(1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »
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(1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Brizeux
Œuvres Complètes

I

M. Brizeux vient de mourir. Si le style est l’homme, comme l’a dit Buffon, il a dû mourir de la poitrine. M. Brizeux (tout le monde le sait) est un Breton qui a bretonne le plus qu’il a pu en français, et, selon nous, pas assez encore. Il est mort… serait-ce de nostalgie ? loin de sa province, à l’autre extrémité de la France, loin de ces landes que, dans son meilleur temps, il avait chantées ; et grâce à la libéralité du gouvernement de l’Empereur, il a pu être rapporté dans le pays qui l’a vu naître, et qui n’a pas seulement été sa patrie, mais qui a été son talent.

Nous n’avons, certes ! qu’à applaudir à cette faveur d’une tombe dans la patrie, faite à un poète qui fut national et qui était assez pauvre pour rester exilé, après sa vie, à la place où il était mort… Avec la grâce franche, qui décore le don même qu’elle fait, le Ministre de l’instruction publique, qui est le Ministre des Lettres, a regretté de ne pas avoir à offrir à la famille de Brizeux une somme plus forte que celle qu’il a déposée sur son cercueil. Mais, pour ceux qui aiment en tout les harmonies, un don plus grand aurait peut-être moins convenu. Il eût été moins en rapport avec la modestie du poète et la chasteté de son talent. Les poètes qui, comme Brizeux, n’ont eu jamais que le touchant mobilier de Sterne, — une jatte de lait, une chemise blanche, et une conscience pure, — n’ont pas besoin d’un mausolée. Une obole suffit pour leur tombeau.

Et d’ailleurs ici, c’est obole pour obole. Dieu lui-même, en fait de talent, n’a pas donné plus à Brizeux.

Il n’avait que cela. Mais avec cela on gagne le ciel, et la Gloire elle-même peut s’acheter à ce prix : pourquoi Brizeux n’aurait-il pas eu sa gloire ?… Hélas ! il ne le voulut pas ! L’homme a la faculté superbe d’être prodigue, même avec rien, et Brizeux a été l’Enfant prodigue de son obole : il l’a coupée en quatre, dispersée, jetée à tous les vents ! Tout le temps qu’il garda pieusement ce pauvre don de Dieu, qui devait être son unique richesse, ce fut pour lui ce denier qui est tant compté dans l’Évangile, et qui s’y appelle le denier de la veuve et de l’orphelin. Mais quand il voulut échanger l’humble et loyale monnaie contre le faux or littéraire de son temps, ce qu’il tint du siècle ne remplaça pas ce qu’il lui donna. « Le monde ne nous rend rien pour une seule des joies qu’il nous ôte », a dit lord Byron avec son inexprimable mélancolie. Il ne nous rend rien non plus pour nos mérites, quand une fois il nous les a pris.

II

Tel fut l’enseignement de sa vie et le triste destin de Brizeux. Né avec un talent de poète, d’une délicatesse presque fragile, — mais la perle, dit-on, est malade, — Brizeux, dont le nom seul exprime tout ce qu’il fut, est mort comme poète, non pas hier, — il y a quelques jours, — comme les journaux l’ont annoncé, mais il y a déjà longtemps. La Critique le savait bien, elle ; mais elle s’en taisait. Elle n’est pas toujours impitoyable. La Critique, qui dit, comme la Médecine, au perçant regard : « Cet homme que vous voyez là, et qui va encore, il est mort ! » la Critique ne voulait pas se croire elle-même, quand elle le pensait. Elle avait aimé cet enfant, qui a vieilli sans devenir un homme ; et la pureté dans la faiblesse, cette chose si rare dans des temps d’inspiration grossière, l’empêchait de dire qu’il n’était plus ! Cependant elle aurait pu noter le jour et presque l’heure de cette mort prématurée. Le Piferario des landes de Bretagne, puni pour les avoir quittées, le joueur de biniou, à l’haleine suave, avait expiré au dernier vers de ce poème de Marie, qui a commencé sa renommée et qui l’a finie en même temps, — blanche aube qui ne devait pas devenir une aurore !

Vous le rappelez-vous, ce poème de Marie ? Il parut à temps, et ce fut là aussi son succès, encore plus que le talent qu’il promettait. Il vint en effet à l’heure fatigante et embrasée des artificielles splendeurs de la poésie romantique. Nous n’en pouvions plus. Nous avions besoin d’un verre d’eau fraîche. On en avait assez, pour le moment, des flamboyants panoramas de l’Orient par M. Hugo, des riches mollesses de M. de Vigny, et de l’énergie, — à tout prix, hélas ! — de M. Barbier. Voilà que tout à coup quelque chose s’en vint de Bretagne, un chant, — simple, avant tout, agreste et triste aussi ; car la poésie moderne, même celle qui vit aux champs et qui les aime, est vouée à d’indicibles et fatales tristesses. La Sérénité, cette idéale qualité de la pensée forte, n’appartient ni aux âmes de ces temps troublés ni à leurs orageuses littératures.

C’était jeune, cette voix, c’était presque enfantin, et ce n’était pas de Musset, pourtant ; de Musset, toute la jeunesse d’alors à lui seul ; de Musset, qui régnait sur les imaginations contemporaines, dont il avait fait autant de caméléons qui lui reflétaient son génie !

Eh bien, si peu poète qu’on pût être, c’était beaucoup, à cette époque, que de n’être pas de Musset. Incertaine encore dans sa forme, souple comme certaines femmes, plus parce qu’elle était mince que parce qu’elle était nerveuse, tremblante sur son vers comme l’épi sur sa tige, la poésie de Brizeux était faible autant d’inspiration que de structure. C’était la plainte interrompue, reprise et répétée, d’un homme au premier amour de sa vie, et qui n’avait pas su se faire aimer. Byron aussi avait, un jour, et à l’âge de Brizeux, manqué de la force qui se fait aimer. Mais Byron, comme les poètes absolument grands, avait les toutes-puissantes qualités de la Nature immortelle qui se purifie de ses propres orages, et fait venir ses plus belles moissons dans du sang. Lord Byron s’était consolé de sa Marie Chaworth, en écrivant cette poésie qui s’appelle le Rêve. Brizeux ne se consola pas en écrivant la sienne. Il n’avait pas ce qui console de tout les grands poètes : l’égoïsme de leur génie. Si pour Byron la première douleur de l’existence ne fut bientôt que ce rêve inouï qu’il a si divinement chanté ; pour Brizeux, le rêve lui-même était la vie, et quand, éphémère comme tous nos songes, le rêve douloureux s’en alla, la vie qu’il était, la vie poétique de l’auteur de Marie, s’en fut avec lui !

III

Cependant il restait encore la Bretagne. À l’amant délaissé de Marie, il restait ce qui vaut mieux à aimer qu’une femme ; — son pays. Certes, Brizeux a aimé le sien. Qui en doute ? Il était de cette terre qu’il a lui-même caractérisée :

La terre de granit, recouverte de chênes !

et où tout est solide et profond, jusqu’à l’amour qu’on a pour elle. Marie, sa Marie, sa douce dédaigneuse, il ne l’a peut-être autant aimée que parce qu’elle lui réfléchissait et lui symbolisait la Bretagne ; parce qu’il pouvait les appeler toutes deux dans celui de ses vers qui a le plus de cette inexprimable chose qu’on nomme le charme, faute d’y rien comprendre :

Cette grappe du Scorff, cette fleur de blé noir !

Mais cet amour de la Bretagne, qui a donné un goût de terroir à ses meilleurs vers, ne fut point en lui la passion qui, à force d’intensité, monte quelquefois jusqu’au génie. Nous l’avons dit au commencement de ce chapitre, malgré l’amour vrai de son pays, dont il eut encore plus pourtant la coquetterie que l’amour, Brizeux, le Breton, n’a pas été assez Breton. Il ne l’a pas été, par exemple, comme Burns a été Écossais. Burns, lui, s’est contenté d’être un Écossais à trente-six carats, comme le diamant, et il eût fièrement dédaigné d’être autre chose ! Ce rude et joyeux jaugeur, au bonnet bleu et à la branche de houx, ce chanteur de chansons, le soir, dans les granges, ce joueur de violon et de cornemuse — qui ne l’est pas qu’en vers — et qui faisait réellement danser dans leurs sabots les meunières et les batelières de l’Écosse, a toujours vécu sur le cœur de son pays, et il y a trouvé sa force et sa gloire. Une seule fois, je crois, il l’a quitté pour aller à Londres, mais ce ne fut pas long ! Il revint bientôt à son cher pays, comme l’enfant qui saigne revient à sa mère.

Brizeux ne fut jamais Breton avec cette franchise, cette impétuosité, cette rondeur et cette obstination… écossaise ! Il n’avait pas ce bonheur d’être un paysan, — un vrai paysan, — dans un poète. La civilisation, cette Dalila de toutes manières, lui avait coupé les cheveux, à ce Celte qui, d’ailleurs, n’avait jamais été Samson. Il était un lettré. Il vint à Paris, Paris lui passa la main sur la tête, lissa les derniers grains de son granit et lui donna le poli qu’il aime. On le vit, le Lakiste énervé du Léta, rimer des Ternaires pour la Revue des Deux-Mondes, et chanter les nombres de Pythagore, comme un élève de l’École Normale, en récréation et en gaieté !

IV

Ainsi le lettré, le bel esprit, l’homme d’école et d’imitation remplaça ce qu’il y avait de timidement poète, — mais de poète après tout, — dans le rougissant auteur de Marie, et le Breton se naturalisa Parisien. C’est ce que certains critiques appelleront peut-être, dans la langue devenue officielle qu’on jargonne aujourd’hui, la seconde époque de Brizeux : mais pour nous, hélas ! c’est la plus triste, la plus lamentable manière de se survivre à soi-même ! Encore une fois, à dater de là, Brizeux a cessé d’exister. Transporté loin de son buisson, dont il est l’étoile, est-ce que le ver luisant ne s’éteint pas ?… Le poète bucolique de Marie, devenant le poète lyrique de La Fleur d’or, de cette fleur qui veut être encore le genêt des landes abandonnées, mais qui ne l’est plus, Brizeux perdit le naturel de sa manière, et en le perdant il perdit tout, car il n’avait que cela.

Désormais, au lieu de ces poëmes flottants, rattachés les uns aux autres sous l’agrafe d’un même nom et d’une même pensée, paysages bretons, peints à la sépia, un peu tremblés par la main du peintre, mais qui nous pénètrent pourtant de leur touchante couleur brune, Brizeux publiera des vers ouvragés et creux, sous des titres tout à la fois ambitieux et vulgaires. Il écrira des hymnes à la Liberté, à l’Esprit, à Florence. Lui, ce garçonnet d’hier, et toujours garçonnet, quoi qu’il fasse, qui s’en allait le long des haies, écorçant son bout de sureau, se mettra comme les graveurs d’à présent, à faire des camées. Le frêle pâtre, qui n’avait qu’une haleine d’enfant à insinuer dans un chalumeau, voudra jouter avec le plus robuste poumon qui ait jamais soufflé dans un rythme vide. Il imitera M. Victor Hugo : écoutez-le :

             Pôle effrayant de la pensée,
Qui pourrait, sans vertige, atteindre à ta hauteur ?
             L’âme humaine, aisément lassée,
Fuit tes sommets de glace et l’ardent équateur !

V

Ce qu’il faut fuir, c’est une pareille poésie. Brizeux, tué par elle, n’était pas si bien mort qu’il n’eût conscience parfois des dévorants amphigouris dont il était victime. Il a voulu expliquer, dans une préface, l’idée que n’expriment pas ces divers morceaux, réunis sous ce titre, qui n’est intelligible que s’il est menteur : « La Fleur d’or ». La Fleur d’or signifie, le croira-t-on jamais ? un voyage des bourgs de Bretagne aux villes d’Italie ; « double voyage idéal et réel », dit le Breton, devenu Revue des Deux Mondes. « Heureux, ajoute-t-il, qui s’en tient aux seules émotions de l’âme, aux habitudes du foyer, aux simples soirs du pays natal… mais combien pourraient dans la vie et dans l’art négliger la science et impunément se passer d’elle ? » Et voilà pourquoi il est parti ! Voilà pourquoi ce Breton, qui n’était pas assez Breton pour être le Burns de sa Bretagne, a laissé derrière lui, dans ce pays qu’il n’aurait jamais dû quitter, la seule poésie qui se fût donnée à sa faiblesse ?… Que pouvaient et la Science et l’Art et même l’Italie pour la pauvre Muse de Brizeux ? Les filles de Bretagne s’attachent aux algues des rochers pour mieux se noyer sur leurs grèves, a dit Chateaubriand !

Il en fut donc fait ! Seulement, comme ceux-là qui regrettent le mal accompli, lorsqu’il est irréparable, Brizeux, à qui l’Italie ne donna pas de facultés nouvelles, voulut revenir une dernière fois aux inspirations premières de sa jeunesse, et le poème de Primel et Nola marqua cette volonté du retour. Il était trop tard. On ne ressuscite pas la Muse. Ce n’est pas impunément qu’un poète, fait pour rester sédentaire, est devenu nomade. Il y perd l’accent du pays. Cependant, il faut être juste, Primel et Nola et les dernières pièces de ce volume que Brizeux laisse à la Postérité, qui ne les prendra pas, je le crains bien, sont au-dessus, sans être très-haut, des pièces insupportablement affectées, métaphysiques, panthéistiques, et à contresens de toute manière sincère, qui composent le livre de La Fleur d’or. On y retrouve au moins l’observation du détail simple, ingénu, domestique, et cette couleur locale, déjà vue et goûtée dans Marie, mais que dans Marie elle-même on voudrait plus profonde ; car nous sommes en Bretagne, et la Bretagne est un pays de clair-obscur. Dans des poésies du genre de celles de Brizeux, précisément, la couleur locale devrait avoir un profond, un bistré, un ton d’or noir, qui eût rappelé l’intérieur enfumé de ces fermes et de ces cabanes, qu’il n’aurait jamais dû quitter, et à la porte desquelles il aurait pu un jour trouver la gloire que Burns y trouva, l’heureux homme ! sans tant se mettre en peine de la chercher !

VI

Mais, encore une fois, c’était Burns ! et Brizeux n’est pas même Wordsworth. Wordsworth qui, moins local que Brizeux, a peint comme lui des paysans, des colporteurs, des charretiers, des mendiants, des fileuses, des femmes qui vont au lavoir, tous ces êtres de réalité naturelle, pittoresque et charmante, plus près que nous de la poésie des choses, Wordsworth a des manières de les regarder très-nouvelles, et nous nous permettrons de dire : très-inventées, car on invente pour arriver au vrai. On invente le chemin qui y conduit. Pointillé à nous impatienter les yeux, l’auteur du Vieux Pauvre du Cumberland, de Lucy Gray, de l’Enfant aveugle, ose des recherches d’originalité, souvent heureuses, et au milieu des infiniment petits du détail, il sait ouvrir de l’horizon. Il en met derrière les brins d’herbe qu’il compte trop ! Brizeux n’a point ces qualités. Il est infécond et circonscrit. Ses meilleures pièces ont dix vers, et les deux derniers sont toujours le dernier soupir de l’homme qui expire… Il ne sait pas jouer des airs longs. André Chénier souvent aussi n’a que dix vers, qui sont toute son haleine ; mais de quelle flûte ce peu d’air enchanté sort ! Brizeux n’a pas la flûte de cristal d’André Chénier ; il n’a qu’un biniou ; mais qu’importe l’humilité de l’instrument, quand celui qui joue est un maître ! qu’importe la langue que l’on parle, quand on sait vraiment la parler ? Le Génie en patois est encore du génie, et parce qu’il n’a pas le soutien d’un idiome riche, harmonieux, complet, comme la grandeur dans l’indigence, il n’en est, — à nos yeux du moins, — que plus beau !

Mais voilà ce que Brizeux le lettré ne comprit pas et ne pouvait pas comprendre. Il n’était pas assez poète pour se passer d’une langue toute faite, et celle qu’il a parlée purement, mais mollement en ces vers, est toute chargée des influences du temps et de l’heure où il les écrivit ! Sa langue, à ce Breton, est, en définitive, la langue de tout le monde, — de tout le monde des poètes du xixe  siècle et sans exception ! C’est celle que parlent, en échos, tous les écolâtres qui s’amusent à ce jeu de raquette des vers ! C’est cette cliquette que nous entendons, à chaque nouveau recueil de poésies, depuis Lamartine ou Chénier.

Pas une seule fois, dans ces trois livres de vers, pas une seule fois, un mot, un tour, — une étrangeté, — une incorrection qui sente le dialecte et les âpres habitudes de sa province n’est venu se mêler à la langue de ce poète par trop francisé à la fin, de ce chantre des mœurs bretonnes, sans courage quand il s’agit de risquer à propos un mot patois !

VII

Nous l’avouerons, c’est ce qui nous a le plus frappé, le plus choqué en relisant dernièrement Brizeux. Oui, en vérité, c’est cette imperturbable éducation d’université, c’est cette culture d’Académie, qui ne se dérange pas une seule fois, qui n’entre pas une seule fois dans le tour de langage populaire et qui en craint le barbarisme, quand le Génie, lui, n’en aurait pas peur ! Oui, c’est cela qui nous fait répéter ici que ce Breton n’est qu’un Breton qui s’est traduit… ou trahi lui-même, et qui n’a pas assez bretonné.

Ah ! c’est toujours la même histoire. Quand les réputations ne sont pas des impostures, elles ne sont que des à-peu-près ! Brizeux, le Breton Brizeux, passe pour national, et il l’est, jusqu’à un certain degré, sans nul doute ; mais il ne l’est pas comme il devrait l’être ! et qui l’eût cru ? c’est au Breton que la Critique s’adresse aujourd’hui pour lui demander compte du poète, pour lui reprocher de ne pas l’avoir fait plus fort et plus grand. Plus Breton, en effet, il eût été poète. La Nationalité l’aurait pris et porté plus haut dans ses bras puissants, mais il ne fallait pas hésiter avec le génie de sa race, puisque l’autre génie, il ne l’avait pas. Il fallait être hardiment Breton. Il fallait rester en Bretagne, et puisqu’il était faible, appuyer sa faiblesse aux dolmens de ce pays, qui sont solides, qui ne bougent pas, et que l’homme ne peut emporter. Il fallait s’attacher à ce sol, rester dans la poussière de ce sol, et ne pas croire qu’en passant une fleur de genêt à sa boutonnière, comme les Athéniens mettaient une cigale d’or dans leur cheveux, pour dire qu’ils étaient autochtones, on était assez Breton comme cela ! Breton bretonnant, Breton et demi. Breton en français, autant qu’on peut l’être, voilà ce qu’aurait dû être Brizeux ! La Nationalité, dans ces proportions-là, lui aurait créé un génie, et il en aurait eu un ; elle l’aurait décuplé, croyez-le bien ! Ah ! quand les inspirations de la poésie personnelle s’abaissent et tarissent chaque jour de plus en plus, il ne nous reste bientôt plus pour être poète que la patrie ! Et le meilleur conseil à donner à tous ceux qui ont du talent et même à ceux qui ont du génie, c’est de le mêler à la sainte poussière du pays, c’est de le faire rentrer, ce génie, dans cette terre sacrée, afin qu’un jour il en ressorte, fils du sol, beau comme le coursier de Neptune !

VIII

Depuis sa mort, les amis de Brizeux ont publié ses Œuvres complètes. Dans leur zèle d’amitié (n’ayez jamais de zèle !) et leur voracité de gloire pour cet Impassible du tombeau, ils ont fait deux volumes épais de ces choses légères. Ils ont pris tout le portefeuille. Ils l’auraient volontiers raclé… Ils ont versé de ce cidre breton par-dessus les bords. Je ne suis pas Breton, mais je n’en suis pas moins du pays des buveurs de cidre, comme Brizeux. Or, dans mon pays, tout à côté du sien, quand le cidre, notre hydromel de paysans, a été coupé avec de l’eau et qu’il n’a plus sa franchise et sa vaillance première ; quand son ambre pâli ne pétille plus, on ne l’appelle pas encore « du petit baire », ce dernier des noms et cette dernière des nuances, mais on dit : « c’est du mitoyen. » Eh bien ! c’est du cidre breton, mais du mitoyen, que je trouve dans le verre de Brizeux. Il a été coupé avec de l’eau de Seine, — et précisément avec celle-là qui passe sous le pont des Arts — et bien en face de l’Institut !

Je l’ai dit plus haut. Mais ce qu’on croit la vérité ne change pas, et c’est pour cela qu’il ne faut pas craindre de la répéter. Brizeux, que les gens de Paris ont cru exclusivement Breton, parce qu’ils ne l’étaient pas, et que les Bretons ont aimé, parce qu’il n’était pas devenu tout à fait Parisien à Paris, Brizeux, qui avait le bonheur d’avoir une langue complète et magnifique, dans laquelle il eût pu être Breton tout à son aise et chanter la Bretagne, et qui a mieux aimé nous la dire, la Bretagne, en vers français, n’était pas, selon moi, assez profondément de son pays ; je ne dis pas de cœur, mais de génie. Il y a bien quelque chose de lui en kimri, — deux ou trois notes de galoubet, mais enfin dans la plupart de ses poésies il a fui son idiome natal, comme il a quitté son pays.

Quitter son pays ! Moi je crois qu’on l’emporte ! Le fameux mot de Danton est une bêtise… et une grossièreté4 ! Mais si je me trompe, si réellement on le quitte, allez ! on ne l’en aime que mieux ! Tout devient si beau quand on se retourne, — et surtout quand on ne peut revenir ! Il y a dans l’éloignement du pays des nostalgies toutes-puissantes à créer, sur la cornemuse des pâtres ou la flûte des poètes, des Ranz des vaches irrésistibles. Mais abandonner l’idiome natal, traduire soi-même sa sensation et sa pensée, c’est-à-dire laisser aux difficultés et aux différences d’une autre langue le plus pur de son génie, car tout génie est consubstantiel de la langue dans laquelle il est né, ce n’est pas là, certes ! être assez Breton, à mon sens normand, à moi qui n’ai qu’un patois et qui suis jaloux de la langue que Brizeux n’a pas assez parlée… Et savez-vous pourquoi ; car il faut bien le dire ? Pour avoir quelques lecteurs de plus !

Voilà le grand reproche à faire avant tout à ce poète, qu’on nous a trop donné pour un Breton pur-sang et immaculé, aussi pur que l’hermine de son pays. L’hermine dans Brizeux n’est pas morte, mais elle est malade. Avant toute critique de détail que l’on peut faire de sa poésie, voilà le reproche qu’on a droit d’adresser au poète, qu’il atteint et enveloppe dans l’intensité de son inspiration et l’ensemble de son talent. La Nationalité poétique de Brizeux n’est pas intense, et l’on en est d’autant plus frappé que tout le long de ses poèmes il ne cesse de s’exhaler en regrets sur le compte de cette Nationalité compromise ou perdue. Partout il pleure la vieille Bretagne et ses coutumes originales et fortes, et, tout en pleurant, ce singulier affligé, dont l’affliction la plus grande est encore l’inconséquence, abolit en lui, librement et volontairement, ces originalités savoureuses qui auraient donné à son talent la trempe vibrante et l’énergie que naturellement il n’avait pas. Il tremble que la civilisation ne passe son agréable rouleau sur la terre vierge et âpre de son pays, et il se jette tête baissée dans cette civilisation, absolument comme Gribouille se jette dans l’eau de peur de se mouiller.

Cette intéressante uniformité, qui tend à s’emparer de l’univers pour lui donner de tous les côtés le même visage, paraît à son imagination un malheur d’ennui et de platitude incomparable, et lui, lui qui appartient encore à un peuple à physionomie, il efface la sienne avec le scrupule de ces vaillants qui croient que tout ce qui est expressif ou pittoresque touche au ridicule. Enfin il pleure sur ses braies, mais il les sacrifie… bien différent de ces Écossais qui se faisaient tuer pour ne pas en porter ! Tel est Brizeux. Le portrait que MM. ses éditeurs publient à la tête de ses Œuvres doit être ressemblant, mais il trompera l’imagination de plus d’un ou de plus d’une, qui a rêvé de l’auteur de Marie. Ce n’est pas même là le Brizeux auquel on s’attendait ; Brizeux le Brisé, brisé de cœur, de voix, de rythme, de talent aussi, car son talent éclate parfois tout à coup et se brise dans une fêlure. Non ! c’est M. Auguste Brizeux, qui n’a l’air nullement Celte, avec sa redingote noire et son lorgnon jeté par-dessus. On le prendrait plutôt pour un sous-préfet que pour un poète idylliquement sauvage, — mon Dieu ! oui, un sous-préfet en tournée et qu’une conscription aurait fatigué !

IX

Idyllique, — il l’est, en effet, et parfois avec un charme à lui ; — mais sauvage, il ne le fut jamais, même quand il voulut le plus l’être, car il a voulu l’être à un certain moment de sa vie dont nous parlerons tout à l’heure, quand il fit son poëme : Les Bretons. C’est par l’idylle et l’idylle élégiaque qu’il commença sa renommée, et malgré des efforts soutenus, comme on n’en aurait guère attendu de sa gracieuse faiblesse, et qui prouvent que l’entêtement n’est pas la force, même chez les Bretons, c’est par ce seul genre de poésie qu’il se soutiendra dans la mémoire des hommes. Combien de temps ? Je n’en sais rien. Les poésies qui ne sont que tendres, rêveuses, venues de l’âme bien plus que du génie qui a, lui, plusieurs âmes, s’évaporent vite comme certains parfums suaves. Tous les jours ne rencontrons-nous pas dans les littératures des vers ravissants, oubliés ?…

Beaucoup d’entre les vers de Brizeux ont ces qualités, la tendresse, la grâce et plus que la grâce, l’innocence. Sa poésie est une poésie blanche, mais elle l’est à la manière de ce qu’on appelle la messe blanche ; la consécration n’y est pas. Ce quelque chose, qui est le génie, qui fait qu’on n’oublie plus, et que des vers, cette chose qui passe comme les sons et les souffles, s’attachent à nos mémoires comme une tunique de Nessus, mais une tunique de Nessus voluptueuse, Brizeux ne l’a point, et quoique d’être exclusivement Breton lui eût donné, dans le talent, bien des choses qui lui manquent, ce sentimental cultivé, dont nous regrettons la culture, n’était pas, au fond, plus organisé pour avoir du génie en kimri qu’en français. Ce n’était qu’un talent d’une originalité relative.

Comparez-le à un autre idyllique-élégiaque, — André Chénier, par exemple, — et malgré tout, malgré l’inspiration sensuelle et païenne, la vieille mythologie usée, tout un monde connu et l’imitation archaïque d’André qui se fait Grec, et aussi malgré l’inspiration chrétienne au contraire, qui donne toujours un accent profond, malgré des mœurs neuves en poésie, et supérieures en morale, enfin malgré tous les détails du pays moins connu et moins classique de ce Breton qui se défait Breton, voyez si l’originalité, l’inoubliable originalité, n’est pas du côté de celui qui devrait être, à ce qu’il semble, le moins original des deux ! André Chénier ! mais Victor Hugo lui-même, avec sa couleur orientale, cet homme du gothique flamboyant, ne nous a pas effacé Chénier, tandis qu’il n’y a pas de poète au xixe  siècle qui, par le contraste, ne puisse nous éteindre ces gouaches de Brizeux dont la céruse ne nous parut lumineuse que parce qu’elles étaient sur le fond gris-sale de la Revue des Deux-Mondes !

En effet, où Gustave Planche était critique, un poète comme Brizeux devait paraître presque éblouissant ! Le poème de Marie, qui fut publié là pour la première fois et qui est resté le chef-d’œuvre de son auteur dans l’opinion générale, ne fut qu’un succès de nuances. Brizeux avait enlevé celle de ce poème, avec une grande légèreté de main, au monde du sentiment et au monde de la sensation, mais ni l’un ni l’autre de ces deux mondes n’y avaient été exprimés de manière à porter dans les esprits, où il éveille d’immortels échos, ce violent coup de l’originalité qui est comme la détonation du génie ! Il n’y avait dans le poème de Marie qu’un peu de Bretagne et qu’un peu de jeunesse. Voilà tout ! Deux duvets ! celui d’une fleur des landes jusque-là irrespirée et celui de l’adolescence sur une joue que le premier amour venait de mouiller de sa première larme. Brizeux lui-même disait de sa personne d’alors :

Je n’avais que seize ans, léger de corps et d’âme ;
Mes cheveux entouraient mon front d’un filet d’or.

Et l’on croirait quand il parle ainsi qu’il parle de son talent, qui n’eut jamais que seize ans… Cela finit par devenir trop jeune, comme le filet d’or, aminci quand il ne grandit pas, finit, incertaine auréole, par ne plus ressembler qu’à un fil !

Mais si la grande originalité qui n’a pas d’âge, l’originalité absolue, manquait à Brizeux, à ce poète parfumé de Bretagne, mais qui n’en était pas pénétré, la relative qu’attestent ses poésies leur donne une valeur qui l’emporte, selon moi, sur bien des poésies que nous avons vues se produire depuis qu’il n’est plus. J’aime mieux pour mon compte cette simple et quelquefois trop simple poésie de Brizeux que la poésie vide de cruches, qui se croient des amphores, de ces Grecs du xvie  siècle, au xixe , qui se croient aussi des Grecs ! Je l’aime mieux que toute la poterie de verres de Bohême des Fantaisistes. Ici au moins, dans Brizeux, si la vérité n’est pas intense, elle n’est que diminuée. S’il n’y a point de passion profonde, il y a de la passion attendrie. Enfin, si la puissance des choses appuyées ne s’y montre pas, il y a le charme des choses qui s’y glissent, comme les sourires et les larmes.

Malheureusement, pourquoi faut-il que dans cette idylle élégiaque de Marie l’unité de sentiment ne soit pas plus respectée que l’unité de composition, et qu’entre deux tableaux d’un amour naïf, dans un pays fruste, il nous tombe tout à coup sur la tête un Hymne à la Beauté, dédié à M. Ingres encore ? Et plus loin, pan ! pan ! un autre Hymne à la Liberté et à M. Georges Farcy, si ce n’est par la raison déplorable et déjà donnée de cet incroyable besoin d’être un lettré moderne, quand on est de naissance, et qu’on s’en vante assez, un poète breton !

Ainsi, dès Marie, dès son premier souvenir et son premier poème, le Breton s’interrompt dans Brizeux, et l’homme moderne, l’homme des langages les plus communs de ces temps, apparaît. Plus tard, — et vous n’attendrez pas longtemps, — vous verrez dans Les Ternaires et une foule d’autres poèmes se produire la prétention philosophique, platonique, anaxagorique, pythagorique, dans la plus insupportable poésie géométrique où Dieu est appelé « Beau triangle équilatéral ! » par ce Breton qui, à l’autre page, invoquera saint Corneli, le patron des bœufs ! Si bien qu’on se demande où est, — ici ou là, — l’inspiration sincère, ou si le Breton, dans Brizeux, n’est pas une de ces ruses familières aux poètes de décadence, quand ils veulent réveiller, par un caviar quelconque, les imaginations blasées et engourdies. Mais, en ce cas là, Chatterton, qui s’est fait moine au xiie  siècle, et non pas une moitié de moine, serait un peu plus fort que lui !

X

En effet, ce Brizeux qui s’est brisé en deux, cet homme mi-parti et dédoublé, qui tantôt est un Français en Bretagne et tantôt un Breton à Paris, a voulu un jour être plus que Breton, lui qui ne l’était pas assez. Il a voulu forcer sa teinte et il a essayé d’être Armoricain. Les gens de Paris l’avaient trouvé si agréablement Breton qu’il s’est dit, connaissant peu son monde du reste, qu’il allait leur donner de la Bretagne ancienne avec de la Bretagne moderne, puisque la moderne leur avait plu ; et il se mit à écrire en vingt-quatre chants son poëme épique et populaire intitulé Les Bretons. C’eût été l’ouvrage de sa maturité, si la maturité avait été possible à ce talent, toujours de seize ans… Hélas ! avec l’expérience de cet âge ingénu, le pauvre Brizeux se trompait. Il ne savait pas que dans cet adorable pays qui n’était pas le sien, il ne faut jamais revenir sur une sensation. Or, ce n’était guère que la même qu’il allait donner.

Hormis en effet le plan de son poème, qui est ambitieux, et le labeur que l’on y sent, comme l’enclume, si elle avait une âme, sentirait le marteau, Les Bretons n’ont guère (quand ils les ont toutefois) que les qualités idylliques qui firent la fortune de Marie et de quelques pièces du poème qui suivit celui de Marie : La Fleur d’or. C’est toujours le même biniou qui joue juste et quelquefois mélodieux, pour peu qu’il ne joue pas longtemps, car Brizeux a l’haleine courte, comme Virgile : seulement, Virgile l’avait aussi longue que pure dans ses vers. Quant à la harpe de Merlin, dont il est parlé beaucoup dans Les Bretons, je ne l’ai pas entendue. Dans ce poème de longue haleine entrepris par une haleine courte, dans ce conte de l’âtre ou du lavoir, qui s’entremêle ou plutôt s’emmêle de légendes, le faux Épique fait perpétuellement tort au Bucolique vrai, et l’on voit trop à travers la chevelure ébouriffée du petit pâtre se dresser la longue et solennelle oreille du Marchangy ! Imagination qui n’est pas de force à se passer d’avoir vu, Brizeux aurait-il vu les scènes grandioses qu’il ne devine pas, qu’il n’aurait pas de langage pour les décrire.

La langue de cet homme de la terre des chênes et des granits est correcte, mais molle, et quand elle veut être nerveuse, elle devient sèche. Il n’a aucune des majestés nécessaires aux entrepreneurs des vastes épopées. Homère, quand il peint Nausicaa au bord de la fontaine, est toujours Homère. Il y a beaucoup de Nausicaa sur les bords des fontaines de Bretagne ; mais Brizeux, ce monsieur en noir et si bien peigné, qui a laissé là ses braies bariolées et ses longs cheveux celtes, ne rappelle pas plus le génie d’Homère que ses haillons !

Le croirez-vous ? il n’a pas craint de s’appeler quelque part « un poète rural »… Pourquoi pas municipal ?.. Un poète rural ! Ce n’est pas armoricain, cela, que je sache ! Je ne l’insulterai pas, moi, de ce mot dont il s’est insulté : j’aime mieux dire que c’était un poète qui n’a pas assez respecté la virginité de ses impressions premières, mais chez qui pourtant les premières impressions ont résisté aux élégances d’école auxquelles il se forma plus tard. Coquillage des bords de la Bretagne, mis sur l’étagère des belles dames, il y bourdonne les bruits lointains des flots de la mer… Cela fait rêver et ne fait pas souffrir… Cela est presque joli à entendre. Je l’ai entendu dire : « cela est joli, Brizeux ! » et il le méritait. Il n’avait que la grâce de sa faiblesse, et il l’a encore efféminée, en se civilisant si bien.

Il n’a réussi que dans les choses petites. Les compositions, ces ensembles qui ne tenaient pas et qu’il nous a donnés comme des poèmes sous les noms de Marie et de La Fleur d’or, ne sont, après tout, que des poésies diverses où les plus courtes sont, sans épigramme, les meilleures. Je citerai après les Élégies à Marie, toutes les pièces A ma mère, L’Aveugle, ce sujet qui a toujours inspiré les poètes, Ne va pas rester sur ton livre, Le Maçon, Le Cheval Jobi, etc. Il faut un cadre étroit à Brizeux, et c’est pour cela sans doute que, tenté par les dimensions de l’ovale, il a voulu faire des camées. Malheureusement, pour des camées il faut aussi un graveur, il faut le poinçon hardi, mordant et infaillible.

Brizeux avait la main trop rêveuse et trop caressante pour bien manier ce dard de la pensée. Sa vraie, sa plus nette supériorité, à lui qui méditait les grands poèmes, et qui même en a élucubré un, ses Bretons, fut dans des choses comme ses Goëlands, Goëlands, ramenez-nous nos amants ! ou Le Bon Jésus allait sur l’eau, qui expriment plus de Bretagne, à elles seules, qu’il n’y en a dans beaucoup de ses descriptions où il s’est efforcé d’en mettre. Mais voulez-vous la Bretagne elle-même, tout entière, vivante ? Rappelez-vous les marais salins du Croisic évoqués par Balzac dans un de ses romans, et la terrible histoire de Cambremer ; puis à côté de cette image naïve du Bon Jésus qui va sur l’eau, mettez encore Jésus-Christ en Flandre et demandez-vous si cette toute-puissante main-là, qui n’écrit cependant qu’en prose, ne casse pas toutes les amusettes du petit pâtre, dans Brizeux ! Demandez-vous où est le génie, et le génie du poète encore ?…

Le génie du poète, c’est de faire vivre l’imagination dans son rêve comme dans la réalité même, et plus, car c’est une réalité supérieure. Il y a dans le Ranz des vaches, cette poésie d’un poète que je ne connais pas, plus de patrie que dans la patrie, puisqu’on se tue de désespoir de ne pouvoir y retourner. Eh bien ! c’est cet air-là que Brizeux ne joue jamais sur sa cornemuse de Breton. Les fils de ceux qui burent leur sang au combat des Trente ont assez de cœur pourtant pour ressentir ces fières nostalgies, si les vers de Brizeux étaient capables de les donner ; mais la Bretagne peut être tranquille sur le compte de ses enfants. Après avoir lu les vers de celui qu’elle a nommé un peu trop généreusement son poète, aucun d’eux, fût-il exilé, ne se brûlera la cervelle !