Augier, Émile (1820-1889)
[Bibliographie]
La Ciguë, comédie en deux actes (1844). — Un Homme de bien, comédie en trois actes et en vers (1845). — L’Aventurière, trois actes (1848). — Gabrielle, cinq actes (1849). — L’Habit vert, un acte, avec Alfred de Musset (1849). — Le Joueur de flûte, un acte (1850). — La Chasse au roman, comédie tirée d’un roman de Jules Sandeau (1851). — Diane, drame en cinq actes (1859). — Philiberte, trois actes en vers (1853). — La Pierre de touche, cinq actes, avec Jules Sandeau (1854). — Le Gendre de M. Poirier, 4 actes, avec Jules Sandeau (1854). — Le Mariage d’Olympe, cinq actes (1855). — Ceinture dorée, trois actes, avec Ed. Foussier (1855). — Les Pariétaires, poésies (1855). — La Jeunesse, cinq actes en vers (1858). — Les Lionnes pauvres, avec Ed. Foussier (1858). — Les Effrontés, cinq actes en prose (1861). — Le Fils de Giboyer, cinq actes en prose (1862). — Maître Guérin, cinq actes en prose (1864). — La Contagion (1866). — Paul Forestier, quatre actes en vers (1868). — Le Post-scriptum, un acte (1869). — Lions et renards, cinq actes en prose (1869). — Jean de Thommeray, cinq actes, tiré d’une nouvelle de Jules Sandeau (1878). — Madame Caverlet, quatre actes (1876). — Le Prix Martin, trois actes, avec Labiche (1877). Les Fourchambault, trois actes (1878). — Œuvres diverses renfermant les Pariétaires, poésies (1878). — Théâtre complet, en 6 volumes (1876-1878).
OPINIONS.
Pigault-Lebrun
Je me suis arrêté à vos comédies en vers et à celles d’entre elles qui ont mérité le plus de faveur. Vous êtes poète, j’ai voulu surtout marquer votre place, à ce titre, dans la grande littérature, honorer en vous cette constance qui vous porte à chercher les succès difficiles, et vous inviter à marcher résolument dans ce véritable domaine de l’art, que les auteurs comme le public semblent tentés d’abandonner : non que je porte à la comédie en vers une préférence académique et que je lui croie plus de dignité qu’à la comédie en prose ; une grande comédie en prose est assurément une œuvre très littéraire, surtout si elle est l’œuvre d’un seul auteur ; mais la comédie en vers a cet avantage d’une langue particulière qui parle à la mémoire, et d’un art choisi, précis, délicat, et d’autant plus difficile que les esprits auxquels il s’adresse sont plus cultivés.
Nestor Roqueplan
M. Augier, qui est de son temps et qui l’aime, fait la comédie de son temps : les caractères, les mœurs, l’intrigue y ont leur part mesurée et infusée dans un mélange savoureux et piquant.
Paul de Saint-Victor
La comédie de M. Augier transforme la scène en tribune, ses caractères personnifient des partis, c’est une polémique en action. Agressive jusqu’à la passion, elle provoquera les passions contraires. Nous tâcherons de l’apprécier avec l’impartialité qui lui manque. Ce qu’il y a de moins contestable, c’est le talent de l’auteur. Tout le monde n’ira pas applaudir le Fils de Giboyer, mais tout le monde ira le voir, et ses adversaires mêmes seront ses témoins.
Francisque Sarcey
Jamais l’auteur de l’Aventurière n’avait parlé au théâtre une langue plus exacte et plus colorée à la fois. Et quelle force le vers ajoute à l’idée, quand il est frappé au bon coin !
Octave Gréard
Émile Augier n’a écrit que pour le théâtre, et peu de carrières dramatiques ont été plus heureuses. À vingt-quatre ans, il faisait acclamer la Ciguë par une jeunesse née, comme lui, de la veille, à la poésie et à l’enthousiasme. Cette année, il voyait reprendre Maître Guérin au milieu des applaudissements, qui, hier encore, lui apportaient sur son lit de mort comme les premiers hommages de la postérité. De son vivant, l’Aventurière et le Gendre de Monsieur Poirier sont devenus classiques. Et pour qu’à leur tour les Effrontés et le Fils de Giboyer aient obtenu au répertoire leur place définitive, que leur manque-t-il autre chose que ce recul du temps, toujours plus ou moins nécessaire aux comédies de mœurs, qu’il remet au point dans la perspective du passé ?
François Coppée
Depuis la Ciguë, pure œuvre d’art qui résume toute la grâce antique, comme une statuette sortie, intacte et exquise, des fouilles d’Olympie ou de Tanagra, depuis la Ciguë jusqu’à cet émouvant et robuste drame des Fourchambault, qui naguère encore secouait tous les cœurs, Émile Augier n’a compté que d’éclatants succès. Que, dans Gabrielle, qui est une comédie d’une haute moralité, il mît hardiment, dans la bouche des personnages contemporains, le ferme alexandrin du xviie siècle ; que, dans l’Aventurière, il fît passer, à travers ce même vers classique le souffle du lyrisme et de la fantaisie ; que, pris d’une vertueuse indignation, il marquât, dans le Mariage d’Olympe, la fille triomphante avec le fer rouge de la satire ; qu’après un regard épouvanté sur les progrès d’un luxe corrupteur, il dénonçât la courtisane mariée, la lionne pauvre ; — toujours il nous faisait admirer et applaudir des œuvres d’une composition solide et harmonieuse, d’un intérêt poignant et irrésistible. L’action et le dialogue courent, de l’exposition au dénouement, dans une seule et large coulée d’éloquence et de verve, où les répliques se croisent et se heurtent avec des chocs et des éclairs d’épées.
Jean-Jacques Weiss
La comédie des Effrontés appartient au second Augier, celui qui est de son temps plus que de sa race et sur qui les influences de l’air moral ambiant ont eu plus d’action et de pénétration que les instincts de son imagination et de son cœur. Ce second Augier a commencé avec le Mariage d’Olympe. Le premier avait éclaté, irrésistible, avec la Ciguë ; il nous a donné coup sur coup l’Aventurière, Gabrielle, Philiberte ; il a fini par la Pierre de touche, ayant eu cependant encore, depuis la Pierre de touche, deux belles explosions de la nature primitive : la Jeunesse et Paul Forestier. Sauf dans la Pierre de touche, le premier Augier a pris la langue des vers pour instrument comme l’autre la prose.