FRASNAY. [Pierre de] On ne sait pas où est né cet Auteur, mais c’est une bien petite gloire perdue pour sa patrie. On le connoît par un mince Recueil de Fables qu’il publia en 1771, sous le titre de Mythologie, ou Recueil de Fables Grecques, Esopiques & Sybariques, mises en Vers François. Ce seul titre suffit pour donner une idée de la justesse de son esprit. Confondre les Fables d’Esope & des autres Fabulistes avec la Mythologie, c’est la preuve d’un grand discernement. Il eût mieux fait d’intituler son Recueil : Parodie des Fables d’Esope, ou plutôt, des Fables de la Fontaine, [car ce Monsieur de Fresnay a mis en Vers les mêmes Fables que celui-ci], que d’annoncer son travail sous un titre qui le rend doublement ridicule. On l’a pourtant loué dans le Mercure.
Qui Bavium non odit, amet tua carmina, Mævi.
FRERET, [Nicolas] de l’Académie des Inscriptions, né à Paris en 1688, mort dans la même ville en 1749, Ecrivain également célebre & par l’étendue & par l’abus du savoir.
Il n’avoit pas vingt ans, qu’il avoit déjà fait plusieurs Mémoires très-savans sur presque tous les points de la Mythologie Grecque, & à vingt-cinq il fut reçu à l’Académie des Inscriptions. L’Ouvrage par lequel il débuta dans cette Compagnie, fut un Discours sur l’origine des François, lu dans une Séance publique, & suivi de l’emprisonnement de l’Auteur à la Bastille.
Son ardeur pour l’étude, qui étoit son unique passion, le soutint dans sa captivité. Mais s’il eût voulu se guérir de sa hardiesse & de ses erreurs, ce n’étoit pas dans les Ouvrages de Bayle qu’il devoit chercher ses délassemens. La lecture de ce Philosophe toujours flottant dans ses principes, non seulement enhardit sa témérité, mais encore le rendit un Sceptique outré, & ôta à son esprit la faculté de trouver une assiette fixe.
Il ne faut donc pas s’étonner que la plupart de ses Ouvrages se ressentent de cette incertitude d’idées, fruit ordinaire d’une érudition indigeste, qui marche au hasard & n’a point d’étoile polaire pour la diriger. Tout à la fois Chronologiste, Géographe, Philosophe, Mythologiste, Grammairien, il n’est instructif que pour ceux qui savent écarter les erreurs & s’attacher avec discernement aux bonnes instructions qu’il présente. Cette attention est sur-tout nécessaire dans son Examen des Apologistes de la Religion Chrétienne, Ouvrage où il empoisonne & altere tous les faits qui contredisent ses idées, à peu près comme certains tempéramens convertissent en humeurs malignes tous les alimens qu’ils prennent, Sa Lettre de Trasibule à Leucipe est encore plus dangereuse. On peut la regarder comme la quintessence des systêmes de Hobbes, de Spinosa, & la source où l’Auteur du Systême de la Nature est allé ensuite puiser ses rêveries. Jamais l’Athéisme ne parut plus réduit en principe, quoiqu’adroitement enveloppé, que dans cette Production, qui annonce par-tout l’esprit dur & le cœur corrompu.
Ces deux Ouvrages n’ont paru qu’après la mort de M. Freret, & le zele de ses Editeurs a moins contribué à la gloire de ce Savant, qu’a fournir un répertoire aux Incrédules, à l’Auteur du Dictionnaire philosophique, entre autres, qui s’est souvent paré de son érudition.
Tel est donc l’effet ordinaire de l’abus des talens ; ils deviennent▶ un poison entre les mains des Frénetiques qui s’en trouvent malheureusement pourvus. L’orgueil, l’indépendance, l’entêtement, sont tour-à-tour des prestiges qui les aveuglent ; & égarés eux-mêmes par leurs propres illusions, ils ◀deviennent une occasion d’ égarement & de folie pour les esprits foibles & inquiets qui n’attendent que de fausses idées pour s’y laisser entraîner.
Cependant, il faut l’avouer, M. Freret eût pu tenir un
rang aussi illustre qu’irréprochable parmi nos célebres Littérateurs.
« Ce Savant connoissoit, dit l’Auteur de son Eloge
historique*, tous les Romans &
les Théatres de presque tous les peuples, comme si ses lectures
n’avoient jamais eu d’autre objet….. & l’on étoit surpris
d’entendre raconter les anecdotes littéraires & politiques du
temps par un homme que les Grecs, les Romains, les Celtes, les
Chinois, les Péruviens, auroient pris pour leur Compatriote &
leur Contemporain »
. Que ne bornoit-il là ses travaux !
On pourroit prononcer son nom, sans rappeler aux hommes sages &
religieux celui d’un homme qui a attaqué le plus ouvertement le
Christianisme, & fourni le plus d’
armes
aux extravagans adversaires qui l’ont attaqué après lui.