(1767) Salon de 1767 « Peintures — Ollivier » pp. 299-300
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(1767) Salon de 1767 « Peintures — Ollivier » pp. 299-300

Ollivier

Le massacre des innocens. tableau de 7 pieds de haut sur 10 de large.

Ce tableau, placé très-haut, et composé d’un grand nombre de figures, se voyait difficilement. Je demandai à Boucher ce que c’était. hélas ! me dit-il, c’est un massacre. ce mot aurait suffi pour arrêter ma curiosité ; mais il me parut que c’était un exemple rare de la différence du fracas et de l’action ; de l’intention du peintre et de son exécution, de la contradiction du mouvement et de l’expression. Cela va devenir plus clair ; si les termes me manquent, les choses y suppléeront.

Une femme a ses enfans égorgés à ses pieds, et elle est assise, tranquille dans la position et avec le caractère d’une vierge qui médite sur les événemens de la vie. Une autre femme veut arracher les yeux à un soldat ; cachez la tête du soldat, et vous croirez qu’on le caresse. Cachez la tête de la femme, et découvrez celle du soldat, vous ne verrez plus à celle-ci que la douleur et la résignation immobile d’un malade entre les mains d’un oculiste qui lui fait une opération chirurgicale.

Un meurtrier tient suspendu par un pied l’enfant d’une mère, et cette femme tend son tablier pour le recevoir précisément comme un chou qu’on lui mettrait dans son giron. Ici, une mère renversée à terre, sur le sein de laquelle un soldat écrase du pied son enfant, le regarde faire sans s’émouvoir, sans jetter un cri. Là un cheval cabré se précipite sur une autre femme, menace de la fouler elle et ses enfans, et cette femme lui oppose ses mains au poitrail si mollement que, si l’on ne voyait que cette figure, on jurerait qu’elle colle une image contre une muraille, c’est que le reste est ainsi et qu’il n’en faut rien rabattre. Tumulte aux yeux, repos à l’âme. Rien d’exécuté comme nature l’inspire.

Scènes atroces et personnages de sang-froid. Et puis Ollivier a cru qu’il n’y avait qu’à tuer, tuer, tuer des enfans, et il ne s’est pas douté qu’un de ces enfans qui conserverait la vie par quelque instinct de la tendresse maternelle, me toucherait plus qu’un cent qu’on aurait tués. Ce sont les incidents singuliers et pathétiques qu’entraîne une pareille scène, qu’il faut savoir imaginer, c’est l’art de montrer la fureur et d’exciter la compassion, qu’il faut avoir. Les enfans ne font ici que les seconds rôles, ce sont les pères et les mères qui doivent faire les premiers. Tout cela ne vaut pas ce soldat de Le Brun, je crois, qui, d’une main, arrache un enfant à sa mère, en poignarde un autre de l’autre main, et en tient des dents un troisième suspendu par sa chemise. On voit à droite la façade d’un péristile, et dans les entre-colonnemens une foule de petites figures agitées qu’on ne distingue pas. Le massacre s’exécute sur une place publique, au centre de laquelle sur un piédestal une figure qui semble ordonner de la main.

Et le faire comme d’une estampe précieusement enluminée. Si ce peintre avait placé son tableau entre celui de Rubens et celui de Le Brun, je crois que nous ne l’aurions pas vu. un portrait. — Une femme savante. du même.

Tous les deux bien coloriés, quoique un peu roussâtres ; vérités dans les étoffes ; détails bien ressentis ; incorrection de dessin, quoique ensemble. Plus on regarde ces deux petits tableaux, plus on les aime, parce qu’il y a de la simplicité et du naturel. Ils sont peints, ainsi que le suivant, dans la manière de Wouwermans. une famille espagnole. du même.

Les têtes du père et de la mère sont d’ivoire. Ici les figures pèchent par le dessin, mais ne sont pas ensemble. La nayade qu’on a placée au bord d’un bassin est sèche comme de la porcelaine. La couleur locale est charmante partout. Les robes sont de vrai satin ; le vêtement du père fait bien la soie.

Le petit enfant placé devant ses parens est à ravir ; Wouwermans ne l’aurait pas peint plus fin de couleur, ni plus spirituel de touche, il est bien posé ; la lumière dégrade à merveille sur lui ; cette figure est un effort de l’art. Il y a à droite une petite forêt tout à fait précieuse : l’air circule entre les arbres, et l’œil voit loin au travers. Il y a à gauche un escalier où les enfans jouent ; ces enfans et le perron sont à plusieurs toises d’enfoncement, ce qui se fait admirer. Le ciel est bien d’accord avec le tout ; il est colorié, vigoureux et fuyant. L’eau qui est à gauche sur le devant n’a jamais été mieux imitée par personne, ni le fluide, ni l’herbe qui en sort.

La nayade, statue mauvaise d’exécution, fait bien pour l’ordonnance, et se peint avec vérité dans le fond de l’eau.

Le livret annonce d’Ollivier d’autres ouvrages que je n’ai pas vus.