Reyrac, [François-Philippe de] Censeur Royal, de l'Académie de Caen, Associé Correspondant de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres de Paris, né en Limousin en 1734.
Si, comme cet Auteur le dit lui-même dans un Vers des plus prosaïques,
Qui n'est pas né Poëte, à rimer perd son temps.
on pourroit assurer qu'il a perdu celui qu'il a employé à faire ses Poésies. Le Public les a mal accueillies, parce que le Public savoit avant lui cette maxime d'Horace, bien mieux énoncée que la sienne :
Tu nihil invitâ dices, faciesve Minervâ.
Les Odes de M. l'Abbé de Reyrac ne sont que de la prose rimée & souvent mal cadencée. Vainement y chercheroit-on de l'enthousiasme, de la Poésie, du dessin dans le plan, du coloris dans les images, de l'énergie dans l'expression, qualités indispensables au genre lyrique, duquel on peut dire,
Qu'il n'est point de degrés▶ du médiocre au pire.
Une autre preuve que cet Auteur n'est pas né Poëte, c'est que le langage sublime & figuré des Prophetes n'a pas été capable d'échauffer sa verve. Un seul Pseaume suffisoit à Rousseau pour faire une Ode pleine d'élévation, de chaleur & de sentiment ; & trois ou quatre Pseaumes fondus dans chacune des Odes sacrées de M. l'Abbé Reyrac, n'ont pu leur donner le moindre ◀degré de chaleur & de vie. On seroit tenté de croire que son génie tient du naturel de la Salamandre, qui subsiste, dit-on, au milieu des flammes sans en être échauffée, & vient à bout de les éteindre. Il y auroit cependant de l'injustice à ne pas lui tenir compte de ses bonnes intentions ; les tentatives qu'il a faites, quoique malheureuses, n'en sont pas moins d'honneur à son cœur & à sa Religion. Les mêmes sentimens l'ont porté à s'élever contre les Philosophes modernes dans des Epîtres moins mauvaises que ses Odes, mais toujours foibles, & dans les Discours préliminaires placés à la tête de ses divers Ouvrages de Poésie. On doit lui savoir gré d'avoir consacré son travail à la défense de la Religion, pendant que tant d'autres Auteurs s'efforcent de faire valoir des talens plus médiocres encore, à la décrier.
Depuis la derniere édition de cet Ouvrage, l'Abbé de Reyrac semble s'être fait justice sur son peu de talent pour la versification : il a publié une Hymne au Soleil ; mais il l'a écrite en prose ; & si cette prose sur la source de la lumiere & du feu est dépourvue de verve & de chaleur, elle ne l'est point de clarté, de correction, ni d'images grandes & noblement exprimées. Ce petit Ouvrage est précédé d'un Discours préliminaire qui renferme d'excellens principes de morale & de goût, qui prouvent que l'esprit de l'Auteur est plus propre à donner des leçons que des exemples.