(1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »
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(1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Ferdinand Fabre16

I

Voici une originalité qui pourra coûter cher à son auteur ! C’est un roman sans une seule femme et avec tous prêtres ! Tel est le livre, étonnamment hardi et robuste, publié par Ferdinand Fabre sous le titre singulier, qui accroche la curiosité et qui la pince, de L’Abbé Tigrane, candidat à la papauté. Dès le titre, on se sent ici à soixante lieues du roman moderne et de ses mièvreries corrompues. Un roman sans femmes, en plein Paris, en pleine civilisation du xixe  siècle ! lorsque la femme empoisonne tout, les cœurs et les esprits, les lettres et les arts, et où, pour tout drame et pour toute histoire, on dit, comme pour le crime : Montrez-moi la femme ! Ferdinand Fabre ne la montre pas. Il l’a, de cette fois, dédaignée. Comme Godwin, ce fort romancier anglais qui le premier eut l’audace de faire un livre où l’intérêt n’est plus l’amour, Ferdinand Fabre s’est adressé à d’autres passions que celle de la femme, et il a prouvé que, démêlées par une griffe de moraliste qui sait les carder, elles sont d’un intérêt, pour qui les comprend, tout aussi intense que la banale passion de la femme, qui est au niveau de toutes les âmes, même les plus basses… C’est l’ambition aussi — comme l’auteur du Caleb William — que Fabre a mise en scène dans son nouveau roman ; mais c’est l’ambition spécialisée dans un prêtre, c’est-à-dire la plus profonde, la plus terrible et la plus grandiose des ambitions ! L’ambition, en effet, cette passion essentiellement virile, a une plus riche encadrure dans un prêtre que dans tout autre homme. Le prêtre, qui, s’il est digne de sa fonction, ne doit, selon la magnifique expression d’Arnaud de Brescia, n’avoir soif que du sang des âmes, ne le leur fait répandre qu’à la condition de leur commander !

Mais qui comprend vraiment le prêtre, dans notre société sentimentalo-bête, le prêtre-vierge, qui n’est ni amant, ni époux, ni père, — les seules choses que les masses comprennent et sentent, — et qui s’intéresse à son austère grandeur ?… En France, ce pays spirituel autrefois, hébété maintenant d’impiété, le prêtre qui n’est pas le Bon pasteur de Béranger et que le libéralisme du bourgeois peut honorer encore, s’il est décoré de la Légion d’Honneur et si c’est un « apôtre de la tolérance », comme on dit dans la charmante langue de Béranger, n’est plus que le Soutane, levez-vous ! de l’affreux et sanglant voyou de la Commune, et tout romancier qui le met dans son livre, tout poète dramatique qui le met dans son drame, court toutes les bordées de l’incertitude en fait de succès. Seulement, n’est-ce pas là une raison de plus pour la Critique de glorifier ceux qui ont cette crânerie de prendre pour sujet de livre un prêtre, — qui préfèrent la beauté intrinsèque de leur œuvre à l’argent ou à la renommée qu’elle peut rapporter, et sont assez artistes pour avoir ce désintéressement et cette fierté ?…

II

Eh bien, Ferdinand Fabre est de ceux-là ! Il est trop penseur et trop artiste pour que le type du prêtre ne l’attire pas, et il l’a, je crois, touché plus d’une fois dans ses œuvres. On a dit que l’auteur des Courbezon et de Julien Savignac était un des plus vigoureux romanciers sortis de l’école de Balzac ; car tout homme de génie comme Balzac — qu’il l’ait voulu ou non — laisse derrière lui une École. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que, comme à Balzac, le prêtre s’impose aux facultés de Fabre et à ses préoccupations d’observateur. Balzac, toute sa vie, fut fasciné par cette grande chose qu’on appelle le Prêtre. Dans son Curé de campagne, Les Célibataires, Une ténébreuse affaire, qui finit justement par un brelan de prêtres terribles : Sieyès, Talleyrand et Fouché ; partout, même quand il masque Vautrin de son splendide et effroyable abbé Carlos Herrera, Balzac a montré que son génie faisait équation avec le génie du prêtre, tant il le comprenait ! Et c’est ce que j’en puis dire de plus grand. Mais Balzac ne nous a cependant donné que des profils de prêtres, ou des trois quarts superbes ; car Véronique, dans Le Curé de campagne, est plus forte que le curé, et elle absorbe et garde tout de l’imagination émue. Balzac est donc mort, éternel regret ! sans avoir dit son dernier mot complet sur le prêtre, et peut-être est-ce ce dernier mot, qui n’a pas été dit, qui a tenté Ferdinand Fabre et lui a donné l’idée de faire, de face, lui, une grande figure de prêtre, comme il l’a faite dans son Abbé Tigrane, candidat à la Papauté !

Rien de plus mâle comme conception. Le Tigrane de Fabre n’est pas l’Ange ou le Saint que peut devenir le prêtre quand l’esprit de son sacerdoce a vaincu, en lui, la nature. C’est le prêtre bien autrement difficile à peindre, parce qu’il est double comme un centaure, mêlé d’homme et presque de bête, tant cet homme invaincu est fougueux ! Ce prêtre de naissance ne s’appelle point Tigrane. C’est un surnom qui lui fut donné par ses condisciples de séminaire, un jour où sa violence révéla qu’il y avait du tigre dans l’antre de cette âme profonde. Homme de génie, secoué par la conscience qu’il est fait pour le commandement, et d’une ambition tellement effrénée qu’elle en est épouvantablement maladroite et qu’elle en devient un jour presque sacrilège, il a, ainsi que le dit un des personnages du roman, la folie de la mitre, comme il aurait dû avoir la folie de la croix, et c’est cette folie de la mitre qui en fait, tout le long du roman, le furibond torrent de haine et de colère humaine que le prêtre ne peut endiguer, mais dont l’Église, à la fin et malgré tout, s’empare, parce qu’elle a reconnu, elle, le lynx divin, aux yeux maternels, que cette tempête d’homme assagi par elle peut avoir, un jour, vertu d’archevêque, et peut-être de Pape dans l’avenir… Le livre de Ferdinand Fabre, dont je viens de dire la conclusion, est, au fond, — si vous en ôtez deux ou trois nuances d’opinion que je n’y voudrais pas voir parce qu’elles blessent mon catholicisme, — un livre écrit à la gloire du prêtre et de l’Église, de cette Église à qui ses ennemis voudraient de petites vertus dont ils pussent se moquer, et non de grandes, devant lesquelles ils tremblent ! Rien, au contraire, ne montre mieux que le livre de Fabre la largeur d’idées de cette Église qu’ils font étroite comme leurs pauvres têtes, et qui est vaste comme la coupole sous laquelle doivent s’abriter les nations !

Doctrinalement, voilà donc le sens et la portée de ce livre. Ce n’est point un livre de propagande, et j’ignore la foi de l’auteur. Mais il a certainement le sentiment très respectueux de la force et de la grandeur de l’Église, quoique son regard d’observateur ait parfois beaucoup de hardiesse. Les passions de son abbé Tigrane, très coupables certainement pour un prêtre, n’impliquent au moins aux yeux du monde aucune bassesse. Mais il n’en est pas de même du clergé qui l’entoure, et sur lequel cet abbé ressort comme un relief d’un creux. L’auteur du Tigrane a dû vivre parmi les prêtres à quelque époque que ce soit de sa vie, car il en parle tous les langages comme s’il les avait appris, et il en exprime les faiblesses — plus ou moins honteuses — comme s’il les avait vues de ses propres yeux… Assurément, il a le mépris intelligent du clergé français assez médiocre dans sa masse flottante, ne croyant, là comme ailleurs, qu’à l’individualité et qu’à l’exception ; mais pourtant il ne hait point le prêtre comme un autre observateur et un autre artiste, Stendhal, qui fut aussi toute sa vie magnétisé par le sublime type du prêtre, la seule grande poésie, avec le soldat, qui soit restée à notre misérable temps. Stendhal, en effet, qui a créé l’abbé Julien Sorel du Rouge et Noir, l’abbé Fabrice de La Chartreuse de Parme, et surtout le janséniste abbé Pirard, d’une vérité de génie, Stendhal hait le prêtre de la haine d’un voltairien et d’un athée, et peu importe ! puisque la haine n’est jamais que l’envers de l’amour. Mais cette haine, quelle qu’elle soit, est inconnue à l’auteur de L’Abbé Tigrane. Lui, il voudrait que le prêtre restât toujours grand pour l’histoire, et s’il ne l’est pas, il en souffre… Seulement, impartial comme l’artiste sincère, il le peint ce qu’il le voit, par amour de la peinture vraie ; et s’il en souffre, il ne s’en venge même pas en forçant le trait.

III

Tous ses prêtres sont vrais. Et son doux et sensible Ternisien, le secrétaire de l’évêque de Roquebrun, et son courageux et sanguin Lavernède, et son épuisé de courage, le vieil archiprêtre Clamouse, et son plat et servile Turlot, et son supérieur des Capucins, et son cardinal Maffei, cette tête chauve et chenue, mais si fine, et à travers laquelle il semble que l’on aperçoit le grand cerveau politique de l’Église… Tous sont vrais, très étudiés, très pensés et très conséquents à eux-mêmes, dans leurs tonalités diverses. La scène de ce roman, — qui est presque plus un drame qu’un roman, car l’action y est extrêmement rapide et serrée dans des circonstances impérieuses et le dialogue y dévore souvent le récit, — la scène de ce drame-roman, qui n’a pour acteurs que des prêtres, est Lormière, ville épiscopale des Pyrénées. C’est là qu’une lutte s’est engagée, sur des questions d’administration cléricale, entre l’évêque de Roquebrun, vieillard apostolique et homme de grande race, et l’abbé Ruffin Capdepont, le supérieur du séminaire, dit « Tigrane » dès l’école, sauvage paysan de la montagne n’ayant, lui, pas plus de race que les aérolithes qui à certains jours tombent du ciel.

Chaste et régulier dans ses mœurs, mais orgueilleux, — et la chasteté qui s’emmanche dans l’orgueil est terrible, car elle se fait payer par l’orgueil des sensualités qu’elle repousse, — l’abbé Capdepont dit « Tigrane » est, de plus, une espèce de Macbeth ecclésiastique, à qui les trois Sorcières qui sont en lui : la Puissance du génie, l’Autorité du caractère, et la Science, moins affirmatives que les Sorcières de Macbeth, ne lui disent pas : Tu seras Roi ! mais : Seras-tu Roi ?… et le flagellent, comme une toupie qu’elles brûlent, sous les lanières de feu de cette question qui renferme un doute. Un jour, dans une discussion solennelle et en présence de tout le clergé de la contrée, l’évêque de Roquebrun appelle l’abbé Capdepont « le prince des ténèbres », et cet outrage public ajoute la haine et la rancune aux autres passions de l’abbé. Le roman de Ferdinand Fabre est l’histoire haletante et furieuse de cette lutte, qui dure jusqu’après la mort de l’évêque de Roquebrun ; car Tigrane-Capdepont, devenu vicaire capitulaire à la mort de l’évêque, a l’insolente et terrifiante audace de refuser la sépulture épiscopale à l’évêque de Roquebrun, mort à Paris au moment même où il était allé désigner un successeur qui l’évinçât, lui, l’abbé Capdepont. Je n’ai point à refaire ici, en la racontant, cette histoire… Il faut en laisser toute la sensation, qui en vaut la peine, au lecteur. Mais ce qu’il faut aussi admirer, c’est l’aisance avec laquelle l’auteur se meut dans le détail des mœurs si particulières au clergé, et les péripéties de cette lutte acharnée qui, si elle a sa scandaleuse violence, a aussi pourtant sa grandeur.

Il est évident qu’il y a ici non plus un romancier à la douzaine, mais un artiste réfléchi, qui cherche des effets élevés et pathétiques et qui les trouve… Ce qui distingue particulièrement Ferdinand Fabre, c’est la force, bien plus grande chez lui que l’éclat. Il n’a pas les morbidesses de nos décadences. Il a la sobriété des descriptions, dont nous avons l’ivresse. Je n’en connais qu’une dans son roman, celle de l’orage, justifiée, du reste, par les nécessités du récit. J’ai entendu quelquefois comparer Ferdinand Fabre à Gustave Flaubert, qu’on pourrait appeler « le descriptif laborieux » ; car il décrit jusqu’aux nervures des feuilles et aux angles des ombres qui s’évaporent. Il n’y a pas, selon moi, le moindre rapport entre ces deux hommes. Ferdinand Fabre a l’insouciance de toutes ces fatigantes puérilités. Son talent se porte bien ; seulement, je lui trouve un peu de sécheresse. Il est tout en os et en muscles, mais je voudrais un peu de chair à la Rubens — s’il était possible — par-dessus tout cela. Souvent aussi, malgré sa force, Fabre manque du trait précis qui achève un mouvement ou une figure commencée ; il n’a pas le coup d’ongle définitif qui les fait tourner et les pose tels qu’ils doivent rester toujours dans l’imagination qui les a contemplés une fois ! Ainsi, dans la grande scène, que l’auteur de Tigrane a eu l’art d’amener, de l’ouverture du cercueil de l’évêque de Roquebrun, et qui rappelle le déterrement du Pape Formose (une des plus grandes scènes à décrire de l’Histoire ecclésiastique et même à juger), Ferdinand Fabre nous a très bien peint son abbé, foudroyé d’envie dévorante et d’ambition exaspérée à la vue de ce cadavre enseveli dans ses éblouissants insignes d’évêque, et lui fait porter des mains qu’il ne peut retenir vers cette mitre et cet anneau qui lui soutirent le cœur de la poitrine. Mais ces mains sacrilèges et pâmées d’une convoitise devenue atrocement physique, je voudrais les voir dans une meilleure clarté. Le mouvement indiqué n’est pas achevé… Ce n’est qu’une ébauche et presque qu’une velléité de sacrilège. La petite Convenance, cette Blême que Ferdinand Fabre ne devrait pas connaître, lui a lié le poignet avec son bout de fil et l’a empêché d’accomplir un mouvement qu’il fallait pousser à outrance, pour qu’il fût très beau. Eh bien, je le regrette, Ferdinand Fabre n’a pas osé !

IV

Ainsi, — littérairement, artistiquement, le livre de Fabre n’est pas sans reproche. Dans le chapitre La Voix du crucifix, il y a la même indécision que dans le mouvement de ces mains, impuissamment violatrices de la mort et du cercueil. Le surnaturel d’une voix sortant d’un crucifix a épouvanté le moderne dans Fabre, qui, avec plus de foi ou plus d’imagination peut-être, n’eût pas été épouvanté. Grand dommage, pour la beauté d’une œuvre, qu’un homme d’invention ait peur du surnaturel et n’y touche que comme à du feu quand on a peur de se brûler !!! Shakespeare a créé, lui, l’impossible et monstrueux Caliban. Edgar Poe a écrit des Contes fantastiques avec le sentiment frissonnant de leur réalité, et un artiste qui comprend l’Église et le prêtre, et qui aurait dû aller jusqu’au bout et tout comprendre, n’ose pas faire parler franchement et distinctement un crucifix ! L’esprit moderne nous rabougrit donc tous, pour que les forts, les bien portants, les bien organisés, aient de ces faiblesses ?… Si Fabre n’avait pas eu celles que je lui reproche, Dieu sait ce que son livre que j’aime, et que je voudrais un chef-d’œuvre, y aurait gagné !

Mais si ce n’est pas un chef-d’œuvre dans ce que ce mot a d’absolu, le livre de Ferdinand Fabre n’en est pas moins une œuvre rare. Inférieur à certaines places dans le détail, qui n’a pas tout le fini que le détail doit avoir sous la plume des maîtres, il s’en revanche sur la hauteur de la pensée et sur l’amplitude de la tendance. L’Église, l’esprit de l’Église, la sagesse romaine qui juge à travers le péché, qui peut pardonner tout à ses serviteurs quand ils ont cette chose rare maintenant et qu’on appelle « le caractère », ont inspiré heureusement Fabre. Il donnerait sa voix, s’il faisait partie du conclave, à son candidat à la Papauté, et il aurait raison de la lui donner. Déjà meilleur parce qu’il est évêque, parce qu’il est apaisé, parce qu’il n’est plus dans la position exécrablement fausse d’un homme pris dans l’étau de la petite place qu’il occupe et des grandes facultés qu’il a, son effrayant Tigrane est, en somme, de l’étoffe dont sont faits les Hildebrand et les Montalte, quoiqu’il soit certainement moins grand que Grégoire VII et Sixte-Quint, et qu’ici l’imagination de l’inventeur soit glorieusement battue par l’histoire.

Hildebrand, avant d’être pape, Hildebrand, simple moine, était, en effet, dans le fond de son monastère, aussi majestueusement grand et papal sous son capuchon que sous la tiare. Que dis-je ? Hildebrand, — mais j’ai tort d’en parler, — ce n’est ni un homme, ni un grand homme, ni un saint, ni un pape. C’est l’Archange de feu blanc qui tient à la main le glaive de feu rouge que tenait l’autre Archange à la porte du Paradis, quand Dieu en chassa Adam et Ève. Il a gardé l’Église et ses portes comme l’autre les portes du Paradis. Sixte, énorme quand on le compare aux autres hommes, mais petit quand on le compare à Grégoire VII ; Sixte, le porcher, auquel Ferdinand Fabre a dû penser quand il a fait son Capdepont, le farouche paysan qui a peut-être aussi gardé des porcs dans la montagne ; Sixte est même infiniment plus grand que Capdepont. Ses colères de porcher, s’il en eut, lui, il les boucla et les ardillonna sous son froc de capucin, et il sut jouer cette comédie de la vieillesse, que Capdepont n’aurait pas jouée, qui faisait dire au cardinal San Severino, plus jeune que lui de quelques années, car il ne faut que quelques années de moins sur la tête pour qu’un sot se fasse méprisant : « Ne nous opposons pas à ce pauvre vieux, parce que nous serons les maîtres ! » Or, on sait comme il fut vieux et comme ils furent les maîtres ! Les béquilles rejetées sont peut-être une légende, vraie seulement de beauté, mais c’est tout le règne de Sixte-Quint qui crie : Ego sum Papa ! Certes ! le fougueux Capdepont n’a pas cette grandeur de dompteur sur soi, d’être qui peut dire, comme l’Auguste de Corneille :

Je suis maître de moi comme de l’univers !

Mais s’il l’avait eue, — disons-le à la décharge de Fabre, — le roman n’aurait pas eu peut-être la signification qu’il a, l’auteur aurait fait moins la preuve qu’il voulait faire, et, d’ailleurs, perte immense ! nous n’aurions pas eu la figure de l’abbé Mical, — la plus profonde figure du livre et la plus belle sans en avoir l’air ; — l’abbé Mical, qui croit en Capdepont, qui le veut évêque ; l’abbé Mical, au conseil de prêtre, à l’amitié de prêtre qui va jusqu’aux coups, qui les reçoit et qui les pardonne ; l’abbé Mical, le petit poisson qui conduit ce requin aveugle et qui a plus de mérite que le petit poisson, que le requin ne mangera pas, quand, lui, peut être dévoré par le sien ; l’abbé Mical, enfin, le Père du Tremblay du Richelieu futur, mais autrement sublime, car Richelieu, qui suivait les conseils du Père Joseph, ne le battait pas.

Assez ! Si l’homme qui a trouvé une telle figure, qui comprend ainsi l’amitié du prêtre et son dévoûment, n’est pas encore un catholique, il est bien près de le devenir.

Mais, en attendant, c’est moi qui vous le dis : c’est un fier romancier !