(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 418-420
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 418-420

Cahusac, [Louis de] Secrétaire des Commandemens de M. Le Prince de Clermont, de l’Académie de Montauban, sa patrie, & de celle de Berlin, mort à Paris en 1759.

Le succès de sa Tragédie de Pharamond, & de sa Comédie de Zénéide, ne prouve autre chose, qu’un de ces momens de séduction, où le Public approuve ce qu’il est forcé de condamner ensuite, quand la réflexion vient l’éclairer.

Il n’en est pas de même de ses talens lyriques. Le Théatre de l’Opéra ; où il se fraya une route nouvelle, lui procura des applaudissemens mérités. Il eut l’art de rappeler les grandes machines, si négligées depuis Quinault. Les Pieces qu’il a composées en ce genre, annoncent une adresse heureuse pour ajuster le merveilleux au fond du sujet, & le faire naître des circonstances amenées sans effort . Il fut varier les divertissemens, les lier à l’action, les animer, & se former une versification un peu froide à la vérité, mais naturelle, & propre à développer les talens du célebre Rameau, qui se chargea de la musique de ses Poëmes. On peur, par cette raison, le placer entre Quinault & la Mothe, en distinguant les différentes nuances qui les caractérisent tous trois. Ce n’est pas une petite gloire pour M. de Cahusac, d’avoir réussi dans un genre de poésie où tant de Poëtes célebres, & M. de Voltaire lui-même, ont échoué.

On ne sauroit trop répéter à ceux qui s’engagent dans cette carriere, que la Scene lyrique est moins jalouse de la régularité, que de la pompe ; de la vraisemblance, que du merveilleux ; de la morale, que du sentiment. Pourvu qu’on choisisse bien son sujet, qu’on en regle ingénieusement l’economie, qu’on distribue ses personnages avec choix, que les situations forment des tableaux, pourvu que la fable soit susceptible d’incidens extraordinaires, de divertissemens délicatement variés & tirés du fond même de l’intrigue, de décorations pompeuses ou agréables, on sera toujours sûr de remplir l’objet de cette partie de nos spectacles, & de la sauver des dégoûts d’une ennuyeuse monotonie.

En donnant ces préceptes, nous ne prétendons pas les appliquer à l’affectation trop commune de ne choisir jamais que l’amour pour ressort d’intérêt. Cette passion parasite devient, sous le pinceau des Poëtes lyriques, aussi fade que dangereuse ; & sa domination perpétuelle sur ce genre de spectacle, énerve le goût & les ames, & en éloigne les personnes sages. Des Héros efféminés, des images licencieuses, des madrigaux emmiellés, ne sont propres ni à former ni à divertir une Nation jalouse de la véritable gloire. N’est-il pas facile de trouver mille moyens d’intéresser les Spectateurs avec fruit ? Des sentimens nobles & fermes, l’amour de la Patrie, le triomphe des Arts, le danger du vice, le tableau des vertus, la terreur du crime, l’amour de l’humanité, &c. ne sont-ils pas des sujets capables d’occuper comme d’embellir la Scene ? Malheur au goût & aux mœurs d’un Peuple qui les rejetteroit, sur-tout s’ils étoient traités par des talens aussi supérieurs, qu’ennemis de la corruption.