(1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »
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(1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

Chapitre XVII.
Le Retour du Christ. Appel aux femmes 18 !

I

Je ne sais si c’est un Appel aux femmes que les femmes entendront, mais je sais bien que c’est un appel au Public. Pour que le Public l’entende mieux, cet appel, l’auteur, qui (dit-on) est une femme, et qui, en fait de sonorité de talent, n’est peut-être encore qu’une guimbarde, a trouvé deux obligeantes trompettes pour faire, autour de son livre, le rassemblement. La première de ces deux trompettes, qui est vraiment un instrument de publicité formidable, auquel les échos semblent faire la cour, tant ils sont empressés de répéter tout ce qu’il sonne, c’est M. Alexandre Dumas fils ! et la seconde, moins éclatantes, est un tout autre genre d’instrument et de tout autre portée, car c’est un instrument de musique religieuse. Or la musique religieuse peut être fort utile ici, puisque nous nous piquons d’écrire un livre religieux. Le père Didon (de l’ordre des Dominicains) et M. Dumas fils ont trouvé tous les deux, ce livre du Retour du Christ admirable, et ils l’ont dit dans des lettres de beaucoup d’expression. Il est vrai que ces lettres étaient confidentielles et que ce qu’on y disait était pour le tuyau de l’oreille et non pas pour le porte-voix mugissant… Mais la dame, auteur du livre, n’en a tenu compte. Perfide comme l’onde de Shakespeare, et avide de succès comme la nasse l’est de poisson, elle a, sans se gêner, plaqué les deux lettres du père Didon et de M. Alexandre Dumas à la tête de son livre, ne croyant peut-être pas que ces messieurs pussent avoir, chacun, deux admirations, comme maître Jacques deux casaques : une admiration pour le privé, qui n’était pas une admiration pour le public, — une admiration de par devant et une admiration de par derrière ; — et quoi qu’elle en pensât, du reste, se disant, en se frottant ses petites menottes avec la volupté d’un bon tour : « S’ils ont imaginé que je me contenterais d’une admiration tête à tête, je vais joliment les attraper ! »

Et elle les a si bien attrapés, que le révérend père Didon s’est excusé, avec une humilité très empâtée d’embarras, vis-à-vis de ses supérieurs ecclésiastiques, de son admiration confidentielle et trahie ; et que M. Alexandre Dumas fils, plus féroce, a procédé avec la furie d’un homme mystifié, en voulant déférer l’indiscrétion de la dame inconnue aux tribunaux… Oui, le croira-t-on ? M. Alexandre Dumas fils, un homme de lettres et un homme du monde, qui devrait avoir assez de fierté et de hautaine indifférence pour endosser la responsabilité de ses opinions devant tous les genres de publics, a fait, nous dit-on, saisir tous les exemplaires où se trouvait sa lettre. Il est devenu aussi bourgeois que Chicaneau, qui était un affreux bourgeois ! Et cette situation irritée et, il faut bien le dire, un peu ridicule, a été encore pour le livre un avantage de publicité. Aussi la première semaine qui a suivi la furie de M. Dumas, susceptible, à lui tout seul, comme une Assemblée nationale, a fait de cet Appel aux femmes un véritable appel au Public ; et ce n’est qu’après l’avoir lu, que le Public, qui n’est pas toujours une bête, s’est refroidi et n’est plus venu à l’Appel

II

C’est que ce livre n’est qu’une déclamation vide, sans talent et sans sincérité. C’est qu’elle n’est pas même, à proprement parler, un livre, cette prière collective et dramatisée à la Vierge Marie par un bas-bleu mélancolique et troublé, imitateur de ce style mystico-lyrique qui fit la fortune du plus mauvais livre de Lamennais, — les Paroles d’un Croyant, — car parfois ces amphigouris réussissent. Le Croyant de Lamennais commençait alors de ne plus croire. La femme qui vient d’écrire ce livre du Retour du Christ n’est peut-être pas sans croyance, mais elle a un style de Lélia convertie qui n’a pas oublié son ancien langage. Il y a trop de fracas dans sa prière. Évidemment, c’est une femme qui cultive la phrase. C’est une femme de lettres, c’est-à-dire, religieusement, une poseuse. Les femmes chrétiennes, pieuses à la Sainte Vierge, ne prient pas à tue-tête, dans des brochures qui ont l’ambition des succès littéraires. Elles prient obscurément et humblement dans la solitude ou la plénitude des églises et dans le silence des oratoires. Les ascètes et les Saintes, les Saintes, comme sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse, dont nous avons tant de prières touchantes de foi ou sublimes, ne les publiaient pas, de leur vivant, avec des approbations enthousiastes des Alexandre Dumas de leur temps !… Elles ne se présentaient pas au public avec des jupons, faisant de telles rouffles ! Ces tapages d’orgueil leur étaient inconnus. Les Révélations de la Sœur Emmerich, dérobées presque par Brentano à son humilité, ne furent pas publiées par elle. L’Imitation de Jésus-Christ, écrite dans une cellule, était originairement un livre de cloître ; et d’ailleurs, le religieux qui l’écrivit avait dans la pureté de sa doctrine et de sa foi une garantie de la pureté de sa prière. Ceux-là seuls, en effet, ont le droit de prier tout haut, parmi les peuples, qui ne mêlent pas d’erreurs à leur prière, et tel n’est point le cas ici. Selon le père Didon, qui est un théologien et qui doit s’y connaître, il y a dans le Retour du Christ des choses hétérodoxes, c’est là le mot dont il se sert. Il les trouve belles, quoique hétérodoxes, ces choses. Il souhaite que le monde les entende et qu’elles fassent coup, non seulement en France, mais en Europe. Moi, qui n’ai l’honneur ni d’être un religieux, ni d’être un théologien, j’ose avoir une autre opinion. Et même en supposant que ces choses hétérodoxes vinssent de l’ignorance de la dame, il resterait toujours à lui dire, à cette aimable dame qui veut ramener le Christ sur la terre, c’est-à-dire convertir le monde, ce qu’un des derniers curés de Sainte-Clotilde disait un jour en chaire, avec une onction si plaisamment spirituelle, à des ouailles trop échauffées aussi du zèle des conversions : « Mesdames, je vous en supplie, laissez-nous notre besogne. En grâce, Mesdames, ne vous mêlez pas de convertir. » 

Mais femme qui fait des livres n’entend à rien, et tous les curés du monde y perdraient leur latin et la sagesse de leurs conseils. La femme de l’Appel aux femmes, inconnue de nom, n’est pas inconnue de métier. C’est un bas-bleu, je l’ai dit, et la chose est sûre. Il y a toutes sortes de bas-bleus maintenant. Autrefois il n’y avait que des bas-bleus littéraires. Les scientifiques étaient assez rares, mais enfin il y en avait. La Duchâtelet traduisait et commentait Newton, et Voltaire, tout spirituel qu’il fût, l’admirait comme un benêt. Lord Byron, qui a cravaché les bas-bleus dans une comédie de leur nom, prétendait que sa femme, qui était un bas-bleu, savait les mathématiques… Mais de ces temps-là à ces temps-ci, la tendance des femmes vers le bas-bleuisme, ce ridicule transcendant de l’histoire des mœurs contemporaines, s’est généralisée et précisée d’une façon si effroyable, qu’on ne trouvera bientôt plus de femmes en France, on n’y trouvera que des bacheliers. En religion, le bas-bleu, qui est en général libre penseur, ne donne pas beaucoup ; mais à la fin du roman, les Lélias se convertissent, même celle de Mme Sand, dans les dernières éditions, et la femme du Retour du Christ, de ce livre au titre insolemment exagéré, car le Christ n’est pas absent de ce monde ; il y est insulté et flagellé, mais il y reste — heureusement pour le monde — comme il restait au poteau, insulté et flagellé par les Juifs et par les Romains ! — cette femme, au désespoir apocalyptique, est un bas-bleu religieux de la plus belle, c’est-à-dire de la plus haïssable espèce. Hétérodoxe, le père Didon l’a dit et doit le savoir mieux que moi. Mais irrévérente, inconvenante, païenne par l’expression, l’incorrigible expression païenne, elle est bas-bleu. Elle a tous les signes de la Bête. Les femmes catholiques ne parlent pas de la Vierge Marie avec cette poésie fausse, sans mesure et sans tact. Il n’y a qu’un bas-bleu qui puisse parler des amours surhumaines de la Vierge, pluriel pour le moins singulier ! Il n’y a qu’un bas-bleu, à là plume ou à la bouche païenne, qui puisse regretter que la Vierge n’ait pas de prêtresses et qui demande un Clergé de femmes comme d’autres bas-bleus demandent des Académies | Si ledit bas-bleu entend par prêtresses des femmes consacrées au culte de la sainte Vierge, ledit bas-bleu dit une ânerie ; car il est des femmes, dans l’Église, qui ont pour fonction d’honorer particulièrement la sainte Vierge et de l’implorer. Mais l’effréné bas-bleu entend peut-être que les femmes soient prêtresses, comme les hommes sont prêtres. Qui sait ? il veut peut-être que les femmes disent la messe, ce trop fervent bas-bleu ! Selon les bas-bleus, ces terribles et jalouses égalitaires, les femmes, dans ce monde à refaire, sont capables de faire très bien tout ce que font les hommes ; et quand ils le peuvent, ils l’essayent, et c’est même là ce qui leur donne la grâce suprême dont ils sont doués !

III

Mais je dis mal pour ne pas dire assez, quand je parle d’égalitaires. Ce sont les anciens bas-bleus qui croyaient, avec modération, que les femmes étaient égales aux hommes ; c’étaient les vieux casques, parmi ces amazones à casques que veulent être aussi les bas-bleus qui ne demandaient que cette égalité. Mais le bas-bleuisme a marché, comme tout marche dans ce temps à bottes de sept lieues. Il veut à présent non plus d’égalité entre la femme et l’homme, mais la supériorité de la femme sur l’homme ; et c’est en Amérique, le pays du bas-bleuisme à outrance, que nous sommes en train d’imiter avec cette moutonnerie simiesque qui nous distingue, que se dresse, en ce moment, ce fier système, étayé sur cette mâle interprétation de la Bible, que, pour séduire le premier couple, le Serpent s’était adressé de préférence à la femme, comme à la plus intelligente des deux, et qu’il avait pris avec elle la peine de faire des raisonnements qui décidèrent la chute et que l’homme n’aurait pas compris !

Cette doctrine américaine, qui a déjà un pied en France, si elle n’en a pas deux, serait-elle la doctrine du bas-bleu convulsif qui a écrit l’Appel aux femmes ?… Assurément c’est ce que j’ignore, mais pour les bas-bleus religieux comme elle et comme il y en a encore quelques-uns dans la troupe de ces Bacchantes de la Libre Pensée, je ne serais pas surpris que la Vierge fût l’objet d’un culte vrai, quoique impur dans sa source. Sur un être ardent et surchauffé qui, dans tout son livre, ne sait gouverner ni son cœur ni sa main, le culte de la Vierge Marie doit être de la plus grande puissance, non pas en vertu des augustes et surnaturels attributs de la Mère de Dieu, mais en vertu de son sexe même… Les impies de ce temps d’impiété opposent depuis quelques années au Christianisme ce qu’ils appellent le « Marianisme ». Haïssant la Vierge même plus que son Divin Fils, ils croient tuer le fils par la mère. Michelet signalait déjà cette tendance du christianisme à s’efféminiser (c’était son mot, je crois), et il la donnait, avec son prestige infernal, comme un symptôme de mort prochaine pour le christianisme. Mais les bas-bleus ne doivent pas, eux, être de cet avis. À ces esprits de vanité insensée, la Vierge Marie, invoquée sous tant de noms magnifiques dans les Litanies, apparaît surtout comme une femme ; et cette femme prend, à ces orgueilleuses d’être femmes, l’imagination et le cœur plus fort même que le Dieu-Homme ; et c’est ainsi que le bas-bleuisme se retrouve dans leur foi religieuse qu’il infecte, et qu’il fait son impertinente poussée jusque dans le ciel ! Certes, je ne dis pas que le bas-bleu qui implore la Vierge Marie dans son livre et qui a entraîné le père Didon comme les torrents de la Guyon entraînèrent un plus grand et plus fort que lui ; je ne dis pas que ce bas-bleu aberre à ce point et tombe en ces lamentables folies ; mais je dis que son livre le Retour du Christ n’a ni la santé ni le parfum des œuvres chrétiennes. Je dis qu’on respire dans ce livre un air chargé de vapeurs mauvaises, — les vapeurs d’une tête de femme qui joue à la prophétesse et qui ne fera l’effet d’en être une à personne qu’à M. Alexandre Dumas. Il le dit en termes formels. M. Dumas tient l’auteur du Retour du Christ pour « un poëte, un peintre, et peut-être un prophète ». Sans cette déclaration de M. Dumas et sans ce qu’il ajoute à cette déclaration, le livre en question n’aurait pas le pouvoir d’arrêter cinq minutes la Critique. La Critique n’aurait rien à dire de ce livre inconséquent, inconsistant, emphatique, production turbulente d’un esprit perturbé, et le laisserait périr dans l’oubli. Mais ce livre a été l’occasion d’une thèse si monstrueusement erronée et si étonnamment inattendue de la part d’un homme qui donnait de si grandes espérances à ceux qui désireraient que les hommes de talent appartinssent tous au catholicisme, que ce livre a reçu de cela une importance, et qu’on ne peut laisser passer silencieusement cette thèse, ne fût-ce que par respect pour le catholicisme outragé !

IV

Et, en effet, cette thèse inouïe et scandaleuse qui nous arrive à brûle-pourpoint, à propos d’un écrit où la sainte Vierge est tant bien que mal invoquée, n’est rien moins que l’insolente suppression de la Vierge dans la religion catholique ! Pour M. Dumas, la Vierge n’est que « l’éternelle curieuse qui a fait changer l’eau en vin par Jésus (sic), comme elle a voulu (on croyait que c’était Ève) faire manger le fruit défendu à Adam ». Pour M. Dumas, « la Vierge pleine de grâce, — si on veut, — n’est qu’une légende poétique, embarrassante pour le christianisme et qui l’empêchera de triompher ! » C’est, comme vous le voyez, d’une seule négation tout le catholicisme qui s’écroule, le catholicisme auquel M. Dumas, comme tous les hérétiques, oppose un christianisme de sa façon ! Inouïe et scandaleuse en soi, cette thèse est de plus incroyable, venant d’un homme comme M. Dumas et après tout ce qu’on sait de M. Dumas ! Elle est particulièrement incroyable de la part de l’auteur des Idées de Madame Aubray, du livre adorable des Filles repenties, de l’ami de M. Veuillot, ce formidable fouetteur qui, de cette fois, s’est servi d’une discipline bien douce ! Elle est incroyable, et encore plus, incompréhensible de la part de ce catholique… du lendemain. — de ce lendemain qui ne vient jamais, dit saint Augustin, mais qu’on attend toujours ; — et qui, du coup de cette thèse, renonce à une de ses attitudes favorites et renie le catholicisme, avant de l’avoir pratiqué !… Quand on ne comprend pas très bien une affaire, on dit depuis des siècles : « Cherchez la femme ! » Mais c’est précisément la femme qui fait repousser la Vierge Marie à M. Dumas ; c’est la femme qui aurait dû également lui faire repousser le bas-bleu, qui croit à la Vierge, et qu’il admire comme un être sublime ! Prodigieuse contradiction d’un esprit qu’on croyait vigoureux et qui semblait fait d’une seule pièce.

Il est, d’habitude, terriblement rude aux pauvres femmes, M. Dumas. Sa physiologie brutale et cruelle s’oppose à tout enthousiasme pour l’organisation inférieure de cet être faible et sensuel qu’on appelle la femme ; mais il est plus tendre pour les bas-bleus. Ordinairement, quand il parle des femmes, la science et le mépris qui se combinent dans son langage l’empêchent d’avoir peur des mots qu’il emploie. Dans sa lettre sur le Retour du Christ, on trouve une phrase d’une crudité scientifique, immonde et sacrilège, dont les fronts catholiques ne seront pas les seuls à rougir. C’est « qu’une matrice, — je vous demande pardon, mais il faut citer pour instruire, — ne saurait renfermer l’infini ». Vieille et blasphématoire bêtise contre le mystère de l’Incarnation, sous une forme nouvelle qui a l’avantage d’en faire une saleté ! Et pourtant, au moment où il ose écrire cela, et de la même plume, voilà que M. Dumas, ce fier et malhonnête contempteur de la matrice humaine, se met à en glorifier une, qui, si elle ne renferme pas l’infini, renferme la toute-puissante triplicité du peintre, du poëte et du prophète ; des choses si grandes que les hommes les ont appelées divines ! Que dire d’un tel imprévu et d’un tel décousu dans les opinions de ce physiologiste farouche ?… Car, il ne faut pas s’y tromper, ce n’est pas ici le catholicisme de M. Dumas qui n’aboutit point, ce n’est pas ce catholicisme… futur, qui s’escarbouille comme un fruit avant d’être mûr ; mais c’est encore les opinions physiologiques de toute sa vie, qui en font autant, — et qu’il dépose ainsi écrasées, comme des confitures de citrouille et comme un hommage, aux pieds vainqueurs de son bas-bleu !!

V

Cette contradiction, du reste, ces démentis, ces soufflets qu’on se donne à soi-même, ces positions qu’on voulait prendre et dont on dégringole, toutes ces choses qui seront le châtiment et l’expiation de la thèse, ignoblement physiologique, que M. Dumas s’est permise contre la sainte Vierge, empêcheront aussi qu’on accepte, sur le grand et ridicule pied où il le donne, le livre malade de ce bas-bleu, — qui n’est pas bleu comme l’azur du ciel, mais plutôt comme un commencement de gangrène. Je l’ai dit déjà, mais je crois nécessaire d’insister : ce livre du Retour du Christ est d’une telle minceur, qu’il n’eût fait absolument aucun bruit sans les deux bouffettes, mises à la têtière de la bête par M. Alexandre Dumas et le révérend père Didon. Tout le bruit qu’il a fait est venu de ce qu’il paraissait avec un double parrainage, entre M. Dumas et le père Didon, comme un écusson entre son léopard et sa licorne. Évidemment, le léopard était M. Dumas, qui, de talent éclatant, de souplesse et de sinuosité, est assez de cette espèce, brillante et féline… Le père Didon ne pouvait être que la licorne. La licorne est, dit-on, — un animal fabuleux ; et il est fabuleux, en effet, qu’un dominicain, qui devrait être grave et dont la parole a une portée qui ne vient pas de lui, mais de son sacerdoce, donne si légèrement à une femme, pour le moins sans empire sur l’expression déréglée de sa foi, une approbation d’une intimité sans prudence, — dont il s’est vite excusé, aussi vite qu’il l’avait donnée !… Envie de se rattraper inutile ! Ce révérend père à la manche large, qui souhaitait, dans sa lettre, que l’effet du livre de la Madame anonyme s’étendît au loin, malgré ce qu’il avait d’hétérodoxe, restera, malgré son excuse, compromis. Il gagnera même à cela une épithète. On le timbrera de son excuse. Achille s’appelait « aux pieds légers ». Le père Didon, qui n’est pas un Achille ni surtout un Ulysse en théologie, s’appellera pour longtemps, si ce n’est pour toujours, « le père Didon aux lectures légères ».

Et voilà le seul mal qu’aura fait ce Retour du Christ, qui, par lui-même, n’a point le triste honneur d’être dangereux ! Desbarreaux disait : Voilà bien du bruit pour une omelette ! et il la jetait par la fenêtre. Ils ne l’ont pas, M. Dumas et le père Didon, jetée, celle-ci ! par la fenêtre, mais ils l’ont avalée ; et si elle leur fait mal, c’est qu’ils l’avaient empoisonnée avec leurs propres champignons.