4. FRANÇOIS, [Louis] Avocat au Parlement de Paris, des Académies de Nancy, de Lyon, de Marseille & de Dijon, né à Neuf-Château en 1752.
Le Philosophe de Ferney a autant célébré celui-ci, qu’il a décrié le précédent. Il est vrai que les talens prématurés de M. François pour la Poésie, méritoient d’être accueillis du Patriarche de nos Poëtes. A l’âge de douze ans, il avoit été reçu dans les Sociétés Littéraires dont il est Membre. Il ne paroît pas que, depuis ce temps, il se soit encore attaché à des Ouvrages de grand genre. Un éruption trop précoce auroit-elle affoibli dans lui les germes du génie ? Nous aimons mieux croire que, par une prudence peu ordinaire dans ce Siecle, il préfere l’avantage solide de cultiver, dans le silence de l’étude, les heureuses dispositions qu’il a reçues de la Nature, à l’éclat subit & passager d’une réputation trop prompte. L’exemple de tant de jeunes Icares, qui ont perdu leurs ailes dès le premier essor de leur vol inconsidéré, lui a sans doute fait sentir la nécessité de laisser croître & fortifier les siennes.
C’est ainsi que nous nous sommes exprimés sur le compte de ce Littérateur, dans les précédentes Editions de notre Ouvrage. Depuis la derniere, il a publié différentes Pieces de Poésie, qui prouvent que ses talens ont fait des progrès sensibles vers la perfection. Tel est, entre autres, son Discours sur la maniere de lire les Vers, remarquable sur-tout par le mérite d’une Versification variée, & par l’art d’exprimer noblement & avec élégance les choses les plus communes.
Cet éloge ne paroîtra pas suspect, quand on saura que M. François nous a adressé dans l’Almanach des Muses de cette année, une Epître pleine d’humeur, au sujet de ce que nous avions dit de la prématurité de ses talens. C’est un singulier spectacle de voir avec quelle constance les Petits-esprits crient à l’outrage, depuis la sinistre publication des Trois Siecles, & combien les blessures de leur amour-propre les rendent ingénieux à échauffer leurs partisans. Depuis que leur malheureux Auteur a osé parler de regles & de goût à des Poëtes bizarres & volontaires, de clarté & de méthode à des Prosateurs décousus & nébuleux, de force & de chaleur à des Ecrivains froids & symétriques, de bons sens & de précision à des Moralistes enthousiastes & confus, de justesse & de raison à des Philosophes inconséquens & téméraires ; dès-lors notre Siecle, ce Siecle, grace à leurs prouesses, le plus ingénieux, le plus éclairé, le plus merveilleux, le plus heureux des Siecles, s’est vu, d’après leurs déclarations, méconnu dans ses richesses, calomnié dans ses lumieres, ouvrage dans ses prodiges, troublé dans sa felicité ; dès-lors des milliers de bouches éloquentes se sont ouvertes à la plainte, aux clameurs, à la plaisanterie ; dès-lors l’Abbé SABATIER n’a plus été qu’un Cuistre, qu’un polisson, qu’un méchant Critique & un Critique méchant. Ainsi les animaux lucifuges se révoltent, par leurs cris, contre le jour qui les éclaire. Quand l’illusion s’est affermie par le succès, la vérité devient odieuse, son langage importune ; on tâche en vain de ramener aux principes, on n’excite qne des clameurs.