosité bien naturelle et qu’elle lui reproche tendrement de lui cacher un secret, il répond avec élévation et bon sens :

« Dans notre intérêt, je vous supplie de renoncer à une imprudente curiosité. A mon avis, celui-là est un sot qui, en admettant qu’il ait quelque chose à raconter, fait à sa femme le récit de ses galanteries. A quoi bon descendre à plaisir des hauteurs où vous a placé l’amour pur de la jeune fille pour se révéler à elle le héros d’aventures vulgaires, ou le convalescent échappé de quelque grande passion, avec l’imagination éteinte et le cœur plein de cendres ? Orphelin dès ma naissance, pendant ma longue jeunesse, j’ai cherché le plaisir, j’ai vécu de la vie des autres hommes, mais c’est vous, vous seule, qui m’avez appris à aimer. »

Un comte de Noirmont, homme de soixante-six ans, et qui fut longtemps le guide, le tuteur d’Herman au moral, qui jusqu’à un certain point l’est encore, est arrivé depuis peu de jours dans cet intérieur. Seul des anciens amis d’Herman, il a été l’un des témoins de son mariage, et il ne l’a pas perdu de vue depuis. M. de Noirmont est un personnage bien vrai, et qui nous rappelle plus d’un profil connu :

« Né avant 89, d’une ancienne maison, mais abandonné à lui-même dès l’enfance, libre par conséquent de préjugés traditionnels, il a assisté avec indifférence, presque avec joie, à la chute de la vieille société. Après avoir été l’un des beaux du Directoire, il est encore un type d’élégance et de distinction ; exclusif dans les relations du monde, il ne fréquente guère cependant que les femmes de théâtre : aussi dans les salons a-t-il une réputation de cynisme, et les vérités hardies qu’il lance parfois dans la conversation sont traitées de paradoxes. Il a pour habitude d’accabler les sots sous l’ironie des compliments, et d’user d’une sévère franchise envers ceux qu’il estime ou qu’il aime. C’est un homme d’un tact sur, d’une expérience consommée, et, quoi qu’on en dise, il a prouvé qu’il était exceptionnellement capable de dévouement. »

Si j’osais prendre la liberté d’éclairer ces portraits par des noms connus, je dirais que ce comte de Noir-mont est un bon Montrond, un Montrond qui n’a été corrompu qu’à point. Ce que j’aime surtout dans cette pièce dont le canevas est un peu artificiel et romanesque comme la plupart des canevas dramatiques, c’est que la sève moderne y circule et qu’on a bien affaire à des personnages de notre temps qui ont vécu et qui vivent.

Herman, en présence du baron Fritz, ce beau-frère entiché de sa noblesse et des vieux préjugés germaniques, maintient lui-même le rôle du noble moderne converti aux idées du siècle : il répond à l’accusation banale d’être un déserteur de sa caste et de n’avoir ni foi ni principes : « Croyez plutôt, dit-il en parlant des Biron, des Custine, des La Fayette, qu’il a fallu une foi bien ferme à ces déserteurs qui, dans la solitude de leur conscience, se sont voués à la haine de ceux qu’ils abandonnaient, à la méfiance de ceux qu’ils voulaient servir, sans autre espoir que la justice tardive de la postérité. » Mais ce commencement de discussion entre Herman et Fritz est arrêté à temps par un-geste d’Emma qui n’entend pas que ses deux adorateurs, comme elle dit, combattent sur ce terrain, et qui les rappelle à l’ordre. Il y a assez de politique pour poser les caractères, pas assez pour ennuyer. Dans son désir de changer le sujet de conversation, Emma prend le journal des mains de M. de Noirmont et se met à lire le feuilleton à haute voix : « Théâtre-Italien. — Ouverture. — Don Juan. — Rentrée de Mlle Pompéa… »

Qu’est-ce que cette Pompéa, dont le nom sonne si en accord avec celui du duc Pompée ? Cette divine cantatrice n’est autre que l’élève, la fille chérie, la création, l’esclave, la maîtresse (comme vous voudrez l’appeler) du duc Pompée qui, au temps de ses triomphes désordonnés et de sa gloire, lui avait donné son nom, procuré une fortune, et qui l’a laissée dans la douleur en s’éclipsant… Enfin elle a fait son deuil et elle rentre… La conversation s’engage alors forcément sur ce duc Pompée, ce mystérieux élégant si soudainement disparu : M. de Noirmont ne dit que ce qu’il en faut pour satisfaire à la curiosité des personnes présentes qui ne soupçonnent pas Pompée dans le comte Herman.

Elles vont bientôt être forcées de le reconnaître. Mlle Pompéa a par hasard appris du tapissier chargé de meubler l’hôtel du comte, et qui se trouve être le sien, qu’il est de retour en France, qu’il habite à Maran aux environs de Fontainebleau, et elle s’est mise en route sur l’heure pour le revoir : elle arrive, accompagnée d’une vieille cantatrice, la signora Barini, ancien contralto qui a eu ses beaux jours, une manière de duègne très-peu duègne, une utilité, un embarras, le meilleur cœur et la meilleure langue de femme, baragouinant un français italianisé et jargonnant à tue-tête. M. de Noirmont se trouve à propos dans le parc pour les recevoir à leur arrivée et pour essuyer le premier choc : elles ignorent tout ce qui s’est passé, et que le duc Pompée est marié, et qu’il a nom désormais le comte Herman, et qu’il est converti à la vie régulière, amoureux de sa femme… Noirmont les informe et les instruit ; un instant, il essaye de décourager Pompéa et de lui ôter l’idée de revoir celui à qui elle doit tout.

— « Après deux ans de séparation, je retrouve le seul homme que j’aie aimé, lui dit-elle ; je sais qu’il est là, peut-être à deux pas de moi, et vous me proposez de partir sans l’avoir vu, sans m’être assurée par moi-même qu’il existe ! Cela est au-dessus de mes forces. Je ne demande que la faveur de lui parler un instant ; pour l’obtenir, je m’adresserais à sa femme elle-même. »

Noirmont n’insiste plus : il comprend qu’il vaut mieux pour Herman, puisqu’il faut tôt ou tard la rencontrer, revoir cette fois Pompéa, et à l’instant même, et livrer résolument le grand combat ; car c’est bien de ce côté que se présente la bataille rangée et que va être le fort du péril ; le reste n’est rien ou servira plutôt de diversion et de secours ; la coquetterie avec la future belle-sœur n’est qu’une escarmouche plus vive qu’effrayante, entamée à peine ; mais revoir Pompéa belle, jeune, ayant les droits du passé, dans la plénitude de la vie, à l’âge de vingt-six ans, avec ce je ne sais quoi d’impérieux et de puissant qu’une première douleur ajoute à la passion et à la beauté… le danger est là, danger d’une reprise fatale ; et, en pareil cas, mieux vaut affronter une bonne fois, qu’éluder.

J’ai dit que M. de Noirmont est un bon Moritrond. Il n’a rien d’essentiellement malicieux, en effet, rien de diabolique dans son fait ni dans son intention. Ce n’est pas lui qui raillerait son ami et son élève de dégénérer en père de famille ; il l’y encourage au contraire, il prend intérêt à sa jeune femme et à leur commun bonheur. Herman non plus n’a rien de diabolique ni de cruel comme certains roués célèbres, comme ce premier petit Lauzun, amer et méchant homme. Le don Juan de Molière lui-même est autant un impie qu’un libertin ; il y a un fonds de méchanceté en lui, comme aussi chez Lovelace ou chez le Valmont de Laclos. Il existe dans ces caractères, avec des nuances diverses, une base d’orgueil infernal qui se complique de recherche sensuelle, une férocité d’amour-propre, de vanité, et une sécheresse de cœur jointes au raffinement des désirs, et c’est ainsi qu’ils en viennent vite à introduire la méchanceté, la cruauté même et une scélératesse criminelle, jusque dans le plus doux des penchants, dans la plus tendre des faiblesses. Exécrable race, la plus odieuse et la plus perverse ! Le duc Pompée n’a rien de cela ; c’est un aimable et gracieux libertin, séduisant, facile, abandonné ; il n’est pas né méchant, et il ne l’est pas devenu. Tout élément cruel est absent de sa nature ; je vois en lui une variété d’Almaviva ou de d’Orsay, un type de sensualité élégante. Tout au plus le volage mériterait-il qu’on dît de lui en amour ce que Socrate disait à Alcibiade : « Vous demandez toujours quelque chose de tout neuf ; vous n’aimez pas à entendre deux fois la même chose. »

Le drame, en cet endroit, est très-bien mené : ie comte Herman, tout amoureux qu’il est de sa femme, se voit conduit à la limite et comme à l’entrée d’une triple infidélité. Pour la première fois, après bien des agaceries, au retour de la chasse où il a accompagné Emma, sa prochaine belle-sœur, il lui arrive de risquer une déclaration qui n’est pas mal reçue d’elle. L’instant d’après, l’occasion lui venant jeter sous la main Lisette, la fille du jardinier, il propose à la petite un rendez-vous dans le parc pour minuit. Et c’est quand il est ainsi en voie d’être doublement infidèle, qu’il apprend de Noirmont l’arrivée de Pompéa et la nécessité de la revoir sur l’heure, d’accomplir l’épreuve décisive qu’il ne pourrait au reste que différer. Un moment Herman recule ; il essaye de tourner la difficulté trop présente et inattendue, moyennant une petite lâcheté : que Pompéa parte sur l’heure, et il promet de se rendre demain secrètement chez elle. C’est dans ce compromis et ce subterfuge que se glisse encore la pensée d’une faiblesse et d’une rechute ou demi-rechute. Noirmont n’a garde d’y prêter la main ; il n’est pas homme à se laisser donner le change : quand le diable se mêle de faire l’ange gardien, il y voit plus clair qu’un autre et perce à jour toutes les malices. Non, ce n’est point dans la chambre clandestine, toute pleine encore des anciens parfums et où tout est piège, qu’Herman ira sceller et consommer la rupture ; c’est chez lui, en présence de sa femme, près de son enfant, au centre de ses affections, sur ce terrain pur et solide, qu’il devra revoir Pompéa et rester invulnérable sous ce regard enflammé qui va tenter de le ressaisir.

Le danger sérieux de cette rencontre avec Pompéa aura cela de bon, d’ailleurs, de diminuer et d’absorber en soi les deux autres dangers, ou plutôt (car la pauvre Lisette ne compte pas) le seul danger de l’intrigue avec la belle-sœur. Si la vertu conjugale d’Herman triomphe dans la lutte avec Pompéa, la voilà sauvée et raffermie, au moins pour un bon temps. Herman aura fait d’une pierre deux coups, ou, comme disent nos voisins, il aura tué trois oiseaux d’une seule pierre.

Tout s’est assez bien passé d’abord : la comtesse s’est senti de la sympathie pour la grande artiste dont la présence se trouve suffisamment expliquée par une visite à des ruines voisines, à une tourelle gothique du parc, et elle a retenu les visiteuses pour ce soir-là au château. La Barini a jeté dans l’entretien une gaîté, une familiarité un peu burlesque, qui a couvert et sauvé plus d’un embarras. La nuit est venue ; le comte Herman est dans son appartement ; il paraît calme, content de lui ; il a assez bien mené sa triple intrigue : il se flatte d’avoir louvoyé assez habilement tout le soir entre Emma et Pompéa, sans trop se trahir ; la Lisette, au moyen d’un signe convenu, vient de lui faire tenir une réponse favorable pour le rendez-vous de minuit ; enfin il a donné un rendez-vous à Pompéa pour ce soir même, tout à l’heure, dans son appartement, et il l’attend de pied ferme. Voilà notre don Juan au complet, et de plus qui se croit un bon mari, ce qui est le trait comique. Noirmont cependant a tout vu et tout deviné ; avant de laisser son ami, il le gronde et lui fait honte de toutes ces duplicités ; et quand Herman s’étonne de cette sévérité de langage à laquelle un tel mentor ne l’avait pas accoutumé jusque-là, Noirmont lui explique ses principes, car il en a, et qui se réduisent presque à un seul sentiment bien arrêté, la haine de l’hypocrisie :

« Il est vrai, lui dit-il, je suis en guerre ouverte avec les salons ; je scandalise un monde corrompu à qui je refuse la satisfaction des apparences. Avec moins d’expérience et un sentiment plus haut du devoir, j’aurais peut-être tenté de le réformer ; mais, dans la pratique, j’ai reconnu que le mal est vivant, que les abus sont des hommes, et se comptent par milliers. J’ai vu, dans mon enfance, une génération convaincue s’avancer intrépidement au-devant des obstacles, et je sais combien de sang et de larmes coûte chaque progrès de l’humanité ; j’ai vu, au lendemain de la Terreur, les restes de cette société égoïste et frivole se dédommager de quelques années d’abstinence en se jetant dans une licence sans limites : j’ai suivi le torrent, et, sans égard aux formes nouvelles, je continue les mœurs de mes contemporains. Mes défauts sont nombreux ; ma seule qualité, ma règle de conduite est le respect de la sincérité. Si je provoque le scandale, je hais le mensonge ; jamais, pour triompher d’une résistance, je n’ai eu recours à la comédie de l’amitié ; jamais je n’ai prodigué les feintes promesses ni les faux serments d’une éternelle flamme ; jamais je n’ai séduit, jamais je n’ai trompé… »

Morale facile, morale commode, mais qui va devenir rare encore en ce siècle, s’il continue dans la voie où il est depuis quelque temps engagé, — et où il semble faire des progrès chaque jour, celle du faux-semblant convenu et de l’hypocrisie utile. C’est beaucoup, à qui a perdu comme Noirmont boussole et gouvernail, d’avoir gardé une dernière ancre de sûreté, — sincérité et franchise.

Une belle scène : Pompéa entre chez Herman, et le tête-à-tête commence. Pompéa s’y montre à la fois naturelle et habile, tendre, railleuse, sarcastique et passionnée tour à tour ; l’artifice, s’il y en a (et en pareil cas il y en a toujours) disparaît bientôt dans la franchise et une sorte de droiture violente. Elle commence comme toute femme digne de ce nom, comme toute amante, par un transport, par un premier mouvement :

« Je te retrouve enfin, mon maître 1 mon Pompée ! Depuis que je t’ai rencontré dans le parc, cette contrainte me pesait comme un manteau de plomb ! Dis, m’as-tu gardé une petite place dans ton cœur ? »

Sa seconde pensée est sur elle-même et sur sa beauté : inquiétude la plus prompte après la première, et qui n’est que la première encore, un peu déguisée ; car si elle est aussi belle que jamais, elle est presque certaine d’être aimée autant qu’elle l’a jamais été : « Je suis bien vieillie, n’est-ce pas ? »

On la rassure ; ce n’est pas elle qui a vieilli, c’est Herman ; il prend tout sur lui, il s’excuse, il s’humilie ; la nécessité… ; il raconte son histoire, ce testament d’un vieil ami, d’un père… plus qu’adoptif ; c’est Pompéa du moins qui le dit, comme elle l’a deviné, à la simple vue d’un portrait et à la ressemblance ; — il parle de son amour pour sa femme, de ce sentiment nouveau qui lui est venu en la voyant :

«  J’ai senti que près de cette charmante personne je devenais meilleur ; j’ai apprécié ses excellentes qualités ; je l’ai estimée, puis aimée d’un amour inconnu, confiant, impérissable… »

Mais Pompéa n’est pas de celles qui prennent le change ; elle sourit d’un sourire de pitié :

« Voilà une idylle qui a le défaut d’arriver trop tard ; hier je t’aurais cru, mais il ne fallait pas me faire passer la soirée avec ta belle-sœur. »

Herman assure ne pas comprendre ; Pompéa reprend :

« Est-ce qu’on nous trompe, nous autres ? Tu es son amant. Du reste, je ne t’en fais pas mon compliment : elle est sans grâce, affectée. A ta place, ses œillades et ses roucoulements m’ennuieraient. »

Ici Herman s’irrite. Pompéa a touché la corde sensible, la fantaisie ou passion naissante au cœur d’Herman. Qui sait ? sans cette complication et s’il n’y avait eu contre elle que la femme légitime, Pompéa triomphait peut-être. Herman va être plus fort contre Pompéa, non à cause d’Isabelle, mais parce qu’il a une préférence actuelle et secrète pour Emma. S’il faut être infidèle, c’est une infidélité nouvelle qu’il préférera à une ancienne, et Pompéa vient d’insulter à cette nouveauté d’infidélité. Les reproches éclatent, les larmes. Herman s’approche, essaye de la consoler et lui prodigne les protestations, même les paroles de tendresse. Ici l’on a une éloquente et passionnée réponse où Pompéa, comme une prêtresse égarée, évoque et rassemblé dans une idéale image toute la poésie et l’âme de sa jeunesse :

« Je te dois tout, s’écrie-t-elle, le bien comme le mal ; pour être, j’ai attendu un signe de ta volonté, et tu m’as faite semblable à toi. Ne te souvient-il pas de mes supplications, de mes larmes, le soir où tu m’as arrachée tremblante de notre nid pour me produire devant tes amis ? As-tu oublié ma honte et ma douleur premières à ces fatals soupers où tu réunissais, au milieu des bacchantes, artistes, écrivains, compositeurs, poëtes, où chacun excellait en quelque chose, les uns types modernes de la beauté an’ique, les autres étincelants de saillies, servant aux convives leur esprit toujours présent, celui-ci sa verve satirique, celui-là son intarissable gaîté de sublime bohème ; saturnales du génie, vrai paradis du vice ! Ainsi, dit le poëte, au temps des Césars, une jeune chrétienne était amenée dans le cirque ; ses yeux, mouillés de pleurs, levés vers le ciel, y cherchaient un appui, ses mains essayaient de dérober ses charmes aux regards des spectateurs ! Après l’affreuse attente, au signal donné, les belluaires ouvraient l’entrée de l’arène aux bètes féroces ; … mais, au lieu du tigre de l’Inde ou du lion de Numidie, s’avançait une joyeuse bacchanale : les trompettes d’airain résonnaient, les tambourins battaient, les vierges folles couraient le thyrse à la main, et de jeunes garçons portaient en chance ant des outres pleines de vin nouveau. Surprise à cette vue, le passage subit des affres de la mort à l’excès de la vie amollissait son cœur et brisait son courage ; l’air était embrasé, des nuages de pourpre passaient devant ses yeux ; on l’entourait, un prêtre de Bacchus versait à flots le vin à ses lèvres entrouvertes ; on entonnait le chœur des Corvbantes, et, la prenant par la main, on l’entraînait dans la ronde en délire, jusqu’à ce qu’enfin, haletante, épuisée, elle tombait à son tour ivre de volupté. »

Et Herman, pour toute réponse, oublieux et enivré, s’écrie : « Que tu es belle ainsi, ô ma belle jeunesse !… »

Ce n’est plus la seule Pompéa, en effet, qui a parlé, c’est le passé tout entier, c’est toute sa jeunesse qui s’est rassemblée une dernière fois aux yeux d’Herman et qui lui apparaît comme dans un miroir magique. Cette page est à joindre, pour l’ardeur et la vérité de l’expression, à toutes celles d’Alfred de Musset se rapportant à la même date morale. M. d’Alton-Shée, par la bouche de sa Pompéa, nous a laissé à sa manière son tableau de Couture,

L’autre jour, à propos de la Vérité dans le vin, cette jolie comédie de Collé, je parlais de ces œuvres d’esprit qui sont des témoins d’un temps et qui marquent une date dans l’histoire des mœurs et des plaisirs. Ici, dans ‘le tableau tracé par Pompéa, nous avons le genre d’ivresse et de fureur cher aux années qui suivirent 1830.

J’ai souvent fait un rêve, ou plutôt (car la chose est irréparable) j’ai formé et senti un regret : c’est que parmi toutes ces générations qui se sont succédé dans notre France légère depuis tant de siècles, il ne se soit pas trouvé, à chaque génération un peu différente, un témoin animé, sincère, enthousiaste ou repentant, présent d’hier à la fête ou survivant le dernier de tous et s’en ressouvenant longtemps après ; lequel, sous une forme quelconque, ou de récit naïf, ou de regret passionné, ou de confession fidèle, nous ait transmis la note et la couleur de cette joie passagère, de cette ivresse où l’imagination eut bien aussi sa part. On aurait ainsi, à leur moment de délire et d’abandon, le signalement des générations si nombreuses que de loin l’on confond, et à qui l’on ne peut plus que dire avec le poète :

Passez, passez, Ombres légères,
Allez où sont allés vos pères
Dormir auprès de vos aïeux…

On saisirait en quelques traits leur physionomie distincte. On ne commencerait pas avant Henri IV, laissant derrière soi les Valois avec leurs goûts douteux et leurs caprices bizarres ; mais, dès Louis XIII, on aurait une de ces scènes d’intérieur ou les jeunes seigneurs et gentilshommes du temps, les Montmorency, les Liancourt, en compagnie du poëte Théophile, célébraient la fête de la jeunesse et celle, dit-on, de la Nature. On saurait à quoi s’en tenir sans écouter les calomnies et les noirceurs délatrices qui de tout temps se sont attachées aux agapes secrètes, mais qui alors appelaient à leur aide le geôlier et le bourreau. Puis, arrivant à une autre régence, au début d’un autre règne, on saurait à quoi s’en tenir également sur ces festins mystérieux des Bussy et de ses libres compagnons : ici la satire politique et personnelle, l’épigramme frondeuse se mêlaient très-probablement à des gaîtés plus fines qu’innocentes. Dans cette course à vol d’oiseau sur les folies du passé, on laisserait bien vite avec dégoût ce qui n’est que bruit, étourdissement et débauche vulgaire ; on glisserait, comme un Hamilton l’eût pu faire, sur la cime des choses, on n’en prendrait que la fleur, — assez pour la reconnaître, rien de plus. Ainsi d’époque en époque, de trente en trente années, on saurait les recommencements, les ardeurs premières et les folles cocardes de chaque jeunesse, ce qui faisait que son rêve délirant n’était pas tout à fait le délire d’une jeunesse qui avait précédé. On commence à le savoir assez bien à partir du XVIIIe siècle, qui ne s’est pas fait faute de révélations de tout genre ; mais on voudrait pourtant que des plumes légères aient plus souvent pris la peine de nous le dire et de fixer, à des moments et pour des sociétés distinctes, ce qui ne se ressemblait pas si uniformément qu’on le suppose. Quand je vois, vers la fin du siècle, que tant de soupers charmants où la beauté, l’esprit, la poésie en personne (André Chénier en était), l’éloquence déjà elle-même et la politique à l’état d’utopie et de rêve, se cotisaient à l’envi pour payer leur écot, quand je vois que ces réunions d’élite n’ont eu pour annotateur qu’un Rétif de La Bretonne, j’en rougis pour les délicats convives ; un valet de chambre en eût mieux parlé. Ce n’eût pas été trop d’un prince de Ligne pour être l’historiographe des princes de l’esprit, — un historiographe comme il en faut aux choses sacrées et dites sous la rose, … un écouteur qui entend à demi-mot, qui court et qui passe, qui ne note que quelques traits rapides et charmants. C’est ainsi que je la conçois en idée, cette histoire française du plaisir. Rien de grossier, rien d’inutile ; on n’aurait que la pointe de chaque gaîté, la flamme de chaque punch. Sous le premier Empire, la joie était redevenue une pure joie, une joie naturelle, pétillante, sans arrière-pensée, la joie du Caveau et des enfants d’Épicure ; mais après 1830, aux environs de cette date nouvelle, l’imagination reprit son essor ; le plaisir ne se produisait lui-même que sous air de frénésie et dans un déguisement qui le rendait plus vif, plus divers, plus éperdu, donnant l’illusion de l’infini ; il fallait, même en le poursuivant, satisfaire ou tromper une autre partie de soi-même, une partie plus ambitieuse et plus tourmentée. Chateaubriand et Byron étaient venus ; il fallait, quand on s’amusait, s’enfoncer plus fort le plaisir pour s’arracher à un ennui plus intime et plus poignant. Il se mêlait à l’ivresse des coupes je ne sais quel parfum et quelle soif de poésie. C’est une de ces scènes chères à ceux qui s’intitulaient les enfants du siècle, c’est leur idéal d’orgie, une de ces bacchanales éclatantes et sacrées que Pompéa vient d’évoquer devant Herman, et elle n’a plus ensuite qu’à vouloir, ce semble, pour triompher de lui.

Mais elle dédaigne un vulgaire et incomplet triomphe. En vain Herman l’a prise dans ses bras et la supplie de s’y oublier, ne fût-ce qu’une nuit, ne fût-ce qu’une heure ; Pompéa s’en arrache : ce qu’elle veut, c’est le duc Pompée tout entier, tel qu’autrefois, lui ou rien :

« Ou toujours, ou jamais ! lui jette-t-elle pour adieu en sortant ; jamais au comte Herman, ou toujours à Pompée ! »

Le moment de la grande épreuve est passé. Herman, aussi faible que possible, s’en est tiré avec plus de bonheur que d’honneur, grâce à la seule énergie de Pompéa et à cette fierté de passion qui ne veut rien à demi. A partir de ce moment, les difficultés du drame ne sont plus que des complications scéniques et une affaire de dénoûment, mais la question morale est gagnée, au moins provisoirement et sur le point capital où elle était engagée. Pourtant l’homme chez Herman est si faible et si misérable qu’encore étourdi du refus qu’il vient d’essuyer, sentant que le danger désormais pour lui n’est plus que du côté d’Emma, et bien résolu d’y parer, il va, pour se rafraîchir les idées, chercher au parc… qui ?… cette Lisette dont il se ressouvient tout d’un coup un peu tard et qui, heureusement, ne viendra pas.

Pompéa, après sa tentative de reprise de possession et cet effort suprême qu’on a vu, s’exécute et se conduit en noble et loyale nature ; elle a inspiré à la comtesse une sympathie involontaire, quasi magnétique, dont elle est reconnaissante et qu’elle se promet de ne pas trahir. Tout s’accommode, moyennant quelque imbroglio encore et à la suite d’une dernière transe affreuse que Noirmont croit devoir infliger à Herman pour lui servir de leçon. Voilà donc la belle-sœur et Fritz qui partent, réconciliés tant bien que mal entre eux, aigris en revanche et piqués contre tout le monde. Pompéa elle-même ne compte pas rester, comme bien l’on pense ; mais elle fait plus, elle annonce qu’elle quitte Paris et qu’elle doit partir à la fin du mois pour Pétersbourg où elle est engagée, dit-elle, pour trois ans. L’avenir de bonheur du comte Herman et de son Isabelle est désormais assuré, s’il sait être sage et s’il tient compte mieux que par le passé des conseils de Noirmont.

Au milieu des vérités d’observation et d’expérience dont cette pièce est semée et qui sont exprimées d’une touche ferme et sans prétention, il y a donc, contrairement à plus d’un exemple à la mode, une veine de sentiment et de bonne nature ; il s’y rencontre à tout instant, à travers les faiblesses, de bonnes fibres en jeu. Ce n’est pas âcre ni cruel. J’y vois bien le mélange qu’offre d’ordinaire l’humanité. M. d’Alton-Shée qui l’a connue et pratiquée n’a pas de parti pris contre elle, et je l’en loue.

J’aurais cependant pour ma part, avant de le quitter, un dernier avis à donner au comte Herman, puisque je m’intéresse à son bonheur et à celui d’Isabelle. Je crois peu à la guérison des passions quand elles sont réelles, profondes, et qu’elles se sont logées plus avant encore que dans le tempérament, je veux dire dans l’esprit et dans l’imagination. Je ne marche en ceci que d’accord avec tous les vrais moralistes : « La durée de nos passions, a dit le plus grand, ne dépend pas plus de nous que la durée de notre vie. » Ce même moraliste (La Rochefoucauld) a dit encore : « Il y a dans le cœur humain une génération perpétuelle de passions, en sorte que la ruine de l’une est toujours l’établissement d’une autre… On pourrait dire que les vices nous attendent dans le cours de la vie, comme des hôtes chez lesquels il faut successivement loger. » Or ceci me devient une lumière, et je la propose humblement au comte Herman, afin de mieux assurer son bonheur et de fortifier sa constance ; car, comme tous les Almavivas convertis, il me paraît de sa nature un peu fragile. Pourquoi, puisqu’il y a dans l’homme et sur le chemin de la vie des relais de passions, ne pas en profiter pour s’éloigner tant qu’on peut de la plus dangereuse, dès que l’occasion s’en présente ? La meilleure guérison, en fait de passion, est de tâcher de s’inoculer une passion nouvelle ; c’est, je crois, ce qu’on appelle en médecine la méthode substitutive. Quelle est donc la passion de rechange que je propose au comte Herman, âgé de quarante-deux ans et trop sujet aux tendres rechutes ? Elle est toute trouvée : « L’ambition, a dit un autre moraliste des plus consommés, Senac de Meilhan, est une passion dangereuse et vaine, mais ce serait un malheur pour la plupart des hommes que d’en être totalement dénués ; elle sert à occuper l’esprit, à préserver de l’ennui qui naît de la satiété ; elle s’oppose dans la jeunesse à l’abus des plaisirs qui entraînerait trop vivement, elle les remplace en partie dans la vieillesse, et sert à entretenir dans l’esprit une activité qui fait sentir l’existence et ranime nos facultés. » Qu’Herman donc, s’il veut rester fidèle à sa femme, au moins dans l’essentiel (car je néglige tout ce qui ne tire pas à conséquence), devienne ambitieux ; il le faut à tout prix, et ce n’est que de ce jour-là que sa conversion me paraîtra assurée. Tout immensément riche, qu’il est, qu’il se crée des devoirs, des obligations, des gênes ; qu’il devienne député, diplomate, ambassadeur, administrateur d’une grande ligne de chemins de fer, que sais-je ? mais qu’il s’occupe, qu’il remplisse sa vie, qu’il bourre ses journées de toutes sortes d’emplois, sans quoi gare le retour du vice favori ! Il n’y a qu’un remède et qu’une garantie contre le don juanisme quand il commence à battre en retraite, c’est de ne lui laisser ni paix ni trêve, pas une minute, pas un espace pour respirer. Le La Bruyère de l’Antiquité, Théophraste, le savait bien lorsqu’il disait que « l’amour, c’est la passion des gens qui n’ont rien à faire. » Et Ovide n’a fait que traduire cette même pensée plus mythologiquement :

Olia si tollas, periere Cupidinis arcus.