(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 230-231
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 230-231

MAROLLES, [Michel de] Abbé de Villeloin, né en 1600, mort à Paris en 1681 ; Traducteur peu estimé, mais digne d’éloge à beaucoup d’égards.

Ceux qui ont suivi depuis la même carriere, & qui se font un point d’honneur de le mépriser, ont oublié, sans doute, que les premiers pas, en tout genre, sont ceux qui coutent le plus, & qu’une route non frayée rend toujours les progrès plus difficiles. Nous avouerons que les Traductions de l’Abbé de Marolles sont trop serviles & très-plates ; mais, sans son secours, Plaute, Lucrèce, Virgile, Juvenal, Catulle, &c. n’auroient pas encore paru, dans notre Langue, avec la perfection dont nos bons Ecrivains l’ont enrichie. Les Traducteurs eux-mêmes auroient dû sentir qu’il leur a été d’une très-grande utilité. Malgré sa sécheresse, il est communément exact & fidele à rendre non seulement le sens, mais tous les mots de la phrase ; & c’est toujours beaucoup de trouver de bons matériaux, qu’il ne s’agit plus que de mettre en œuvre & d’embellir. L’Abbé de Marolles entendoit très-bien la Langue de ses Originaux, mérite qui n’est pas toujours le partage de nos Faiseurs de Traductions. Par-là, il est devenu un guide sûr, qu’ils n’ont eu que la peine de suivre.

On a aussi de lui des Mémoires, qui seront estimés de quiconque est capable de connoître le prix d’une narration claire, méthodique, naïve, qualités préférables au ton embarrassé ou à la fausse chaleur que plusieurs Ecrivains n’ont pas su éviter dans leurs récits.

L’Abbé de Marolles avoit essayé de traduire Virgile en Vers. A cette occasion, on doit lui savoir plus de gré d’avoir compris que c’étoit la vraie maniere de traduire les Poëtes, qu’on ne doit lui reprocher son imprudence d’avoir entrepris un pareil Ouvrage avec aussi peu de talent pour la versisication. Liniere avoit très-fort raison de répondre à ce mauvais Versificateur, qui se vantoit de ce que les Vers ne lui coutoient rien, ils vous coutent ce qu’ils valent.

Il avoit encore traduit Martial d’une maniere si maussade, que Ménage mit sur l’exemplaire dont l’Abbé de Marolles lui avoit fait présent, Epigramme contre Martial.