Brumoy, [Pierre] Jésuite, né à Rouen en 1688, mort à Paris en 1742.
Plusieurs Auteurs se sont empressés de suivre la carriere qu’il avoit tracée. Son Théatre des Grecs nous a procuré plusieurs autres Théatres étrangers, mais tres-éloignés du mérite du sien. Le P. Brumoy possédoit trop supérieurement l’esprit d’analyse, le génie de la traduction, les finesses du goût, pour pouvoir être facilement égalé par des Littérateurs qui n’ont eu ni autant d’application que lui, ni autant d’avantage du coté du sujet.
Ce qu’on peut lui reprocher, n’est pas son admiration pour les Tragédies Grecques, mais trop de penchant à détruire les nôtres. Corneille & Racine ont sans doute puisé dans Sophocle & dans Euripide le goût des vraies beautés théatrales ; mais, quoique Disciples des Tragiques d’Athenes, ils ont néanmoins très-souvent égalé, & quelquefois surpassé leurs modeles, & le sont devenus à leur tour. C’est parce qu’on s’éloigne trop de cette noble simplicité, qui fut toujours l’objet de leur émulation, qu’on donne à présent dans l’extraordinaire, dans le bizarre, ou dans le foible. Peut-être aussi le manque de talent est-il la vraie source de cette disette de bonnes Tragédies. Il n’appartient qu’au génie d’égaler le génie ; & la médiocrité ou le monstrueux sont ordinairement le partage de ceux qui, sans mission, veulent figurer sur la Scene, qui n’admet que les grands Maîtres.
Les beautés de la langue Latine étoient aussi familieres au P. Brumoy, que celles de la langue des Grecs. Il est vrai que son Poëme des Passions n’est pas tout à fait dans le goût des Poésies du beau siecle d’Auguste. Il a préféré l’abondance des images, la vivacité des descriptions, & sur-tout la multiplicité des détails, à cette sage sobriété, à ce style moëlleux & facile que le goût inspiroit lui-même aux Virgile & aux Horace. Cela n’empêche pas qu’on ne lise cet Ouvrage avec autant d’utilité que de plaisir.
Le P. Brumoy s’est exercé aussi dans l’Histoire, & nous croyons pouvoir assurer, d’après la lecture des onzieme & douzieme volumes de l’Histoire de l’Eglise Gallicane & de quelques autres morceaux historiques de sa façon, que ce n’étoit pas là son talent le plus décidé.
1. Brun, [Laurent le] Jésuite, né à Nantes en 1607, mort à Paris en 1663 ; Poëte Latin qui a prétendu égaler les plus grands modeles, en n’imitant que les titres de leurs Ouvrages. Son Virgile Chrétien consiste, comme le Virgile Païen, en Eglogues, en Géorgiques & en un Poëme épique en douze Livres, avec cette différence, que les sujets de dévotion sont substitués aux sujets de la Fable. Son Ovide Chrétien est dans le même goût ; tout y change de face : les Héroïdes sont des Lettres pieuses ; les Fastes, les six jours de la création ; les Tristes, les Lamentations de Jérémie ; un Poëme sur l’amour de Dieu, remplace celui de l’Art d’aimer, l’Histoire de quelques Conversions tient lieu des Métamorphoses. On ne peut disconvenir qu’un pareil projet, soutenu par de grands talens, ne fût très-louable, & ne pût avoir d’heureux succès pour l’éducation de la jeunesse. C’est ce que le P. le Brun s’étoit proposé ; mais ce n’est point en imitant les titres des Ouvrages de Virgile & d’Ovide, qu’il pouvoit remplir son objet ; c’est en tâchant d’égaler le mérite des Ouvrages mêmes, ce dont il est bien éloigné, malgré sa bonne volonté.