(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 271-272
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 271-272

Sédaine, [Michel-Jean] de l'Académie d'Auxerre, né en 17..

Peu d'Auteurs dramatiques ont eu une destinée aussi singuliere. Heureux dans la représentation de ses Pieces, la lecture devient pour elles un poison mortel. La raison de cette différence de fortune sur un même objet, est assez sensible : M. Sédaine s'est plus attaché à peindre aux yeux qu'à l'esprit, & il faut convenir qu'il y a parfaitement réussi. Quelques situations, quelques traits de sentiment, une pantomime aussi adroitement ménagée qu'il est possible de le faire, peuvent amuser quelques instans le Spectateur, mais sont entiérement perdus pour le Lecteur, à qui rien ne fait plus illusion.

D'après ce principe, les lauriers de M. Sédaine ne dureront que tant qu'on jouera ses Pieces, parmi lesquelles le Public a distingué Rose & Colas, On ne s'avise jamais de tout, le Roi & le Fermier, le Déserteur, plus amusantes par quelques Ariettes, heureusement mises en musique, que par le fond de l'intrigue & l'intérêt des caracteres.

Il n'a pas été aussi heureux sur le Théatre de l'Opéra, où sa Reine de Golconde a paru très-inférieure à l'Aline de M. le Chevalier de Boufflers, qui lui en a fourni le sujet.

La Scene Françoise ne lui doit encore que le Philosophe sans le savoir, qu'on peut dire être tous les jours applaudi sans savoir pourquoi. En effet, ce Drame ne répond ni à son titre, ni aux regles du Théatre. Il est assez difficile d'en définir les caracteres ; celui du Philosophe sur-tout est rempli de bizarreries, d'invraisemblances, & de puérilités. De petits détails, de petits moyens, de petits sentimens, de petites peintures, de petites simagrées, sont les seuls ressorts qui en composent tout le mérite. Malgré cela, le Peuple en est extasié, & se plaît à le voir souvent représenter. On ne doit pas lui envier ce plaisir, en attendant que nous ayons des Auteurs plus capables de l'amuser, sans lui faire illusion.

M. Sédaine est beaucoup plus agréable dans ses petites Poésies. Quoi qu'en disent les Critiques, l'Epître à mon Habit, plusieurs de ses autres Epîtres, & quelques-unes de ses Chansons, auront toujours de l'agrément, du sentiment, & de la gaieté.