(1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »
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(1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Paris, 8 mai 1885.

Chroniqueay
Richard Wagner et le public ; l’Œuvre de Bayreuth ; L’Association Wagnérienne.

Dans un récent article, M. Camille Benoit disait :

« … Il fut un temps où Wagner était regardé comme un simple énergumène ; le prendre au sérieux semblait à la plupart un paradoxe, une gageure, une mauvaise plaisanterie.

Il y a vingt ans, on a commencé à lui reconnaître quelque talent musical : des éclairs, illuminant de loin en loin des ténèbres profondes. La pitié l’emportait sur le dédain. Il y a dix ans on accordait l’originalité des idées, la puissance de l’orchestration ! Vous avez certainement rencontré quelqu’un vous disant, avec la plus parfaite bonne foi : Quel talent, ce Wagner ! mais quel mauvais usage il en fait !…

Aujourd’hui, c’est une autre antienne : Wagner ! génie musical admirable, merveilleux, unique ! Mais poète dramatique allons donc ! Ses pièces sont la nullité même, la niaiserie absolue.. — Quel dommage, n’est-ce pas, que le pauvre homme ait justement passé toute sa vie à écrire pour le théâtre !… »

Telle a été, à Paris, la suite des jugements touchant l’œuvre Wagnérienne. Or, en même temps, c’était une autre suite, aussi marquée, de jugements touchant l’artiste, de préjugés se propageant, l’un après l’autre. — C’est comme trois degrés gravis, successivement, par le public parisien, vers l’Initiation Wagnérienne !

D’abord, Richard Wagner fut, lui même, un fou ridicule…

Ensuite, quand on lui épargna « les petites maisons » on voulut « le clouer au pilori de l’histoire » : Wagner fut le Diffamateur de notre patrie, l’Insulteur de nos défaites… C’est l’époque où quelque talent musical lui était accordé.

Aujourd’hui, le « gallophobisme » de Wagner n’étant plus un thème proprement développable, on a trouvé ce grief : Wagner fut un monstre de vanité, d’outrecuidance, de prétentieuse sottise… — Le thème est riche, et, surtout, facile ; chaque jour c’en est de nouvelles variations.

Cette évolution des jugements s’est faite, peu à peu.

La tradition d’un Wagner délirant et possédé, d’abord en tous lieux reçue, ne demeura plus, bientôt, que dans quelques petites villes et dans des cercles spéciaux, où elle vit.

La musique de Wagner fut reconnue de la musique, quand, aux concerts, on eut entendu, beaucoup de fois, la Marche de Tannhaeuser. Des auditions plus variées, plus fréquentes, de fragments Wagnériens, quelques correspondances « transrhénanes » (des échos de Représentations Solennelles dans la ville de Bayreuth, de Cycles Wagnériens à Munich, à Vienne, à Berlin) découvrirent, ensuite, un génie musical, acceptable…

Des insultes de Wagner à la France, on sut ce qu’il fallait penser : et, quant à cette fameuse haine contre la France, nul n’en trouva la marque, ni dans les livres, ni dans les lettres, ni dans les paroles de Richard Wagner ; Richard Wagner avait combattu, dans ses écrits, l’influence de l’esprit français ; mais c’était là tout une autre affaire ; et quiconque avait lu ses lettres et ses livres, quiconque l’avait entendu causer, rapportait aux Parisiens ébahis, que Wagner aimait la France, et Paris, et ses vieux souvenirs de 1842, et ceux, aussi, de 1860, ses amis Français, les compagnies qu’il avait traversées, les rues, les maisons même, où s’était traînée sa misère ; et l’on connut, dans le cœur du rude Ennemi, de délicieuses tendresses, pour le pays qui l’avait bafoué.

Aujourd’hui, voici la troisième étape : on nie le dramaturge, — on accuse l’homme d’avoir méprisé les Maîtres classiques : attendons qu’à Paris, un, au moins, des drames Wagnériens ait été représenté, — et que les œuvres critiques de Wagner aient été publiées… — Wagner disait que, avant lui, l’Allemagne n’avait pas eu de musique (un critique l’a écrit, il y a quinze jours) ; — Wagner a grossièrement et bêtement, insulté Bach (le même critique l’affirmait) : et la folle vanité de Wagner est, toujours, dans ces espèces de feuilletons, le refrain. Mais la vérité apparaîtra, de soi même. Hormis les impuissants, pédants et envieux, pour qui la suprême vertu, en autrui, est la Modestie, — personne ne reprochera, pourtant, à un homme de génie, qu’il ait eu la conscience de son génie, pleine, franche, hardie… Mais Richard Wagner ne goûtait pas les mièvreries fades, ni les bruyantes déclamations, contemporaines. — et il le dit. Et, théoricien, Richard Wagner jugea, librement, sans peurs, sans soucis des opinions reçues, les artistes qui l’avaient précédé. — Qu’on lise donc les nombreux écrits de Wagner — les pages où il nie être révolutionnaire, ne voulant être que rénovateur, — les pages sur Bach, qu’a, justement, réunies M. Glasenapp, solennelles de respectueuse admiration, de culte presque religieux pour le Père de la musique, — les pages, dont les principales seront traduites en cette revue, sur Beethoven, enthousiastes jusque le lyrisme, où l’essence de la musique est, à jamais, définie, et le caractère divinement génial de Beethoven, « le Révélateur », avec des adorations agenouillées, — les pages sur Gluck, sur Weber, sur Spontini, — et celles où il proclame le culte des vieux Maîtres, inviolable, sacré, nécessaire, d’ordre divin. Mais Wagner déclara maintes œuvres de Mozart, — un génie musical extraordinaire, — des improvisations ; et il déclara, nuls, artistiquement, les Huguenots et la Symphonie Romaine.

C’est pourquoi le public parisien juge encore Wagner, (ce musicien fourvoyé dans le théâtre) une « outrecuidante personnalité. »

Gardant, aujourd’hui, par la ridicule ignorance des uns et l’odieuse malhonnêteté des autres, de tels étonnants préjugés, le public parisien est arriéré. Ce troisième degré de Wagnérisme, auquel il se tient, a été dépassé, en de nombreux pays : on salue Wagner, héritier des Maîtres classiques, et dramaturge. C’est un quatrième degré, auquel les Français arriveront, sans doute.

Mais, après celui là, il en est un autre, plus élevé, vers lequel, déjà, les autres marchent : — la compréhension de l’Œuvre de Bayreuth. — L’initiation du public à cette forme supérieure de la Rénovation Wagnérienne, est la tâche qu’a prise l’école de Richard Wagner, — j’allais dire l’église de Wagner, — l’Association Wagnérienne.

Comprendre que les opéras de Wagner sont des drames, c’est bien, mais ce n’est pas assez : il faut comprendre quels religieux drames ils sont, et, à cette fin, il faut les entendre, comme il a voulu qu’on les entendit : il faut être son public, dans son théâtre. Or, c’est l’Association Wagnérienne qui veut, ainsi, continuer la pensée du Maître : maintenir, pour l’Œuvre idéale, les représentations du Théâtre idéal, et leur donner, pieux, le Public idéal.

L’histoire ne peut être expliquée, brièvement, de l’Œuvre de Bayreuth18 ; il faut que l’Association Wagnérienne, — le miracle de notre époque, — soit, précisément, connue. Elle est, en effet, aujourd’hui, dans le monde, le grand agent de la dernière initiation à cette chose, dont très peu de gens ont une idée, — le Wagnérisme.

Là est le haut degré, auquel on doit arriver, progressivement. Déjà, nous ne croyons plus Wagner un fou sans talent ; — nous ne nions plus les beautés de ses morceaux, et nous le tenons quitte des crimes qu’il n’a jamais commis : — mais, promptement, il faudrait en finir de ces vieilles sottises, et franchir ce troisième degré, et, — lorsque, dans le reste du monde, l’Association Wagnérienne propage l’Œuvre de Bayreuth — il faudrait que nous voulussions bien voir en Wagner plus qu’un génie musical admirable, merveilleux, unique, et autre chose qu’un monstre de vanité, d’outrecuidance, de prétentieuse sottise.

La légende de Bayreuthaz

« Va devant toi ! Et si la terre que tu cherches n’a pas été créée encore, Dieu fera jaillir, pour toi, des mondes, du néant, afin de justifier ton audace ! »
Schiller, Christophe-Colomb

C’était un soir d’hiver, voici de cela quelque trente années. Un étranger de passage, un jeune artiste, — (affamé, comme de raison), — sans ressources, abandonné « même de son chien », se trouvait perdu dans Paris en un taudis glacé de la rue St-Roch.

L’inexorable détresse harcelait, depuis de longs mois, ce bohème inconnu — jusqu’à le contraindre de prodiguer, par pluie ou verglas, à raison de deux francs l’heure, de réconfortantes leçons de solfège la plupart du temps non payées. Il en était parvenu même, à commettre, en vue de trois écus possibles, des « ouvertures ou préludes » pour folies-vaudevilles que des impresarii de banlieue laissaient parfois grincer à leurs doubles quatuors devant des tréteaux quelconques. Le reste du temps, il goûtait la joie de s’entendre gratifier, négligemment, du titre de « fou » par les passants éclairés qui l’approchaient.

Donc, cet attristé, que tant d’oisifs eussent trouvé mûr pour le suicide était assis, ce soir là, devant certain notable commerçant — qui, jambes croisées en face de lui, l’observait curieusement, aux lueurs d’une morne chandelle, en lui souriant d’un air familier.

Cet interlocuteur de hasard n’était autre — (la destinée offre de ces contrastes) — que notre grand Épicier, celui dont le seul nom fait battre tant de cœurs, en France. L’excellent homme avait, en effet, supplié longtemps « son ami » d’accepter (oh ! sans phrases !) ces quelques menus liards qui, une fois reçus, confèrent, — de l’assentiment de tous, — au bon prêteur, le droit d’en user sans façons avec celui qu’il ne rêvait d’obliger qu’à cette fin. Aussi regardait-il en camarade son débiteur, lequel — depuis lors — était devenu, aux yeux du Bienfaiteur, simplement un « drôle de corps ! » pour me servir d’une admirable expression bourgeoise.

Soudain, voici que, relevant la tête, l’Inconnu, fixant sur son ami de calmes prunelles, se prit à lui notifier, avec le plus grand sang-froid, les confidences suivantes :

— Homme généreux, qui suis-je ? Un musicastre, un crin-crin, le dernier des vivants, l’opprobre de la race humaine ; je te l’accorde — et j’ajouterai même que, si tu daignes m’écouter, le sens de ce que je vais t’annoncer t’échappera fort probablement : — car, nul n’entend, ici bas, que ce qu’il peut reconnaître — et toi, tu es un désert où le son même du tonnerre s’éteindrait dans la stérilité de l’espace.

— Quels ingrats, tous ces artistes !… murmura le sévère Industriel.

— Voici donc, reprit l’Ingrat, ce que je me propose d’accomplir d’ici peu d’années, étant de ceux qui vivent jusqu’à l’Heure-divine.

Ces deux derniers mots firent traissaillir malgré lui le négociant hors ligne : une vive inquiétude — hélas ! elle ne devait point tarder à s’accroître, — se peignit dans le coup-d’œil méfiant dont il enveloppa, dès lors, son croque-notes favori ! Tu n’es pas sans ignorer, n’est ce pas, confina l’étranger, que des hommes ont paru, dans ma partie, qui s’appelaient Orphée. Tyrtée, Beethoven, Glück, Weber, Sébastien Bach, Mozart, Pergolèse, Rossini, Haëndel, Berlioz, — d’autres encore. Ces hommes, figure-toi, sont les révélateurs de la mystérieuse Harmonie, à la race humaine. Eh bien, mon âme, à moi, — comprends-tu, cher camarade ? — mon âme est toute vibrante d’accents d’une magie nouvelle, pressentie par ces hommes, — et dont il se trouve que, seul, je puis proférer les musicales merveilles.

C’est pourquoi, tôt ou tard, l’Humanité fera pour moi — que l’on traite, à cette heure, d’insensé — ce qu’elle n’a jamais fait, en vérité, pour aucun de ces précurseurs.

Oui, les plus grands, les plus augustes, les plus puissants de notre race, — en plein siècle de lumières, pour me servir de ta suggestive expression, mon éternel ami, — seront fiers de réaliser, d’après mon désir, le rêve que je forme et que voici :

L’heure viendra, d’abord, où les rois, les empereurs victorieux de l’Occident, les princes et les ducs militaires, oublieront, au fort de leurs victoires, les vieux chants de guerre de leurs pays, pour ne célébrer ces mêmes victoires immenses et terribles — (et ceci dans le cri fulgural de toutes les fanfares de leurs armées !…) — qu’avec les crins-crins de mon insanité !… Toutes ces musiques n’exécuteront pas d’autres chants de gloire que mes élucubrations à l’heure du triomphe ! Ce premier « succès » obtenu, je prierai, quelques années après, ces princes, rois, ducs et empereurs tout-puissants de vouloir bien se déranger pour venir écouter l’une de mes plus nébuleuses productions. Ils n’hésiteront pas à délaisser les soucis politiques du monde, à des heures solennelles, pour accourir, en toute hâte, et à l’heure fixée, à mon rendez-vous. Et je les tasserai, par quarante degrés de chaleur, autour du parterre d’un Théâtre que j’aurai fait construire à ma guise, aussi bien à leurs frais qu’à ceux de mes amis et ennemis. Ces formidables exterminateurs écouteront, au mépris de toutes autres préoccupations, avec recueillement, pendant des trentaines d’heures, quoi ? Ma Musique ! — Pour solder les constructeurs de l’édifice, je manderai, des confins de la terre, du Japon et de l’Orient, de la Russie et de l’Amérique, divers milliers d’auditeurs, — amis, ennemis, qu’importe ! — ils accoureront, également, quittant, sans regrets, famille, foyers, patrie, intérêts financiers, (fi-nan-ciers, entends-tu !), bravant naufrages, dangers et distances, pour entendre aussi, pendant des centaines d’heures, au prix de quatre ou cinq cents francs leur stalle, — quoi ? Ma Mu-sique.

Mon Théâtre s’élèvera, en Europe, sur quelque montagne dominant telle cité, que mon caprice tout en l’enrichissant à jamais, immortalisera. Là, disons-nous, mes invités arriveront, au bruit des canons, des tambours furieux, aux triomphales sonneries des clairons guerriers, aux bondissements des cloches, aux flottements radieux des longues bannières. Et, à pied, en essuyant la sueur de leurs fronts, pêle-mêle avec les dites Altesses et Majestés, tous graviront, fraternellement ma montagne !

Alors, comme j’aurai lieu de redouter que la furie de leur enthousiasme — qui sera sans exemple dans les fastes de notre espèce, — ne nuise à l’intensité de l’impression qu’avant tout doit laisser Ma Mu-sique, je pousserai l’impudence jusqu’à DÉFENDRE D’APPLAUDIR ! — Et tous, par déférence pour cette Mu-sique, ne laisseront éclater qu’à la fin de l’Œuvre, toute la plénitude de leur exaltation. — Bon nombre d’entre eux accepteront, même, d’être, au milieu de ma patrie, les représentants d’une nation vaincue par la mienne et saignante encore, et, au nom de l’Esprit-Humain, sourds aux toasts environnants portés contre leur pays, auront la magnanimité de m’acclamer. Les plus parfaits chanteurs, les plus grands exécutants, — si intéressés d’habitude, et pour cause — oublieront, cette fois, tous engagements, lucres et bénéfices, pour le seul honneur d’exprimer, gratuitement, quoi ?.. Ma Mu-sique.

Et, chaque année, je recommencerai, le miracle de cette fête étrange, qui se perpétuera même après ma mort, comme une sorte de religieux pèlerinage. Et, chaque fois, après des centaines d’heures passées à mon Théâtre, chacun s’en retournera dans son pays, l’âme agrandie et fortifiée par la seule audition de quoi ?… de Ma Mu-sique ! Et tous ne projetteront, au moment des adieux, que de revenir l’année suivante ! Et, enfin, lorsque ceux-là même qui, de par le monde entier, haïront, de naissance, Ma Mu-sique, seront acculés jusqu’à se voir forcés de l’admirer et de l’applaudir quand même, sous peine de passer pour des imbéciles, je te dis et jure que Ma Mu-sique résistera même à leur admiration profane.

Oui, mon cher Consolateur, voilà le rêve que je réaliserai, sous peu d’années. Et, pour te dédommager d’avoir eu la commisération d’en écouter — vainement, d’ailleurs, — le prophétique projet, je vais te signer, si tu veux, dès à présent, une excellente stalle, que tu revendras cher, l’heure venue.

À ces incohérentes paroles, le trop sensible Industriel qui avait écouté jusque là, bouche béante, se leva, silencieusement, les yeux pleins de larmes. Entre deux hoquets douloureux, il supplia son bohème de se mettre au lit. Voyant que sa suggestion n’était accueillie que par un doux sourire, il bondit, selon son devoir, hors de la chambre, (le cœur gros), et courut, à toutes jambes, requérir quelques médecins-aliénistes pour fourrer à Bicêtre, le soir même, vu l’urgence, son malheureux protégé.

Lorsqu’il reparut, deux heures après, suivi de trois docteurs qu’accompagnaient des gardiens munis de cordes, le désolant fol avait disparu.

Des policiers, mal informés peut-être, ont prétendu, au cours de l’enquête, que l’exalté s’était dirigé, tranquillement, quelques instants après la fugue de son Ami, vers la gare de Strasbourg et qu’il avait pris, sans trop se faire remarquer, le train de 9 h. 40, pour l’Allemagne.

Depuis, naturellement, on n’a plus entendu parler de lui.

Aujourd’hui, son bienfaiteur parisien se demande encore, parfois, avec un soupir, en quel cabanon d’aliénés les gens sérieux de là-bas ont dû renfermer, dès l’arrivée, son pauvre monomane « qui, souvent, l’avait amusé, après tout ! — et dont il a oublié le nom. »

Beethovenba par Richard Wagner

(Analysé et traduit par Teodor de Wyzewa)

L’étude sur Beethoven fut écrite et publiée en 1870, à Leipzig ; elle occupe 73 pages, dans l’édition des Œuvres Complètes (9e volume).

Dans une brève Préface (p. 77 et 78), Wagner expose le motif et l’objet de son livre. Durant que la nation allemande célébrait le centième anniversaire de Beethoven, il a voulu, de sa façon, glorifier le Maître ; et il a dit, seulement, la signification que les œuvres de Beethoven avaient, pour lui. Volontiers, composant ces pages, il s’est imaginé qu’il lisait un grand Discours de Fête, devant un Auditoire idéal.

La Première Partie de l’écrit est, éminemment, théorique, et de portée générale, (p. 79-100).

Beethoven est Allemand ; l’Esprit qui anime son œuvre est l’Esprit même de la race Allemande. Mais en quoi, comment se rattache-t-il, proprement, à sa nation ? Cette question, facile à résoudre, lorsqu’il s’agit d’un peintre ou d’un poète, est, au contraire, presque insoluble, au propos d’un musicien. Ce lien du musicien à son pays ne se peut reconnaître ni par l’étude de sa forme, — ni par l’étude de sa vie. — Quelle est la part de l’Esprit Allemand, dans l’œuvre musicale de Beethoven ? il faut, pour répondre à cette question, connaître l’essence même de la musique (p. 79 à 83).

Schopenhauer19 distingue la musique des autres arts, parce qu’elle donne l’idée de l’Univers sans l’intermédiaire d’aucun concept concret. Mais il ajoute que cette intuition de l’Idée dans la musique ne serait pas possible, si l’on n’avait, déjà, par la conscience, une intuition subjective de cette Idée. Or, la conscience renferme deux parties : la conscience de soi-même, qui est la Volonté, et la conscience des autres choses, qui est la Représentation (p. 85).

La musique, pure de tout concept concret, répond, évidemment, à ce côté de la conscience qui est tourné vers le dedans. Le Rêve, où l’esprit parvient au plein éveil de cette conscience intérieure, peut donner l’idée de ce qu’est la musique.

« Quel spectacle ! mais, hélas ! ce n’est qu’un spectacle. Où donc te saisirai-je toi-même, nature infinie ? » (Gœthe : Faust).

À cet appel répond la musique. La Volonté, qui est la Nature, s’y perçoit elle-même au dessous des erreurs de la Représentation. Aussi la musique a-t-elle, entre les arts, des lois spéciales. Elle atteint à son plus haut degré dans l’inspiration musicale, où la volonté individuelle est réduite au silence, tandis que s’éveille en nous la Volonté universelle, expression de la suprême unité qui est au fond des choses. La musique n’est pas un art, seulement, mais un art sacré, une Religion (p. 85-92).

Dans la musique, l’harmonie est l’élément profond, supérieur au temps et à l’espace, l’élément intérieur ; le rythme est le lien de cette révélation intime avec le monde plastique de l’Apparence. Aussi une musique s’est élevée qui, fondée, seulement, sur le rythme, a, volontairement, renoncé à traduire l’essence des choses, pour produire l’agrément (p. 93 à 100).

« Ainsi la musique a quitté son état d’innocence sublime ; elle a perdu son pouvoir, le pouvoir qui rachetait l’homme du Péché de l’Apparence ; elle a cessé d’être la révélatrice de la Nature réelle, et s’est jetée dans cette illusion de la Représentation, dont elle devait nous sauver (p. 100).

Wagner montre, dans la Seconde Partie, comment Beethoven a rendu la musique à sa destination naturelle20 :

L’aptitude d’un musicien à son art, sa vocation à cet art, ne se peuvent, certes, traduire d’autre façon que par l’action manifeste, sur lui, des œuvres musicales environnantes. Au terme, seulement, de sa complète évolution, nous pouvons apercevoir en quelle manière sa nature l’a poussé à la pleine contemplation intérieure de lui-même, à cette claire voyance du Rêve Universel le plus profond. Jusque ce terme, en effet, il obéit à l’action des influences extérieures sur lui ; et cette action, pour le musicien, arrive, éminemment, des œuvres musicales créées par les maîtres son époque. Or, nous savons que, parmi toutes, les œuvres de l’Opéra touchaient le moins Beethoven, tandis que les impressions les plus intimes lui venaient de la musique religieuse de son temps. Cependant, le métier de pianiste, qu’il dut adopter pour « être quelque chose » comme musicien, le mit dans un contact familier et incessant avec les productions pour le Clavier des Maîtres contemporains. En ces productions, la Sonate s’était imposée comme la forme typique. Aussi, peut on dire que Beethoven fut, et resta, lui-même, un compositeur de sonates ; la forme de la Sonate se retrouve dans ses œuvres instrumentales les plus puissantes et les plus insignes ; elle est le fin voile, au travers duquel Beethoven regardait dans le Royaume des sons ; au travers duquel, — plus justement, — plongé dans ce Royaume, il laissait venir à nous sa pensée. Les autres formes musicales, la forme, notamment, où se mêlent l’orchestre et les voix humaines, le Maître, encore qu’il ait, en elles, réalisé des œuvres incommunes, les traitait, seulement, par accident, comme à titre d’essai.

La Sonate, qu’Emmanuel Bach. Haydn et Mozart avaient, pour toujours, légitimée, était le résultat heureux d’un compromis entre l’esprit musical allemand et l’esprit italien. Son caractère extérieur lui venait des conditions même où elle était exécutée : avec la sonate le pianiste se présentait au public, qu’il devait charmer par sa perfection, comme instrumentiste, et, dans le même temps, distraire, plaisamment, comme musicien. Ce n’était plus alors Sébastien Bach, réunissant à l’église, devant l’orgue, l’auditoire des fidèles, ou bien y appelant, pour rivaliser avec lui, les connaisseurs et les musiciens : il y a un abime entre le maître prodigieux de la fugue et les compositeurs de la sonate. Ceux-ci étudiaient à la fugue, comme à un moyen d’affermir leurs connaissances musicales ; mais ils ne l’employaient, dans leurs sonates, que comme un artifice précieux. Les austères séquences du contre-point pur s’étaient retirées, devant le goût nouveau d’une Eurythmie stable, dont le schème facile semblait répondre à la direction exclusive de la musique vers l’euphonie italienne. Telle nous apparaît l’œuvre instrumentale de Haydn : il nous semble voir devant nous le démon enchaîné de la musique, se jouant avec les enfantillages d’une vieillesse native. Et c’est Haydn, précisément, qui, ainsi qu’on l’a bien observé, servit, entre tous, de modèle pour les premiers travaux de Beethoven. On peut même reconnaître que, dans tout le développement ultérieur de son génie, Beethoven conserve plus de rapports avec Haydn qu’avec Mozart. Les renseignements que nous possédons sur les procédés de Beethoven à l’égard de Haydn nous donnent une explication caractéristique de cette liaison. Haydn était considéré comme le professeur de Beethoven, et celui-ci, ne voulait, absolument, point lui accorder ce titre : souvent, aussi, il se permettait, envers le vieux maître, des sorties de son exubérance juvénile. Il se sentait lié à Haydn, semble-t-il, comme, à un vieillard enfantin, celui qui sait être né un homme. C’est que, bien au dessus de sa concordance formelle avec son maître, le Démon de sa musique intérieure, impatient de tout lien, et enchaîné sous ces formalités, le poussait à une expression de sa force, qui, comme tous les actes de l’extraordinaire artiste, se manifestait toujours avec une étrange rudesse. Ne raconte-t-on pas que, s’étant, jeune homme, rencontré à Mozart, il quitta le piano, dans une mauvaise humeur, après, avoir joué, sur l’invitation du maître, une sonate ; et que, alors, pour se faire mieux connaître, il demanda la permission de s’abandonner à une libre fantaisie ; ce qu’il fit, nous dit-on, avec une telle expression, que Mozart émerveillé, déclara, se tournant à ses amis : « Le monde entendra parler, quelque jour, de cet homme ! » Et Mozart jugeait ainsi Beethoven dans un temps, où lui-même, clairement, sentait s’épanouir et mûrir, enfin, son génie intérieur que la contrainte d’une misérable et pénible carrière musicale avait, jusque là, toujours entravé, dans la réalisation de ses tendances les plus originales…

… Très tôt, au contraire, dès la jeunesse, Beethoven apporte au monde ce tempérament de résistance qui, durant toute sa vie, l’a maintenu, envers ce monde, dans une indépendance farouche. L’extraordinaire sentiment qu’il avait de lui-même, se joignant à la superbe fierté de son caractère, lui donna, pour toujours, le désir de s’opposer aux frivoles dispositions musicales de ses contemporains, épris, surtout, des plaisirs. Contre l’entraînement d’un goût dépravé, il avait à défendre son trésor, le trésor d’une richesse infinie. Il avait à révéler la plus intime vision de l’Univers Musical, et sous les formes même, où la musique, avant lui, devait se montrer, seulement, comme un art agréable. Aussi, ressemble-t-il toujours, à un homme possédé par un démon intérieur : ce démon, vraiment, il l’avait en son âme, et de lui, plus que de tout autre, on peut dire — ce que Schopenhauer disait, en général, des musiciens : celui là parle la suprême sagesse, par un langage si profond et surnaturel, que son intelligence même n’en comprend pas la portée !

Ce n’est point, certes, dans le monde qui l’entourait, qu’il aurait pu trouver cette compréhension de son art, ni dans l’esprit, tout superficiel, qui avait créé les formes extérieures de cet art. Car bien misérable était la Compréhension musicale qui s’exprimait à lui, dans cet échafaudage architectonique des sons, lorsqu’il voyait les plus grands maîtres même de sa jeunesse, avec une répétition banale de phrases et de fleurs rhétoriques, avec des alternatives, rigoureusement distribuées, de force et de douceur, avec des graves introductions, et reprises, aux mesures par avance comptées, se traîner, passant sous les portes inévitables de demi-conclusions régulières, jusque le bienheureux tapage de la cadence finale. C’était la Compréhension qui avait construit l’air d’opéra, dicté, les unes après les autres, en série, les pièces d’opéra : c’était elle encore qui avait enchaîné le génie de Haydn, le contraignant à égréner, sans cesse, une à une, les perles de son écrin. Et l’Eglise, aussi, exprimait cette Compréhension musicale : car la Religion avait été balayée de l’Eglise, avec la musique de Palestrina : le formalisme jésuitique, tout d’artifices, avait contrefait la Religion, comme la musique. Ainsi la noble Rome, vénérable, avait disparu, aux yeux du spectateur intelligent, recouverte par le style architectural jésuitique des deux derniers siècles ; ainsi s’était amollie et édulcorée la très glorieuse peinture italienne ; ainsi s’était dressée, sous la même influence, la Poésie Française classique, œuvre de mort intellectuelle, et dont les lois examinées présentent une précise analogie avec les lois de l’Opéra et de la Sonate.

L’esprit allemand, si redouté au-delà des monts, et si haï, ce fut lui qui, dans le domaine de l’art comme en toutes choses, vint au devant de cet héritage artistique issu de l’esprit populaire européen, et le sauva. Nous avons fêté Lessing, Gœthe, Schiller, et nos autres grands hommes, parce que, en les diverses régions de l’art et de la science, ils ont racheté pour nous, et arraché à sa ruine cet héritage. Or, il convient, de même, que nous nous tournions aujourd’hui vers ce musicien, Beethoven ; car, par lui, aussi bien que par ces hommes, l’esprit Allemand a sauvé de la plus profonde torpeur l’esprit de toutes les nations ; par lui, plus que par ces hommes, puisqu’il a parlé le langage le plus clair à toutes les nations.

C’est que, dans le même temps où Beethoven élevait à sa plus haute puissance la musique, tombée au simple rôle d’un art agréable, il a ouvert, devant nous, le spectacle de cet Art qui, à toute conscience, révèle l’univers de la vie suprême, aussi nettement, que la plus profonde philosophie le pourrait faire au penseur le plus voyant. Et c’est en cela, exclusivement, que se fonde la liaison du grand Beethoven avec la nation allemande, liaison que nous voudrions éclairer au moyen des traits spéciaux, à nous connus, sur sa vie et ses travaux.

Nous serions heureux de pouvoir, pour cette fin, trouver un renseignement précieux dans la contemplation des procédés que suivit Beethoven vers le développement de son génie musical. Les procédés artistiques sont toujours, en effet, dans un étroit rapport avec l’intuition des idées ; ainsi, les procédés de Beethoven nous eussent révélé sa conception théorique, s’il avait, avec une pleine et consciente volonté, modifié, ou détruit, les formes musicales extérieures qu’il trouvait en l’œuvre de ses devanciers ; mais d’un tel procédé nous ne voyons nulle trace chez lui. Il n’y eut même jamais un artiste, assurément, qui réfléchit à son art moins que Beethoven. Mais, en revanche, la rude vivacité, déjà mentionnée, de son être humain, apparaît encore ici, et nous le montre impatient, — avec tout le sentiment d’une douleur intime, — de l’enclave où les formes, comme toutes les autres chaînes de la convention, retenaient son génie. Et, contre elles, il réagit, mais de sa façon, en développant, sous ces formes, son génie, fièrement, librement, comme si cette enclave subie n’existait pas à l’empêcher. Il ne fit nul changement profond aux règles de la musique instrumentale, jadis apprises : ses dernières œuvres, sonates, quatuors, symphonies, etc., ont, en réalité, la même structure que les premières. Mais que l’on compare, entre elles, ces œuvres des deux époques ; que l’on mette, par exemple, la huitième symphonie, en fa majeur, devant la deuxième, en , et que l’on considère le monde qui de cet ouvrage plus tardif, sous des formes presque identiques, s’avance vers nous, merveilleux, pleinement nouveau !

Cet exemple de Beethoven nous fait bien voir encore l’originalité de la nature Allemande, qui a été douée de vertus si intimement profondes et si riches, qu’elle sait imprégner toute forme de son essence, en même temps qu’elle bâtit à nouveau cette forme par le dedans, sauvant ainsi de la destruction son enveloppe extérieure. L’Allemand, en effet, n’est point révolutionnaire, mais rénovateur, et, adoptant toutes formes, les améliorant toutes sans rien détruire, il se prépare, enfin, pour la révélation de son essence intérieure, une abondance et richesse de moyens, où n’atteignent point les autres nations. Il semble, au contraire, que les Français ne connaissent point, en eux, cette intime source de rénovation : nous les voyons préoccupés, seulement, dans la politique comme dans l’art, à la forme extérieure, et prêts, toujours, à renverser complètement la forme qui leur déplaît, avec l’espoir, sans doute, de ce que la forme nouvelle s’élèvera, d’elle même, déjà parfaite… L’esprit Allemand, cependant, se développe à l’aise, même en des genres étrangers… C’est ainsi que nous avons reçu des italiens la musique, avec toutes ses règles ; et, ce que nous avons fait dans cet art, le génie de Beethoven nous le montre, par ses œuvres, supérieures à toute compréhension.

Vouloir expliquer ces œuvres elles mêmes, serait folle tentative. Les considérant dans l’ordre de leur succession, nous assistons à la mystérieuse pénétration, toujours plus profonde et plus manifeste, de la forme musicale par le génie de la musique. Les prédécesseurs de Beethoven nous montraient un tableau que la lumière du jour, passant au travers de la toile, semblait éclairer : et, cependant, le dessin, la couleur n’y étaient point comparables aux œuvres du peintre ; et c’était, en somme, un art inférieur, et méprisé, comme tel, des vrais connaisseurs, et un Pseudo-Art, seulement ; et cela était fait pour égayer les fêtes aux tables des princes, pour distraire des sociétés frivoles ; et l’adresse du virtuose était la lumière la meilleure à éclairer ce tableau. Mais voici que Beethoven reproduit le même sujet dans le silence de la nuit ; voici qu’il place son tableau entre le monde de l’Apparence, et l’univers intérieur de son âme, l’univers profond où gît l’Être réel des choses ; et dans cet univers il prend la lumière qui illumine son tableau, ce clair voyant : et voilà que ce tableau vit devant nous et que nous vivons en lui, extraordinairement, et que nous habitons un deuxième univers, dont les plus immenses chefs-d’œuvre d’un Raphaël ne donnent point l’idée !

Où donc le musicien a-t-il pris ce pouvoir ? Il a, seulement, saisi la Représentation du Charme enchanteur. Car, dans une hallucination enchantée nous plonge, assurément, l’audition d’une grande œuvre musicale de Beethoven. Toutes les parties de cette musique nous montrent, — lorsque nous avons l’esprit dans l’état de veille, et les sens à jeun, — uniquement, un art d’accordance technique avec les lois de la Forme ; maintenant, se révèle à nous une vie tout faite d’esprit, une sensibilité douce tantôt, tantôt effrayante ; nous éprouvons, fiévreusement, le trouble, puis la paix, et les soupirs, et l’angoisse, et la plainte, et le transport ; tout cela semble avoir été pris au sol le plus profond de notre âme, et lui être rendu. C’est, en effet, pour l’histoire de l’art, un moment précieux, entre ceux qu’elle doit à Beethoven : parce que chacun des accidents techniques de l’art, au moyen desquels l’artiste traduit pour le monde extérieur le but de son intelligence en des procédés conventionnels, arrivent, ici, à la signification suprême d’un épanchement immédiat. Ainsi que je l’ai dit déjà, il n’y a plus, ici, aucun procédé, aucun encadrement de la mélodie ; tout est la mélodie, toutes les voix de l’accompagnement, toutes les notes du rythme, et les pauses elles-mêmes.

Mais il est impossible, je le vois, de discuter froidement l’essence caractéristique de cet art, sans tomber, aussitôt, dans le ton du lyrisme. Et comme, plus haut, j’ai tâché, avec l’aide de la philosophie, à expliquer la nature véritable de la musique en général, (explication convenant à éclairer l’œuvre de Beethoven, entre toutes), je ne tenterai pas plus longuement l’impossible ; je reviendrai à l’étude de la personne de Beethoven, comme au foyer des rayons lumineux éclairant le merveilleux univers qu’il a créé pour nous.

Cherchons, maintenant, d’où est venu à Beethoven ce génie. Mais les dons de la nature, en soi, sont un mystère, toujours secret ; aussi pouvons nous, seulement, apprécier ce génie avec certitude par la considération de ses actes. Cherchons donc, plutôt, à nous expliquer par quelle particularité de son caractère personnel, et par quel effort moral de ce caractère, le grand musicien a pu concentrer son génie dans cette action extraordinaire que nous révèle son œuvre artistique. Nous avons vu qu’il nous fallait renoncer à toute rencontre d’une conception théorique propre à Beethoven, et qui eût pu contribuer à nous rendre plus claire cette imagination de son effort artistique ; en revanche, nous pouvons, et nous devons exclusivement, considérer la force virile de son caractère, indiquer, ainsi, l’influence de cette force sur le développement du génie intime du Maître.

Nous avons tout à l’heure regardé en comparaison Beethoven avec Haydn et Mozart. Si nous revoyons la vie de ces deux musiciens, une transition naturelle nous apparaîtra de Haydn à Beethoven par Mozart dans la direction de l’existence extérieure. Haydn fut et resta un serviteur princier, forcé à se soucier pour la distraction d’un seigneur ami de l’éclat… Il demeura toujours soumis et dévoué, et conserva, jusque sa vieillesse, la paix d’une âme sereine et bienveillante : seuls, dans son portrait, les yeux sont comme remplis d’une douce mélancolie. La vie de Mozart fut, au contraire, une lutte incessante pour une existence paisible et assurée, qui, toujours, devait lui être refusée… Son maître, à lui, était le grand public, qu’il avait, chaque jour, à charmer par quelque œuvre nouvelle : et ses compositions reçurent, de cette vie cruelle, leur caractère spécial d’improvisation rapide…

… Si Beethoven avait disposé sa vie, d’après une conception théorique froide et réfléchie, il n’aurait pu la diriger plus sûrement, par rapport à la vie de ses deux grands prédécesseurs, qu’il fit, en vérité, d’après la seule impulsion de son naïf instinct naturel. Cet instinct, ici, décide tout, étonnamment ; c’est lui qui donne à Beethoven sa claire aversion pour une manière de vivre pareille à celle de Haydn. D’ailleurs, un regard jeté sur le jeune homme eût suffi pour enlever à tout prince l’idée d’en faire son maître de chapelle. Mais ces tendances natives de son âme apparaissent surtout, remarquables, dans les traits caractéristiques qui ont préservé Beethoven d’une existence misérable, comme celle de Mozart.

Les deux maîtres étaient partis d’une situation égale : tous deux placés, sans fortune personnelle, dans un monde où les choses utiles, seules, sont payées, où les choses belles doivent, pour être récompensées, flatter les goûts extérieurs ; où les choses sublimes demeurent, nécessairement, sans rémunération. Et dans un tel monde, Beethoven, bien plus que Mozart, s’est trouvé, toujours, empêché de plaire par la beauté de ses œuvres. C’est que cette beauté était, pour lui, inséparable de la délicatesse intime. Sa constitution physionomique exprime, pleinement, cette nature spéciale de son génie. Certes, le monde de l’Apparence lui avait un faible attrait : son œil presque troublant, son œil fixé ouvertement ne pouvait voit en ce monde, que d’importuns dérangements au monde intime de sa pensée : il sentait que rester sous la dépendance du premier serait perdre tout rapport avec le second. Aussi, son visage révèle une convulsion intérieure ; c’est la convulsion du défi et de la résistance qui anime ce nez, cette bouche tendue, ignorant le sourire, et s’ouvrant, parfois, à un rire énorme. La structure même de son cerveau nous fait sentir ce caractère. La physiologie admet, comme un axiome, que chez les hommes génie, doit être un grand cerveau, enfermé dans une boîte crânienne mince et tendre, comme pour rendre aisée la perception immédiate, par la pensée, des choses extérieures. Nous avons vu au contraire, — lorsque, il y a plusieurs années, nous visitions les restes mortels de Beethoven, — une conformation totale du squelette extraordinairement solide, et, aussi, le crâne très épais, d’une dureté incommune. N’est-ce point que la nature ait donné à cet homme un cerveau d’une extrême délicatesse, mais destiné, seulement, à permettre la contemplation intérieure ? Et cette dureté de l’enveloppe, n’était ce point à entretenir dans une paix inébranlée l’exclusive et profonde vision d’une grande âme ? Ainsi, cette force effrayante enfermait et protégeait un univers intime, un univers d’une tendresse si légère et si fine que, si elle n’avait eu ce puissant abri contre le contact du monde extérieur, elle se serait, mollement, fondue, évaporée, comme le délicat génie et comme la vie de Mozart.

Telle était l’âme, en Beethoven ; telle l’enveloppe ; que l’on songe maintenant, comment il pouvait regarder les choses, autour de lui ! Assurément, les intimes affections volontaires de cet homme n’appelaient jamais, ou seulement d’insignifiante façon, sa compréhension du monde extérieur. Elles étaient trop vives, trop délicates, aussi, pour s’attacher à une seule des apparences que son regard effleurait, effleurait avec une haine répulsive, et, plus tard, avec la méfiance de l’âme toujours insatisfaite. Il n’y avait plus même dans le monde aucun objet capable de lui donner cette illusion, volage, mais charmante, qui pouvait encore faire sortir Mozart de son univers intérieur, à la poursuite d’un plaisir externe. Les distractions d’une grande ville voluptueuse devaient, à peine, attirer Beethoven comme elles eussent amusé un enfant : trop violentes étaient ses impulsions naturelles, sa volonté trop énergique, pour se pouvoir rassasier dans ces occupations superficielles et changeantes. Ce frivole spectacle augmenta, seulement, son penchant pour la solitude, et cette solitude se trouva convenir, merveilleusement, à sa disposition pour l’indépendance. Tout cela n’est-il point l’œuvre d’un prodigieux instinct, plus sûr que toute raison, et qui devait, le guider toujours, en toutes les extériorisations de son caractère ? Quelles réflexions auraient pu mieux diriger sa vie, dans le sens de son tempérament natif, que cette impulsion invincible de son instinct ? Un pareil sentiment avait conduit, jadis, Spinoza, dans sa conscience de lui-même, à tailler des verres de lunettes, pour obtenir, par ce travail, le moyen d’entretenir sa vie. De même, notre Schopenhauer, avec un souci constant et caractéristique, avait senti et appliqué dans sa vie extérieure, — en conservant intact son petit patrimoine — cette compréhension : que la saisie de la vérité, en chaque recherche philosophique ou intellectuelle, est toujours, sérieusement, menacée par la dépendance où nous sommes à l’égard du gain nécessaire de l’argent.

Or, c’est la même notion, mais instinctive, irréfléchie, qui détermina Beethoven dans sa résistance au monde, dans son amour de la solitude, enfin dans les tendances, presque dures, qui lui firent choisir sa manière de vivre spéciale.

C’est que le musicien Beethoven, privé de ressources personnelles, devait chercher par son seul travail musical l’entretien de sa vie. Mais sa nature lui permettait de vivre sans demander au monde aucune jouissance d’agrément extérieur ; et il en est résulté pour lui une nécessité moindre, aussi bien à faire des œuvres rapides et superficielles, qu’à s’efforcer vers la satisfaction d’un goût avide, seulement, de distractions plaisantes.

Dans la mesure où il perdait, ainsi, toute connexion avec le monde extérieur, son regard se tournait davantage, avec une plus claire voyance, à son monde intérieur. Et dans la mesure, aussi, où il se sentait, plus fortement, le possesseur de ce trésor intime, il produisait avec une plus sûre conscience, ses exigences au dehors : il demandait, maintenant, à ses protecteurs, comme seule grâce, que, cessant le payer de ses travaux, ils voulussent veiller à ce que, toujours, il pût travailler pour soi, à l’abri de tout dérangement extérieur. Ce fut, en vérité, une chose inconnue, jusque là, aux musiciens : quelques hauts seigneurs bienveillants s’appliquant à soutenir Beethoven, comme il voulait être soutenu, sans exiger de lui, en revanche, une dépendance. Un bonheur pareil allait, déjà, échoir à Mozart lorsque ce maître, trop tôt créé, mourut. Sans doute, ce grand bienfait ne devait point avoir, pour Beethoven, une durée constante et inaltérée ; il fonda pour lui, cependant, cette harmonie spéciale de la vie qui se révèle dans l’existence du Maître, lorsque cette existence lui a été assurée de si rare façon. Il se sentait un Vainqueur ; il savait qu’il devait appartenir au monde, seulement, comme un homme libre. Et il fallait que ce monde l’admît, et se plût à lui, tel qu’il était. Il traitait en despote ses nobles protecteurs ; rien ne pouvait être obtenu de lui que s’il le voulait, quand il le voulait.

Mais Beethoven, jamais, ne voulut rien, sinon la seule chose qui, désormais, lui devait plaire : se jouer, en Charmeur, avec les formes de son Univers intérieur. Car, maintenant, les apparences extérieures avaient, devant lui, complètement disparu, non parce que la cécité lui avait caché leur vue, mais parce que la Surdité les avait, à jamais, éloignées de ses oreilles. L’ouïe, c’était le seul organe qui lui apportait, encore, pour l’émouvoir, les influences du dehors ; ses yeux étaient morts à ce monde, depuis longtemps. Et qu’aurait-il pu voir, le Rêveur convulsif, lorsqu’il errait par les rues de Vienne, au milieu de ce fourmillement bigarré, et qu’il écarquillait, devant lui, ses yeux ouverts fixement, sans regarder rien, tout occupé à l’éveil des musiques merveilleuses qui se vivaient en lui ? La naissance et les progrès de sa maladie de l’ouïe l’avaient peiné, terriblement, et l’avaient appelé à une plus profonde mélancolie. Voici que la surdité complète est venue : elle l’a privé même du plaisir qu’il éprouvait à écouter les exécutions musicales et cependant, nous n’entendons aucune plainte vive s’élever de lui. Le commerce de la vie extérieure, seulement, lui était devenu plus lourd : mais cette vie n’avait plus d’attraits pour lui, depuis longtemps : pourquoi lui aurait il coûté s’en voir, maintenant, séparé, plus entièrement, et à jamais ?

Un musicien privé de l’ouïe ! Peut-on concevoir un peintre aveugle ?

Mais on peut concevoir, et on connaît, le Voyant aveugle ! Tirésias avait vu se fermer devant lui, le monde de l’Apparence : et il avait pu, ainsi, contempler, avec ses yeux intérieurs le fond même de toutes les apparences. À lui est pareil ce musicien devenu sourd. Le bruissement de la vie ne peut plus, désormais, le troubler. Il est tout à écouter les Harmonies de son Être intérieur ; il habite, à jamais, ce monde profond : c’est de là qu’il parle au monde externe — à ce monde qui n’a plus rien à lui dire. Ainsi, le génie du Maître est, enfin, délivré de tout Non-Moi, vit, maintenant, en soi et pour soi. À celui qui aurait pu, alors, voir Beethoven avec l’œil d’un Tirésias, quel extraordinaire prodige eut été révélé : la vue d’un Univers s’étendant sous l’Homme — le Moi profond de l’Univers et de l’Homme !

Et, maintenant, les yeux du musicien s’éclairent, par le dedans. Maintenant, il jette un regard sur l’Apparence extérieure, qui, illuminée par sa Lumière intime, se mêle à la vision de son Âme, dans un réflexe merveilleux. Maintenant, pour la première fois, l’Essence des choses se révèle à lui, apparaissant dans la splendeur sereine de sa Beauté. Maintenant, il aperçoit la Forêt, le Ruisseau, la Prairie, l’Ether azuré, les calmes Troupeaux, les Couples amoureux, et la chanson des Oiseaux, et la procession des Nuages, et les mugissements de la Tempête, et le charme du beau Soleil bienheureux qui revient au Monde. C’est alors que toutes ses perceptions et toutes ses créations sont pénétrées de cette sérénité prodigieuse qu’il donne, le premier, à la Musique. La plainte même, qui, si profondément, s’exprimait, sans cesse, en ses œuvres antérieures, se calme, ici, et devient un sourire. La Terre a regagné son innocence enfantine. « Soyez avec moi, aujourd’hui, dans le Paradis » ; qui n’a pas cru entendre, à lui criées, ces paroles de rédemption, lorsque devant lui était jouée la Symphonie Pastorale !

Dans le même temps s’accroît ce pouvoir de donner une forme à l’Insaisissable, à l’Invisible, à l’Inabordable ; toutes ces choses arrivent, ici, à être saisies immédiatement, avec l’impression la plus exacte. Et la joie du Maître, voyant ce pouvoir, devient de l’Humour. Toute la Douleur de l’Être vient se briser devant cet extraordinaire Contentement, qui la reprend, et se joue avec elle. Le puissant Brahma, créateur du Monde, voit, au dessus de lui, l’Illusion, qu’il a créée, et il lui sourit. L’Innocence, rachetée, se joue avec l’aiguillon inerte du Péché, maintenant expié ; la Conscience, délivrée, se joue avec son Tourment qui, maintenant, l’a quittée.

Aucun Art, jamais, n’a produit une impression plus sereine que les deux symphonies en la et en fa majeur, ainsi que les autres compositions du Maître — si intimement liées à celles là — écrites durant cette période divine de sa complète surdité. A l’esprit qui les écoute, elles ôtent le sentiment de tout péché ; et nous éprouvons toujours, — lorsque, après elles, nous nous retournons au monde de l’Apparence, — comme le souvenir douloureux d’un Paradis évanoui. Ainsi les œuvres merveilleuses de Beethoven nous prêchent le Repentir et le Remords, puissamment, avec le sens le plus profond d’une Révélation surnaturelle.

L’Evocation d’Erdabb

Souillées par l’Or — (l’anneau du Nibelung), — les trois antiques races périront, les Dieux, les Géants, et les Nains ; et le monde passera à la race nouvelle, innocente, des Hommes.

Wotan, roi des Dieux, maître de Walhall, sait que la Fin viendra ; à l’heure de la Souillure, celle qui connaît toutes choses, la Primordiale Mère, la Chaotique Wala, Erda, la Dormeuse-Voyante, avertit son esprit, que le Crépuscule ensombrirait le ciel. (Le Rheingold).

Ensuite, tourmenté du désir de plus savoir, Wotan s’unit à Erda : les Walküres naquirent, Brünnhilde, Forte par Wotan, Sage par Erda, esprit de Wotan et d’Erda, essence pure de la Divinité. — Brünnhilde se sépara de Wotan : la Divinité, condamnée, se détruisait : le Dieu s’abdiqua, par la désobéissance, châtiée, de Brünnhilde. (La Walkure).

Maintenant (Siegfried), Wotan, inquiet, erre par le monde, avide de conseils ; ses traits sont d’un Voyageur. L’Homme, immaculé et libre, Siegfried, le Waelsung, — possesseur de l’Or et non souillé par l’Or, — commence l’œuvre par qui le monde sera libéré, — l’Exaltation de l’Homme, la Fin des Dieux : — Siegfried va éveiller Brünnhilde, la morte déesse, faite femme.

 

Alors, le triste Dieu revient vers la Sachante, l’Erda dormeuse, et l’interroge.

(Siegfried, Troisième acte, première scène)

Site sauvage, au pied d’une montagne de pierre ; nuit, orage et ouragan, éclairs et tonnerre. — Le Voyageur est debout, devant le trou d’une caverne).

Le Voyageur

— Eveille toi, — Wala, éveille toi : — du long sommeil — je t’appelle, ô Dormeuse, à l’éveil ; — je t’évoque ; — monte, monte ; — hors de la nuageuse fosse, — hors du nocturne fond, monte. — Erda, Erda. — Eternelle Femme, — hors du gouffre, où tu sièges, — glisse vers la hauteur : — je chante ton chant d’éveil, — pour que tu t’éveilles ; — hors du Pensant Sommeil, — je t’incante. — Tout-Sachante, — Première-Terrestre-Sage, — Erda, Erda, — Eternelle Femme, — éveille toi, Wala, éveille toi.

La fosse est devenue plus claire ; dans une lueur bleue monte Erda : elle apparaît de glace couverte ; ses cheveux et son vêtement brillent.

Erda

— Fort, le chant appelle ; — puissant, le charme agit ; — je suis éveillée — du Sachant Sommeil. — Qui secoue mon repos ?

Le Voyageur

— L’éveilleur est moi, — et je force la Sage, — pour que, pleinement, veille — ce que le dur Sommeil enferme. — J’ai parcouru l’univers, — très voyagé, —à fin de gagner la Connaissance, — d’obtenir le Premier-Sage Conseil. — Plus sachant, il n’est — nul que toi : — tu connais ce que le gouffre cache, — ce que le mont et le val, — l’air et l’eau enlacent ; — où sont des êtres — là souffle ton Souffle ; — où pensent des cerveaux, — est ta Pensée : — tout, dit on, — te serait connu. — Pour qu’à présent j’obtienne la Connaissance, — je t’ai éveillée du Sommeil.

Erda

— Mon Sommeil est rêve, — mon rêve pensée, — ma pensée possession de la Science. — Mais, lorsque je sommeille, — les Nornes veillent : — elles tissent le Câble, — et trament, pieuses, ce que je sais ; — pourquoi n’interroges-tu pas les Nornes ?

Le Voyageur

Sous la contrainte de l’univers, — tissent les Nornes : — elles ne peuvent rien tourner, ni changer ; — or, à ta Sagesse — je serais reconnaissant, si tu m’enseignais — comment arrêter un rouet roulant ?

Erda

— Les humaines actions — m’encrépusculent l’esprit : — moi, la Sachante, même, — je fus, jadis, contrainte par un Puissant. — Une Fille-de-Désir — fut donnée par moi à Wotan : le Champ-de-bataille des Héros, — c’est elle qui fut appelée à l’élire pour lui. — Hardie elle est, — et Sage, aussi : — pourquoi m’éveilles-tu ? — pourquoi n’interroges-tu pas — l’Enfant d’Erda et de Wotan ?

Le Voyageur

— Tu parles de la Walküre, — Brünnhilde, la Vierge ? — Elle brava le Forceur-des-tempêtes : — quand, le plus dûrement, soi même, il se forçait, — ce que lui, le Maître du combat, — désirait faire, — mais s’interdisait, — se violentant, — elle, pourtant, confiante, — elle osa, la présomptueuse, — l’accomplir pour soi, — Brünnhilde, en le brûlant combat. — Le Père-de-la guerre — a puni la Vierge ; — en son œil il imprima le Sommeil ; — sur un rocher elle dort, fortement ; — elle s’éveillera, — la Consacrée, seulement, — pour aimer un homme, en femme. — La questionner me servirait-il ?

Erda
Après un long silence

— Confuses me sont les choses, — depuis que je suis éveillée : — sauvage et hérissée, — tourne la terre… — Ainsi, la Walküre, — l’enfant de la Wala, — expiait dans le lien du Sommeil, — durant que la Sachante Mère dormait ? — Celui qui enseigna la fierté, — punit la fierté ? — celui qui osa l’action, — s’irrite de l’action ? — celui qui garde le droit, — qui protège le serment, — détourne le droit ? — commande par le parjure ? — Laisse moi redescendre : — que le Sommeil enferme ma Science !

Le Voyageur

— Ô Mère, je ne te laisse pas aller, — puisque je suis maître du Charme. — Première-Sachante, — tu as piqué, jadis, — la pointe du souci — dans le hardi cœur de Wotan : — la crainte de la honteuse Fin ennemie — lui a été donnée par ta Science, — pour que l’inquiétude enchaînât son esprit. — Si tu es de la Terre — la plus sage Femme, — dis moi donc — comment le Dieu peut vaincre le souci.

Erda

— Tu n’es pas — ce que tu te nommes ! — Pourquoi es tu venu, opiniâtre Sauvage, — troubler le Sommeil de la Wala ? — Impaisible, — laisse moi libre ! — brise la contrainte du Charme.

Le Voyageur

Tu n’es pas — ce que tu te rêves… — La Sagesse de la Première-Mère — va vers-la Fin : — ta Science s’incline — devant ma Volonté. — Sais-tu ce que Wotan veut ? — à toi, Non-sage, — je le nomme en l’oreille, — pour que, insoucieuse, éternellement, tu dormes. — La Fin des Dieux — d’angoisse ne me tourmente pas, — depuis que mon Désir la veut… — Ce que, dans l’âpre douleur de la discorde, — désespérant, jadis, j’ai décidé, — joyeux et jouissant, — aujourd’hui, librement, je l’ordonne : — en un furieux dégoût, j’ai voué — l’univers à l’envieux Nibelung ; — au très gai Waelsung — je retourne, maintenant, mon héritage. — Lui, élu par moi, — mais par moi non connu, — très hardi garçon, — dénué de mon conseil, — il a pris l’anneau du Nibelung : — exempt d’envie, — radieux d’amour, — il ne subit pas, le Noble, — la malédiction d’Albérich ; — car étrangère lui reste la crainte. — Celle que tu m’as enfantée, — Brünnhilde, — sera éveillée par lui, pour lui, le gracieux Héros : — veillante, elle accomplira, — ta Sachante enfant, — l’acte de l’Universelle Libération… — Donc, dors, à présent, toi, — ferme ton œil ; — rêvante, vois ma Fin !… — pour accomplir, aussi, cela, — en l’Eternel Jeune Homme — se retire, joyeusement, le Dieu… — Or, descends, Erda, — Première-Originelle-Crainte, — Premier-Souci, — à l’Eternel Sommeil, — descends, descends !

(Traduit par Edouard Dujardin).

Complément au mois wagnérien de mars

BRÈME

  • 18 Mars. Opéra : Tannhæuser.

BUDAPESTH

  • 29 Mars. Concert Philharm. : Prèl. et sc. fin. de Tristan.

CARLSRUHE

  • 22 Mars. Opéra : Lohengrin.

CHICAGO

  • 28 Février. Opéra : Tannhæuser.
  • 23, 28 Février. Opéra : Tannhæuser.
  • 2, 7, 13 Mars. Opéra : Lohengrin.
  • 5 Mars. Opéra : Tannhæuser.
  • 10, 11, 14 Mars. Opéra : La Walküre.

CINCINNATI

  • 16, 20 Mars. Opéra : Lohengrin.
  • 19 Mars. Opéra : Tannhæuser.

COLOGNE

  • 31 Mars. Opéra : Tannhæuser.

DORTMUND

  • 13, 31 Mars. Opéra : Tannhæuser.

DRESDE

  • 24 Mars. Opéra : Tannhæuser.

DUSSELDORF

  • 20 Mars. Opéra : Lohengrin.
  • 22,29 Mars. Opéra : La Walküre.

FRANKFORT

  • 19 Mars. Opéra : Le Hollandais Volant.
  • 22 Mars. Opéra : Lohengrin.

FRIBOURG

  • 28 Mars. Opéra : Lohengrin.

GOTHA

  • 29 Mars. Opéra : Lohengrin.

HANOVRE

  • 22 Mars. Opéra : Lohengrin.

KIEL

  • 30 Mars. Concert-Wagner : Troisième acte de la Walküre.

LEIPZIG

  • 12 Mars. Concert (dir. Tahron) : Scène finale de la Walküre.
  • 16 Mars. Opéra : Rienzi.
  • 28 Mars : Tannhæuser.

MAYENCE

  • 26 Mars. Opéra : Lohengrin.
  • 29 Mars. Opéra : Rienzi.

ŒLS

  • 15 Mars. Concert (dir. Winkelmann) : Fragm, de Rienzi, Lohengrin, Tannhæuser, Tristan et Parsifal.

POSEN

  • 17 Mars. Opéra : Le Hollandais Volant.

REICHENBERG

  • 23 Mars. Concert-Wagner (Festiv. Bach-Haendel) : Fragm. du Hollandais Volant et de. Tannhaeuser.

RIGA

  • 2,14, 26 Mars. Opéra : Lohengrin.

TRIESTE

  • 13, 15,17, 25 Mars. Opéra : Le Hollandais Volant (1ere représentation).

VIENNE

  • 31 Mars. Opéra : Lohengrin (Winkelmann, Mlle Klein).

WEIMAR

  • 26 Mars. Opéra : Le Hollandais Volant.

WIESBADEN

  • 17, 28 Mars. Opéra : Le Hollandais Volant.

Corrections

BRUXELLES

  • 7, 9, 11,13, 16,19, 21, 23, 26 mars — Théâtre de la Monnaie : Les Maîtres Chanteurs (neuf premières représentations).

Le mois wagnérien

PARIS

  • 1er Avril Concert Lamoureux : Ouv. de Rienzi ; Prél. et introduction au 3e acte de Lohengrin ; Ouv. du Vaisseau-Fantôme ; Prél. de Tristan ; Ouv. de Tannhæuser ; Prél. de Parsifal ; Ouv. de Faust ; Marche fun. de la Gœtterdæmmerung ; Marche de Fête.
  • 1, 2 Avril. Concert du Conservatoire : Récit et chœur des Pèlerins.
  • 19 Avril. Concert Colonne : Romance de l’Etoile, et septuor de Tannhæuser (Faure).

AMIENS

  • 19 Avril. Concert Lamoureux : Ouv. de Rienzi.

BORDEAUX

  • Concert de la Société Ste-Cécile : Prél. de Lohengrin ; chœur des Fileuses.

LILLE

  • 12 Avril. Concert Lamoureux : Scène fin. de Lohengrin (Van Dyck) ; Ouv. de Rienzi.

ROUBAIX

  • 11 Avril. Concert Lamoureux : Ouv. de Tannhæuser.

ANVERS

  • 27 Avril. Société de Symph. Concert Wagner (dir. Emil Giani) ; Prél. de Lohengrin ; vision d’Elsa ; Prél. de Parsifal ; Romance de l’Etoile ; Siegfried et les Filles du Rhin ; Prière d’Elisabeth ; Marche de Tannhæuser ; — Air d’Elsa (2e acte) ; Verwandlungs-Musik (Parsifal) ; Air d’Elisabeth (2e acte) ; Marche fun. de la Gœtterdæmmerung ; Chevauchée. (A. Pauwels, Mlle P. Mailhac).

BERLIN

  • 9, 19, 21 Avril. Opéra : La Walküre.
  • 12 Avril. Opéra : Tannhæuser.
  • 15 Avril. Opéra : Rienzi.

BOLOGNE

  • 15 Avril. Concert (dir. Mancinelli) : L’Agape des Apôtres.

BRÈME

  • 12 Avril. Opéra : Rienzi.
  • 13 Avril. Opéra : Le Hollandais Volant.
  • 15 Avril. Opéra : Tannhæuser.

BRESLAU

  • 25 Avril. Opéra : La Walküre (pour la 1ere fois).

BRUNN

  • 5 Avril. Opéra : Tannhæuser.

BRUNSWICK

  • 12, 19 Avril. Opéra : Les Maîtres Chanteurs.

BRUXELLES

  • 1, 6,13, 16, 22 Avril. Théâtre de la Monnaie : Les Maîtres Chanteurs.
  • 27, 30 Avril. Théâtre de la Monnaie : Les Maîtres Chanteurs. (15e et 16e représ.) (Mme Bosman : Eva).

CASSEL

  • 22 Avril. Opéra : Lohengrin.

COLOGNE

  • 5 Avril. Opéra : Lohengrin.
  • Concert du Gürzenich : Sc. fin. de Parsifal.

DANTZIG

  • 7 Avril. Opéra : Tannhæuser.
  • 13 Avril. Opéra : La Walküre.

DRESDE

  • 5,15 Avril. Opéra : Rienzi.
  • 18 Avril. Opéra : Lohengrin.
  • 21 Avril. Opéra : Le Hollandais Volant.

DUSSELDORF

  • 1er avril. Opéra : Tannhæuser.

FRANCFORT

  • 2 Avril. Opéra : Les Maîtres Chanteurs (Reichmann).
  • 7 Avril. Opéra : Tannhæuser.
  • 21 Avril. Opéra : Le Hollandais Volant (Scaria).
  • 28 Avril. Opéra : Lohengrin.

GENÈVE

  • 8 Avril. Concert de l’Harmonie naut. : Marche nupt. de Lohengrin ; marche fun. de Goetterdæmmerung.

HAAG

  • 8 Avril. Concert Nicolai. Prél. et sc. fin. de Tristan ; Sc. fin. de la Walküre ; Prél. et sc. fin. du 1er acte de Parsifal.

HAMBOURG

  • 5 Avril. Opéra : Lohengrin (100e représ.)
  • 12 Avril. Opéra : Rienzi.
  • 13 Avril. Opéra : Le Hollandais Volant.
  • 15 Avril. Opéra : Tannhæuser.
  • 17 Avril. Opéra : Lohengrin.

HANOVRE

  • 6 Avril. Opéra : Tannhæuser.

INNSBRUCK

  • 6 Avril. Opéra : Lohengrin.

LEEDS

  • 22 Avril. Concert Richter : Programme Wagnérien.

LEIPZIG

  • 10 Avril. Opéra : Le Hollandais Volant.
  • 11 Avril. Opéra : Tristan et Isolde.
  • 14 Avril. Opéra : Lohengrin.

LIVERPOOL

  • 21 Avril. Concert Richter : Programme Wagnérien.

LONDRES

  • 4 Avril. Conc. du Palais de Cristal (dir. Manns) : Waldweben.
  • 4 Avril. Conc. du Palais de Cristal. Air des Maîtres Chanteurs (Lloyd).
  • 18 Avril. Conc. du Palais de Cristal. Prél. de Parsifal.
  • 25 Avril. Conc. du Palais de Cristal. Sc. fin. du 1er acte de Parsifal.
  • 22 Avril. Société philharm. (dir. Sir Arthur Sullivan) : Air des Maîtres Chanteurs (Lloyd).
  • 27 Avril. Premier Concert Richter : Ouv. de Tannhæuser, Prél. de Parsifal.

MAGDEBOURG

  • 6 Avril. Opéra : Lohengrin.

MANCHESTER

  • 25 Avril. Concert Richter : Programme Wagnérien.

MANNHEIM

  • 6 Avril. Opéra : Siegfried.
  • 19 Avril. Opéra : Le Hollandais Volant.

MUNICH

  • 6 Avril : Opéra : Lohengrin (Vogl, Gura, Mlle Dressler, mad. Vogl).
  • 10 Avril. Opéra : Siegfried (Vogl, Schlosser, Gura, mad. Vogl)
  • 14 Avril. Opéra : Gœtterdæmmerung (Vogl, mad. Vogl).

OXFORD

  • 23 Avril. Concert Richter : Programme Wagnérien.

ROME

  • 23 Avril. Concert (dir. Sgambati) : Air, ballade et chœur du Hollandais ; Romance de l’Etoile ; marche de Tannhæuser ; Siegfried Idylle.

ROTTERDAM

  • 1, 4 Avril. Opéra : Les Maîtres Chanteurs.
  • 7 Avril. Opéra : Tannhæuser.

SCHWERIN

  • 6 Avril. Opéra : Tannhæuser.

VIENNE

  • 5 Avril. Opéra : Tannhæuser (Winkelmann, mad. Papier).

WEIMAR

  • 19 Avril. Opéra : Rienzi.

WELS

  • 7 Avril. Concert : Album-Blatt ; Sc. fin. de Tristan (piano) ; air de Walther (1er acte) ; chœur des Pèlerins.

WIESBADEN

  • 12 Avril. Opéra : Les Maîtres Chanteurs.

 

Il faut noter encore, à Paris, avec les concerts publics, des soirées Wagnériennes particulièresbc, où est exécutée, principalement, la musique de Parsifal, arrangée pour un petit orchestre par M. Humperdinck. Ces séances, d’un caractère absolument intime, données par un amateur, musicien et bibliophile, zélé wagnériste, bien connu du monde musical et artistique, — ont eu lieu tout l’hiver, deux à trois fois par mois. Le programme de la plus récente (21 avril) comprenait le premier et le deuxième acte de Parsifal21.

Articles des journaux

À ajouter à la bibliographie de la presse belge, sur Les Maitres Chanteurs :

La Jeune Belgique (10 avril) ; un très intéressant article de M. Henry Maubel.

L’Indépendance Belge : lettre de M. Lhanghans sur l’exécution des Maîtres Chanteurs à Bruxelles, comparée aux représentations allemandes.

Le Guide Musical(6 et 23 avril) : amusante polémique avec Le Ménestrel, touchant le « succès », et « les recettes » des Maîtres Chanteurs ; d’elle ressort que les Mai tres Chanteurs ont obtenu la meilleure fortune, à Bruxelles.

La Gazette (de Bruxelles) a publié une lettre signée : Le Siffleur du Théâtre de la Monnaie : c’est aux Wagnéristes, non à Wagner, que se seraient adressés les quelques sifflets entendus à la Monnaie… Le Guide Musical(23 avril) juge ainsi l’incident.

Il s’est produit quelques protestations et des sifflets isolés à plusieurs représentations.

On s’est expliqué à ce propos dans les journaux belges. L’un des siffleurs, qui est l’âme de la « protestation » a loyalement reconnu que ce n’est pas l’œuvre qu’il sifflait, mais seulement l’intolérance des partisans de Wagner !

Voyez-vous l’intolérance qui consiste à dire à la foule :

« Voilà une œuvre d’art remarquable, profonde, magnifique. Si tu rencontres des gens qui le disent le contraire, ne les écoute pas ! Ecoute l’œuvre, regarde, et tu admireras ! »

Avons-nous jamais dit autre chose ?

Et que répondrez-vous, vous, les adversaires, qui pour la plupart ne connaissez ni l’homme, ni l’artiste, ni sa musique, ni ses poèmes, ni ses écrits théoriques, car si vous aviez lu et compris, écouté et vu, vous admireriez. — Vous répondez : C’était un monstre, de génie peut-être, mais un monstre. Et qui l’admire est un halluciné, un fou, un sectaire !

Et voilà comment nous sommes intolérants.

… Les quelques résistances qui peuvent encore se produire ne nous inspirent aucune inquiétude. Elles consolident simplement la situation, comme disent les politiciens. Soyez donc rassuré : L’œuvre est singulièrement vigoureuse et vivace. Elle fera son chemin sans nous, ou en dépit de nous, comme vous voudrez.

À Paris, signalons un feuilleton documentaire du Siècle (20 avril) ; et citons :

Richard Wagner ne pouvait se dispenser de dire aussi son petit mot sur ce grand inventeur de musique (Bach), qui ne lui a guère laissé à faire, en fait de nouveau, que ce qu’il ne fallait pas faire et voici ce qu’il en dit. C’est court, mais significatif :

« Bach s’efforça de sortir de sa perruque. » Das judentum in der musikbd (Ch. V)22

Cette polissonnerie grossière et bête devait naturellement venir à l’esprit malade et envieux du plus vaniteux des artistes et du plus plat des courtisans qui tour à tour a loué et insulté tout le monde. On n’a pas oublié cette appréciation qu’il a faite de l’auteur de Don Juan :

« Une musique de table, c’est-à-dire une musique qui, entre les agréables mélodies qu’elle fait entendre par intervalles, offre encore un bruit propre à exciter la conversation23 ».

Il y avait du pitre chez ce névrosé qui avait fini par se persuader qu’avant lui l’Allemagne n’avait pas de musique.

L’Allemagne avant moi n’avait pas de musique,
Car je compte pour peu Mozart et Meyerbeer,
Des faiseurs d’OPÉRAS comme Charles Weber.
Moi, je suis patenté pour le DRAME LYRIQUE !
— Allons, me direz-vous, cet homme est un rêveur.
— Rêveur n’est pas le mot. — Alors c’est un farceur.
C’est le grand tourmenteur qui, de la mélodie,
Sous le nom d’INFINlE a fait la parodie.
C’est Wagner ?
— Ia mein herr24.

Publications nouvelles25

Richard Wagner d’apres lui-même, Ier volume, développement de l’homme et de l’artiste, par Georges Noufflard. (I vol. in-16, 3 fr. 50).

L’ouvrage de M. Noufflard, qui comprend la biographie de Wagner, jusqu’en 1849, est venu en son temps : pour comprendre l’œuvre d’un artiste, il est utile de connaître sa vie ; mais une biographie exacte et rigoureuse est nécessaire, avant toute autre étude. M. Noufflard fait son livre d’après les écrits même de Richard Wagner, et, pour en compléter les renseignements, il s’est servi de l’admirable biographie allemande de M. Glasenapp.

C’est donc un livre utile ; il est malheureux, seulement, que des réflexions personnelles, bien qu’elles soient intéressantes, altèrent le caractère scientifique et documentaire de l’ouvrage.

Ce premier volume comprend les chapitres suivants :

Avant-propos ; introduction (esthétique) ; 1° Education anarchique ; 2° Wagner devient artiste (les Fées, la Défense d’aimer) ; 3° Wagner chef d’orchestre en province (Rienzi) ; 4° Paris — lutte pour l’existence ; — 5° Révolte — Wagner critique ; 6° le Vaisseau Fantôme — Manfred ou Tànnhaeuser ; 7° Wagner chef d’orchestre à Dresde — Tannhaeuser ; 8° Première idée des Maîtres Chanteurs — Lohengrin ; 9° Dernière crise — Projet de réforme du théâtre ; 10° Dernier conflit — Formation de l’idéal ; 11° Forme du drame de Wagner — Révolution et exil, la Mort de Siegfried.

 

Critique d’Avant-Garde, par Théodore Duret, (I vol. in-18 3 fr. 50)

Un des chapitres de ce livre, qui est un recueil d’articles de critique artistique, est consacré à Richard Wagner. Il a été écrit en 1869, et publié dans la Tribune (26 décembre), à propos de l’exécution au concert Pasdeloup, de l’ouverture des Maitres Chanteurs.

On trouve dans cette étude une intelligence de la musique Wagnérienne et une hardiesse bien remarquables, si l’on songe combien étaient, en 1869, rares et insuffisants les moyens de connaître l’œuvre de Wagner, et combien périlleux le rôle de wagnériste.

Correspondances et Nouvelles

Angleterre. — Le seul événement tant soit peu Wagnérien du mois passé a été l’installation du grand directeur Wagnérien Richter comme Docteur ès musiques par l’université d’Oxford, à l’occasion du concert Wagnérien donné sous sa direction, dans l’université même, le 23 avril. Il va sans dire que cet honneur, donné à un Allemand et un Wagnérien, a rendu furieux les wagnérophobes et les Beckmessers de notre presse musicale.

Louis N. Parker.

Notre correspondant anglais a annoncé, la dernière fois, les six représentations que M. Hermann Franke, prépare, à Londres, de Tristan et Isolde (juin-juillet). Afin de parvenir à réaliser heureusement son projet, M. Hermann Franke (Vere Street, London, W.), s’est adressé aux personnes de bonne volonté, et demande une somme de garantie de, au minimum, 125 francs par personne. Le succès de son entreprise paraît assuré.

 

Munich. — L’Assemblée générale de l’Association Wagnérienne Universelle (10 et 11 avril), a décidé l’établissement d’une Fondation-Wagnérienne (Richard Wagner-Stiftung), spécialement destinée à perpétuer les fêtes de Bayreuth, selon la pensée du Maître. L’étude qui va être publiée, dans cette revue sur l’œuvre de Bayreuth, donnera des détails sur cette grande institution.

Anvers. — Le programme du Concert donné le 27 avril, par la Société de Symphonie d’Anvers, était, tout entier, consacré à Richard Wagner. Les journaux anversois l’Escaut(29 avril) et l’Opinion(30 avril) constatent un complet succès : succès musical et succès d’interprétation. Les différents morceaux ont été religieusement écoutés, puis acclamés par un public extrêmement nombreux. L’orchestre composé de 121 exécutants et dirigé supérieurement par M. Emil Giani, s’est tiré de toutes les difficultés d’exécution et de style ; et les deux solistes, Mlle Pauline Mailhac, du théâtre de Carlsruhe, et M. Pauwels, d’Anvers, ont été très remarquables. Ç’a été un triomphe sans conteste, bien élogieux pour la Société de Symphonie d’Anvers et pour le public anversois.

Bruxelles. — Le concert Wagner annoncé pour le 10 avril a eu lieu le 3 mai. Le compte-rendu en sera publié la prochaine fois. Il faut constater, dès à présent, le très grand succès de ce concert.

L’analyse de la Revue de Bayreuth (Bayreuther Blætter) sera donnée dans le numéro suivant.

Le Directeur-gérant : Edouard Dujardin.