Boulainvilliers, [Henri] né en 1658, mort en 1722.
L’amour des Systêmes a détruit presque toute l’utilité qu’on pouvoit retirer de ses Ouvrages historiques. Il avoit de grandes connoissances dans l’Histoire de France ; mais les lumieres dirigées par l’esprit particulier, deviennent en peu de temps des lumieres fausses, équivoques, dangereuses, & l’on devroit travailler à se corriger de ce défaut, avant d’entreprendre aucun Ouvrage.
Ce qu’il a avancé sur l’excellence du Gouvernement féodal, prouve qu’il est des Auteurs capables de fermer les yeux au flambeau de la raison & à celui de l’expérience. Ils ont beau revêtir leurs paradoxes de l’appareil d’un raisonnement captieux, répandre sur leur style les charmes de l’éloquence, employer toutes les ressources de l’art pour séduire les esprits, l’illusion n’a presque jamais son effet, ou, si elle subsiste quelques momens, la réflexion la proscrit bien vîte, & l’Auteur paradoxal ne recueille que le blâme qui lui est dû.
On a fait paroître, sous le nom du Comte de Boulainvilliers, plusieurs petites Brochures contre la Religion, & entre autres, une qui a pour titre, le Dîner du Comte de Boulainvilliers : elles ne sont pas de lui. Après s’être égaré sur les principes de l’Histoire, il a bien pu avoir des idées peu exactes sur le Christianisme ; mais il est avéré qu’il n’a jamais poussé le délire jusqu’au point d’enfanter de pareilles horreurs. Il mourut entre les bras du P. la Borde, Prêtre de l’Oratoire, qui rendit un compte édifiant de ses derniers sentimens.