(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 275-276
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 275-276

MAUPERTUIS, [Pierre-Louis Moreau de] de l’Académie Françoise, & de celle des Sciences de Paris & de Berlin, né à Saint-Malo en 1697, mort à Bâle en 1759.

Aussi bon Philosophe qu’habile Littérateur, il a fait marcher de pair les Lettres & les Sciences. Dans ses Ouvrages, l’élégance ne nuit point à la profondeur, la précision à la clarté. La méthode y rend tout intelligible, & facile à retenir. Tour à tour Géometre, Astronome, Naturaliste, Géographe, Moraliste, il est partout Ecrivain instructif & amusant, parce que les leçons plaisent toujours quand elles n’ont point l’air de leçons, & quand on a l’art d’éclairer l’esprit, sans le rebuter par un ton dogmatique. Les matieres les plus abstraites deviennent intéressantes sous sa plume, par la maniere agréable dont il les présente, & par les fleurs qu’il a su y répandre, sans cet air de prétention & de suffisance, qui rend les ornemens ridicules, & par conséquent plus qu’inutiles.

Ces qualités, jointes à ses vertus sociales, lui mériterent l’estime, la bienveillance, & même la familiarité d’un grand Roi, qui a prouvé, à son égard, qu’il faisoit encore plus de cas des vertus que des talens. L’amitié distinguée dont ce Prince l’a honoré, devoit lui attirer des envieux ; mais M. de Maupertuis n’a eu que des Adversaires qui se sont déshonorés, en voulant porter atteinte à sa gloire. Le plus acharné de tous, a été celui qui avoit mis au bas de son portrait :

Son sort est de fixer la figure du monde,
De lui plaire, & de l’éclairer.

Le Roi de Prusse le défendit lui-même pendant sa vie ; il l’a même défendu après sa mort : preuve certaine que les véritables Grands Hommes ne perdent rien en cessant d’exister.