Silvestre, Armand (1837-1901)
[Bibliographie]
Rimes neuves et vieilles, avec une préface de George Sand (1866). — Les Renaissances (1870). — La Gloire du souvenir (1872). — Poésies : les Amours, la Vie, l’Amour (1866-1874). — La Chanson des heures (1874-1878). — Dimitri, opéra en 5 actes (1876). — Les Ailes d’or (1878-1880). — Myrrha, saynète romaine (1880). — Monsieur, comédie-bouffe en 3 actes (1880). — Le Pays des roses (1880-1882). — Galante Aventure, opéra-comique en 3 actes (1882). — Le Chemin des étoiles (1882-1885). — Les Malheurs du commandant Laripète (1882). — Les Farces de mon ami Jacques (1882). — Mémoires d’un galopin (1882). — Le Péché d’Ève (1882). — Pour faire rire (1882). — Le Filleul du Docteur Frousse-Cadet (1882). — Mme Dandin et Mlle Phryné (1883). — Les Bêtises de mon oncle (1883). — Contes grassouillets (1883). — Chroniques du temps passé (1883). — Aline, 1 acte, en vers (1883). — Henri VIII, opéra en 4 actes et 6 tableaux (1883). — En pleine fantaisie (1884). — Contes pantagruéliques (1884). — Le Livre des joyeusetés (1884). — Histoires belles et honnestes (1884). — Pedro de Zanalea, opéra en 4 actes (1884). — La Tési, 4 actes (1884). — Le Dessus du panier (1885). — Les Cas difficiles (1885). — Contes à la comtesse (1885). — Contes de derrière les fagots (1886). — Histoires inconvenantes (1887). — Le Livre des fantaisies (1887). — Gauloiseries nouvelles (1888). — Au pays du rire (1888). — Fabliaux gaillards (1888). — Jocelyn, opéra en 4 actes (1888). — Roses d’octobre (1884-1889). — L’Or des couchants (1889-1892). — Contes à la brune (1889). — Contes audacieux (1890). — Histoires joviales (1890). — Contes salés (1891). — Le Célèbre Cadet-Bitard (1891). — Sapho, pièce en 1 acte, en vers (1891). — Le Commandant Laripète, opérette-bouffe en 4 tableaux (1891). — Grisélidis, comédie en 3 actes, en vers libres, avec Eugène Morand (1891). — Portraits et souvenirs (1886-1891). — Histoires extravagantes (1892). — Pour les amants (1892). — Le Nu au Salon (1888 à 1892). — Les Drames sacrés (1893). — Amours folâtres (1893). — Contes désopilants (1893). — Facéties galantes (1893). — Histoires abracadabrantes (1893). — Le Nu au Salon (1893). — Sapho, 1 acte, en vers (1893). — Fantaisies galantes (1894). — La Cosake (1894). — Nouvelles gaudrioles (1894). — Le Nu au Salon (1894). — Veillées joviales (1894). — Chroniques du temps passé (1895). — Fariboles amusantes (1895). — Histoires gaies (1895). — Les Aurores lointaines (1895). — Les Cas difficiles (1895). — Le Nu au Salon (1895). — Le Passe-Temps des farceurs (1895). — Contes au gros sel (1896). — Contes irrévérencieux (1896). — Contes tragiques et sentimentaux (1896). — Le Nu au Salon (1896). — La Plante enchantée (1896). — Récits de belle humeur (1896). — La Sculpture aux Salons (1896). — Trente Sonnets pour Mlle Bartet (1896). — Les Veillées galantes (1896). — Au fil du rire (1897). — Chemin de Croix, 12 poèmes (1897). — Contes grassouillets (1897). — Le Nu au Salon (1897). — Le Petit Art d’aimer (1897). — La Sculpture au Salon (1897). — Tristan de Lionois, 3 actes, 7 tableaux, en vers (1897). — Belles histoires d’amour (1898). — Les Contes de l’Archer (1898). — Histoires gauloises (1898). — Le Nu au Salon (1898). — La Sculpture aux Salons (1898). — Les Tendresses, poésies (1898).
OPINIONS.
George Sand
Les chants que voici (Rimes neuves et vieilles) sont des cris d’appel jetés sur la route. Ils sont remarquablement harmonieux et saisissants. Ils ont l’accent ému des impressions fortes, et le chantre qui les dit est un artiste éminent, on le voit et on le sent du reste. Souhaitons-lui longue haleine et bon courage. Nous avons lu ses vers en épreuves ; nous ne savions pas encore son nom : notre admiration n’est donc pas un acte de complaisance.
Paul Stapfer
La poésie de M. Armand Silvestre est surtout une musique ; comme la musique, elle est perceptible aux sens et à l’âme plutôt qu’à l’entendement ; on dirait que cet artiste s’est trompé sur l’espèce d’instrument que la nature avait préparé pour lui : il semblait fait pour noter ses sensations et ses rêves dans la langue de Schumann, et M. Massenet, en mettant ses vers en musique, a restitué à sa pensée sa vraie forme.
Charles Morice
M. Armand Silvestre, en qui le prosateur rendrait injuste pour le poète, — le poète éperdu de seul lyrisme, — a écrit, dans les Paysages métaphysiques notamment, quelques-uns des plus beaux vers que je sache. Le titre même de cette première partie du recueil de M. Silvestre indique comme ce chanteur, qui laissa depuis la sensualité déborder dans son œuvre, avait le sentiment juste des voies nouvelles.
Marcel Fouquier
Dans les Renaissances, lorsque le poète s’interroge, c’est pour savoir le mot de sa destinée. Dans les murmures de la création, il écoute le chant des morts, dont il sent passer l’âme dans l’air qu’il respire, dans la lumière si douce et pure, par les matins où se fleurissent les prés de toutes les couleurs du printemps. Dans tout cela, pas le plus petit mot drôle : un lyrisme soutenu, soutenu très haut, des images grandioses, de vagues effusions panthéistiques, un sublime voyage sur la croupe d’une chimère, des aurores aux couchants, l’héroïque chevauchée d’un rêveur sur le cheval ailé des Mille et Une nuits. Les Renaissances sont des poésies d’un éclat oriental. Imaginez un Lamartine persan.
Jules Lemaître
Les lecteurs du Gil Blas, qui se délectent deux ou trois fois
par semaine aux amours de l’ami Jacques et aux aventures du commandant Laripète,
ont-ils lu les Renaissances, les Paysages métaphysiques et les Ailes d’or, et soupçonnent-ils que M. Silvestre a été l’un des plus
lyriques, des plus envolés, des plus mystiques et des mieux sonnants parmi les
lévites du Parnasse ? Se doutent-ils qu’il y eut jadis chez cet étonnant fumiste
de table d’hôte, chez ce grand et gros garçon taillé en Hercule qui courait, il y
a quelques années, la foire au pain d’épice, relevant le « caleçon » des lutteurs
(c’est le gant de ces gentilshommes) et sollicitant les faveurs des femmes géantes
visitées par l’empereur d’Autriche, se doutent-ils qu’il y a peut-être encore chez
ce Panurge bien en chair un Indou, un Grec, un Alexandrin ?… Jean-Jacques raconte que,
tout enfant, il allait se poster, à la promenade, sur le passage des femmes et
que, là, il trouvait un plaisir obscur, mais très vif, à mettre bas ses chausses.
« Ce que je montrais, ajoute-t-il, ce n’était pas le côté honteux,
c’était le côté ridicule. »
C’est ce dernier côté qu’étale M. Armand Silvestre avec une
complaisance jamais lasse et une joie jamais ralentie. C’est le champ circulaire
où il s’est délicieusement confiné. L’ampleur charnue de l’ordinaire interlocuteur
de M. Purgon, l’instrument des matassins de Molière, les bruits malséants qui, d’après Flaubert, « faisaient
pâlir les pontifes d’Égypte »
, inspirent à M. Silvestre des gaîtés
hebdomadaires et bien surprenantes… Quand on ne tiendrait aucun compte du talent
qui éclate dans ses poésies lyriques, M. Armand Silvestre garderait
cette originalité d’avoir fait vibrer les deux cordes extrêmes de la Lyre, la
corde d’argent et la corde de boyau… (l’épithète est dans Rabelais) ; et son œuvre double
n’en serait pas moins un commentaire inattendu de la pensée de Pascal sur l’homme ange et bête.
Anatole France
Le monde poétique de M. Armand Silvestre est impalpable, impondérable. Les personnages qu’il crée dans ses magnifiques sonnets sont affranchis du temps et de l’espace. Et, par un contrasté singulier, ce monde diaphane est un monde sensuel ; la passion qui règne dans ces espaces éthérés est la passion de la chair. C’est le miracle de ce poète : il fait subir aux corps une sorte de transsubstantiation et tire de la volupté physique un mysticisme exalté. Je me figure quelques-unes des très belles strophes de M. Silvestre écrites en grec, à Alexandrie, et lues dans la fièvre par quelques disciples de Porphyre ou de Jamblique, et j’imagine que plus d’un aurait saisi dans ces vers des sens symboliques et métaphysiques. Les enthousiastes (il n’en manquait pas alors) eussent salué en l’amante du poète une nouvelle Sophia ; les Renaissances et la Gloire du souvenir, venues à cette heure de l’humanité, eussent donné naissance à une doctrine hermétique.
À un certain degré d’exaltation, le mystique et le sensuel sont amenés à échanger leur domaine. Sainte Thérèse donne à l’amour de Dieu les caractères d’un amour physique, et M. Armand Silvestre prête à la volupté charnelle la noblesse des voluptés idéales.
Henri de Régnier
La lamentable Sapho qu’on a représentée, l’autre soir, toute de rhétorique vide et de faible emphase, a eu raison de faire le « saut fatal » et n’entraine-t-elle pas avec clic et à sa suite, emblématiquement, la « poésie parnassienne », dont elle est un excellent modèle.
Pauvre Parnasse, à qui MM. Stéphane Mallarmé et Verlaine nuisirent tant en s’en séparant jadis, et sur le tombeau délaissé de qui M. José-Maria de Heredia vient, d’une main hautaine et définitive, d’ériger la pompe magnifique de ces admirables trophées.
Pierre Veber
Drames sacrés. — M. Silvestre est le plus naturel des humoristes ; il n’a pas son pareil pour nous faire rire avec la moindre des choses, un rectum, un sphincter, un intestin gicle, des légumes, des déjections, moins encore, un nombril et ses dépendances : avec ça, il vous trousse un petit conte gaillard. Mais si on lui confie de plus amples sujets, il devient impayable. M. Jogand, au temps où il était encore Taxil, semblait moins drôle, je vous assure. M. Silvestre obtient des effets comiques d’une fantaisie irrésistible lorsqu’il glorifie le fils de Dieu. Égarés par la solennité voulue des tirades, par la monotonie des alexandrins blafards, par le pathos des imprécations, les critiques ont cru que c’était sérieux. M. Silvestre doit être bien affligé de n’avoir pas été compris.