(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 507-511
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 507-511

HOUTEVILLE, [Claude-François] de l’Académie Françoise, mort à Paris, sa patrie, en 1742.

La réputation de son Ouvrage de la Vérité de la Religion, prouvée par les faits, ne se soutint pas long-temps, quoique ce Livre l’eût fait recevoir à l’Academie. L’Abbé Desfontaines fut un des premiers à en faire connoître les défauts, & sa critique se trouva bientôt d’accord avec le jugement du Public, qui revint, à cette occasion, de ses premiers applaudissemens. La nouvelle édition corrigée, que l’Auteur en donna quelque temps après, n’eut pas le pouvoir de le réhabiliter. Pour y réussir, il eût fallu refondre l’Ouvrage en entier. Plan, style, choix des matieres, rien n’étoit analogue au grand & riche objet qu’il avoit à traiter. Est ce par une élocution maniérée, néologique, surchargée de chutes épigrammatiques, qu’on peut se flatter de confondre l’Incrédule & de faire triompher la vérité ? Ces minces ressorts peuvent éblouir les esprits faciles, dans une Brochure ou un Ouvrage de Philosophie. La Religion dédaigna toujours de pareilles armes, & désavouera quiconque osera y recourir contre ses adversaires.

HUET, [Pierre-Daniel] Evêque d’Avranches, de l’Académie Françoise, né à Caen en 1632, mort à Paris en 1721.

Tous ses Ouvrages abondent en une érudition qui étonne l’esprit & suppose l’étude la plus longue, la plus immense & la plus réfléchie. Son Traité de l’Origine des Romans offre tant de recherches curieuses, de remarques instructives, de décisions judicieuses en matiere de goût, qu’il lui donneroit une place distinguée parmi les Littérateurs, quand il n’auroit pas d’autres titres.

La Démonstration évangélique est d’un autre genre. Cet Ouvrage, le plus riche, le plus complet, le plus décisif qu’on ait en matiere de Religion, réunit à la multitude des preuves historiques, un ordre & une force de style qui en rendent la lecture intéressante. Ceux qui se plaignent de n’y pas trouver assez de raisonnemens, ignorent que la Logique (dont on peut abuser) n’est pas toujours propre à éclairer & à convaincre l’esprit ; que l’enchaînement des faits conduit de lui-même & sans peine à la connoissance de la vérité. Les Ecrivains qui ont attaqué la Religion, se sont attachés à des faits particuliers qu’ils ont ajustés à leur maniere, pour en tirer parti en faveur de l’incrédulité. M. Huet les présente tous sans déguisement ; il y joint les autorités propres à les appuyer ; il en rend la conséquence facile & victorieuse à tout esprit juste & dégagé du préjugé des passions. C’est par-là que son Ouvrage est devenu classique dans toutes les Théologies de l’Europe. Il le composa avant d’avoir embrassé l’Etat Ecclésiastique, où il n’entra qu’à l’âge de 46 ans. Louis XIV, qui connoissoit tout son mérite, lui donna l’Evêché d’Avranches, l’associa au grand Bossuet pour l’éducation de M. le Dauphin, en qualité de Sous-Précepteur. Ce fut M. Huet qui traça le plan & dirigea l’exécution de tous ces Commentaires utiles, qu’on nomma Dauphins. Il se démit de son Evêché, afin d’avoir plus de temps à donner à l’étude, & se retira ensuite à la Maison Professe des Jésuites de Paris, où il passa les vingt dernieres années de sa vie.

On a encore de cet Auteur plusieurs Ouvrages de Géométrie, de Philosophie, de Morale, de Politique, d’Histoire, de Critique, de Grammaire, de Poésie Grecque & Latine, dont la plupart sont estimés. Son Histoire du Commerce & de la Navigation des Anciens, est dans la maniere de l’Auteur, c’est-à-dire qu’on y trouve une érudition sage & éclairée par un jugement exquis. Son Traité philosophique de la foiblesse de l’Esprit humain, lui a suscité des Censeurs. Il est vrai qu’il y soutient des paradoxes ; mais ces paradoxes n’ont rien qui puisse faire croire qu’il ait douté des vérités de la Religion, comme un des Coryphées de la Philosophie n’a pas craint de l’assurer. Telle est la ruse ordinaire des Incrédules : ils s’efforcent d’associer à leur Secte tous les Grands Hommes, en jetant malignement des nuages sur la sincérité de leur foi. M. Huet n’a jamais rien dit ni rien avancé qui puisse favoriser cet odieux artifice. Il fut toujours aussi fidele à ses devoirs, que zélé pour la gloire de la Réligion, & mourut dans des sentimens dignes des Ouvrages qu’il avoit publiés pour la défendre.