(1874) Premiers lundis. Tome II « X. Marmier. Esquisses poétiques »
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(1874) Premiers lundis. Tome II « X. Marmier. Esquisses poétiques »

X. Marmier5.
Esquisses poétiques

Sous ce titre modeste, le petit volume de M. Marmier renferme beaucoup de pièces pleines de grâce et de naturel. Comme tous les élégiaques du temps, il est placé au point de vue purement individuel : ce sont des souvenirs d’enfance, des regrets du premier amour, des plaintes sans amertume sur une condition obscure et gênée, des vers harmonieux aux châteaux, aux bois, aux amis qu’il aime ; des vœux de loisir et de rêverie, des confidences de ses goûts qui révèlent une nature aimante et mélancolique.

Ceci est bien : les jeunes cœurs tendres et ouverts aux sympathies ont dû passer par cette phase mélancolique à leur entrée dans un monde égoïste et oisif ; livrés à des occupations sans rapport avec leur vocation secrète, ils ont dû placer leur idéal dans cette vie opulente et facile dont ils sont les témoins un peu jaloux : ils rêvent un véritable paradis à deux, dans le parc de quelque vieux château, à l’ombre des hautes futaies ou des charmilles.

M. Marmier a exprimé ces sortes de rêves avec une vérité douce et vive de fraîcheur. Disons-lui pourtant que cette source d’inspiration est bien monotone et ne tarde pas à s’épuiser ; que cette fraîcheur se fane vite ; et que la poésie, ainsi entendue, n’engendre que soupirs, langueur et désenchantement de la vie. Au lieu d’envier le sort et de flatter par ses désirs la molle existence des oisifs, ne serait-il pas temps pour le poète de tourner la tête vers l’avenir, et de regarder, au sein de l’ardeur et des mouvements du siècle, l’enfantement merveilleux de ce qui va devenir l’espérance, la foi et l’amour du monde ?