Beaume Desdossat, [Jacques-François de la] de l’Académie des Arcades, Chanoine d’Avignon, sa patrie, mort en 1756, est principalement connu par ses Christiades, ou le Paradis reconquis, Ouvrage en prose, où sont observées toutes les regles de la Poésie épique, mais où celles du goût sont fort négligées. Des longueurs insupportables, peu de variété dans les images, un style incorrect & traînant, en rendent la lecture ennuyeuse, quoique le sujet soit le plus intéressant qui ait encore été traité. Cette Christiade néanmoins vaut bien autant que le Paradis reconquis de Milton, ce qui n’est pas un grand éloge.
Beaumelle, [Laurent Angliviel de la] né à Valleraugue, Diocese d’Alais, en 1727, mort à Paris en 1773.
Les Mémoires pour servir à l’Histoire de Madame de Maintenon ont plus réussi à le rendre célebre, que les injures de M. de Voltaire à le rendre odieux. Quand même il seroit vrai que, dans ses Mémoires, M. de la Beaumelle n’a pas toujours eu l’exactitude historique & la discrétion convenable, on ne peut lui refuser une maniere de raconter vive, intéressante, pittoresque, énergique. Quelque temps avant sa mort, il se proposoit de donner une nouvelle édition de cet Ouvrage. Il en auroit fait disparoître ce qu’il y a de défectueux, & l’eût rendu, à peu de frais, un des meilleurs que nous ayons en ce genre, comme il est un des plus curieux par les anecdotes qui y sont rassemblées. Où cet Auteur paroît véritablement original, c’est dans ses Lettres à M. de Voltaire, en réponse au Supplément à l’Histoire du siecle de Louis XIV. Nous ne connoissons point d’Ouvrages polémiques qui offrent un aussi grand nombre de traits d’esprit, de vivacité, de force, & de cette éloquence qui suppose autant de vigueur dans l’ame, que de chaleur dans l’imagination. M. de Voltaire ne jugea pas à propos d’y répondre autrement, que par quelques escarmouches qui n’ont fait du tort qu’à lui seul. On peut donc le regarder dans ce démêlé, comme le Comte de Gormas devenu la victime du premier coup d’essai du jeune Rodrigue.
M. de la Beaumelle a publié un Livre intitulé Mes Pensées. Ses amis conviennent, & il en est convenu lui-même, que l’inexpérience de la jeunesse, la trop grande fermentation des idées, la liberté des pays où il écrivoit alors, l’ont entraîné dans des assertions sur la politique, que sa raison plus mûre a condamnées ensuite. Puisqu’il s’est rendu ainsi justice à lui-même, on ne doit pas le priver des louanges qu’il mérite, pour les vues profondes, les pensées vives, les critiques justes, & sur-tout pour la maniere nerveuse & précise avec laquelle il y exprime toutes ses idées. Son Commentaire sur la Henriade, qui n’a paru qu’après sa mort, est le meilleur Livre de critique littéraire qu’on puisse mettre entre les mains des jeunes gens, pour leur former le jugement & le goût. Il a laissé une Traduction complette de Tacite, que ses héritiers se proposent de donner au Public. Nous pouvons prédire, d’après les différens morceaux qu’il nous en avoit lus, & d’après sa maniere d’écrire en François, qui approche beaucoup de celle de Tacite en latin, que cette Traduction sera digne de l’original.